Quelle différence intellectuelle y a-t-il quand on regarde ce qui vient avant la Révolution Française, entre Gilbert Keith Chesterton et un Un Droitiste de Nos Temps, dont je tais le nom?
Dans le mail qu'il m'envoie, et j'espère qu'il ne le considère point comme une "lettre confidentielle", il commence à expliquer Lafayette dans une phrase comme ceci:
Bien qu'aristocrate et allié, par mariage, à la puissante famille des Noailles, La Fayette a eu un parcours intellectuel, philosophique et moral très profondément marqué par l'ère des lumières. En dépit de sa jeunesse, il s'est trouvé très tôt impliqué dans le formidable bouillonnement d'idées qui marque l'époque des encyclopédistes, des philosophes et des penseurs du XVIII° siècle. Un tel courant d'idées se trouvant, à son époque, tout particulièrement représenté au sein de la naissante Franc-Maçonnerie spéculative, ordre initiatique traditionnel, il était logique que La Fayette en devînt l'un des plus enthousiastes représentants.
Comment est-ce que Chesterton aurait donné les mêmes faits sur Lafayette?
Je corrige le paragraphe selon ce que je pense aurait été la pensée de Gilbert Keith Chesterton:
Puisqu'il est aristocrate et allié, par mariage, à la puissante famille des Noailles, La Fayette a eu un parcours intellectuel, philosophique et moral très profondément marqué par l'ère des lumières,
qui était la grande mode et les aristocrats sont toujours à la mode. Faisant partie d'une jeunesse dorée, il s'est
logiquement trouvé très tôt impliqué dans le formidable bouillonnement d'idées qui marque l'époque des encyclopédistes, des philosophes et des penseurs du XVIII° siècle. Un tel courant d'idées se trouvant, à son époque, tout particulièrement représenté au sein de la naissante Franc-Maçonnerie spéculative, ordre initiatique
désormais devenu traditionnel,
à son époque encore un nouveau défi, il était logique que La Fayette en devînt l'un des plus enthousiastes représentants.
Ou plutôt, puisqu'il était logiquement Franc-Maçon, il était logique qu'il devînt un représentant de ce courant d'idées.
Ici, je fais abstraction du fait que pour Chesterton, la cause de l'égalité n'était point l'apanage exclusif, ni des Lumières, ni des Franc-Maçons, qu'elle est plutôt un apanage éternel de la Chrétienté, et qu'elle se trouvait à cette époque accidentellement coupé de ses racines chrétiennes par la Renaissance payenne qui était intervenue entretemps. Je fais abstraction que pour Chesterton, le soutien des colons aux États-Unis naissants, le soutien au parti qui se soulevait dans les Treize Colonies dépasse de beaucoup une mode philosophique et une loge initiatique quelleconque.
Je fais abstraction de ceci, mais juste pour pouvoir donner le paragraphe en corrigé. Pourquoi ceci?
Parce qu'il est parfois à la mode en France de nos jours, de trancher les choses un peu trop rigidement, comme si Chrétienté et "hiérarchie aristocratique" étaient un ensemble naturel et comme si égalité et "révolution antichrétienne" l'étaient. Pour lui, au contraire, une aristocratie peut être une blague ou essayer de se valoriser sur des principes en dernière analyse assez égalitaires. L'une chose s'appelle en Angleterre gentry, l'autre chose s'appelle chevalerie ici comme en Angleterre.
Et les dichotomies qui ont canalisé les aspirations égalitaires dans une révolution en Amérique achrétienne et en France une autre révolution antichrétienne, sont des sophismes que précisément l'aristocratie s'est plu à mettre à la mode.
Dans un chant contre la Révolution Française* on fait cause d'un homme, d'un général révolutionnaire, qui a mis des hommes dans un four, vivants, pour semer la Terreur. La révolution était donc terroriste et génocidaire et criminelle? Oui. Mais ce général Amey était aussi avant d'être un révolutionnaire, comme Napoléon, officier et donc aristocrate. Car comme un rélicte des temps de la chevalerie, on n'était pas officier en simple bourgeois. Son père était en plus médecin, comme Guillotin. Et sa ville de naissance, Sélestat, à l'époque encore Schlettstadt ou Schlestatt, l'est aussi pour Martin Bucer, le réformateur qui voulait faire l'unité entre Luther et Zwingle, en bradant la Présence Réelle, que Luther croyait paradoxalement encore, et qui inspirait les autres réformes non-luthériennes de Calvin en Genève et de l'Anglicanisme sous Henri VIII et surtout sous Édouard VI, elle est encore ville de naissance ou des études pour Paul Phrygio, autre réformateur protestant.
Autre malfrat selon le chant de Pierre d'Angles : Turreau.
Le père de Louis-Marie Turreau était procureur fiscal des eaux et forêts du comté d'Évreux, puis est devenu par la suite maire d’Évreux. Cette situation fait jouir les Turreau de certains privilèges, noble, leur nom est inscrit dans les grandes armoiries de France. Louis Marie Turreau est cependant un fervent révolutionnaire dès 1789. Il en profite d’ailleurs, comme beaucoup de bourgeois de l’époque : il se fait élire maire d’Aviron, achète quelques biens du clergé (dont l’abbaye de Conches).
Copié-collé de l'aristocratie anglaise anticatholique à l'époque de la Réforme, alors?
En d'autres mots, soit qu'avait tort Belloc, qu'avait à sa suite tort Chesterton, en vantant la révolution française, en excusant la Guerre contre la Vendée, mais leur analyse sur l'aristocratie prérévolutionnaire tient.
Et Lafayette était probablement meilleur que ces Amey, Turreau ou ... Foulon.
Bien-sûr, qu'un aristocrate est fervent révolutionnaire** n'a rien de très surprenant, à moins qu'il ait eu des grandes privilèges avant la révolution - ou une dévotion catholique. Qu'il était franc-maçon la wikipédie anglaise tient d'un Unger, dont la publication en 2002 n'était pas accessible a Chesterton qui mourait en 1936. Je ne sais pas si une autre publication avant l'avait noté ou pas. D'ailleurs, en respectueux envers Louis XVI, Lafayette et Georges Washington, Chesterton note toutefois que l'abolitionniste était l'autre Georges, Georges III d'Angleterre.
L'homme qui m'a envoyé le courriel dit aussi que le maître à penser de Lafayette était l'abbé Raynal, et ajoute : "illustre Franc-Maçon de la célèbre Loge 'Les Neuf Soeurs'" - sans nous dire d'où il sait ça.
C'est probablement vrai que Raynal ait enseveli des Protestants qu'il faisait passer pour des Catholiques***, et certain qu'il a collaboré à l'Encyclopédie de Diderot, œuvre globalement sur index, quoique j'espère pas pour chaque article pris séparément (l'article de Rousseau sur la Musique devait être anodin) ... mais ni sur la biographie, ni sur les articles wikipédiens (consultés: français, anglais, allemand, polonais) je ne trouve qu'il ait été frère de loge avec Voltaire et Franklin et Guillotin (qui y étaient effectivement).
Lacune que se revérifie pour Rousseau. Quoique c'est certain que Rousseau fréquentait Diderot qui fréquentait Rue d'Auteuil où cette loge recevait - aussi des non-membres. Je ne sais pas exactement de quelle source le bon abbé Houghton avait l'information que Rousseau fût maçon, ou plutôt il évite de poser ces mots, il l'appelle "habitué des loges", donc, il n'était pas forcément membre de telle loge lui-même. Je ne l'ai pas lu quand, jeune, je lisais ses Confessions non plus, de ma mémoire.
Que Rousseau ou Raynal aient été "frères des Neufs Sœurs" est possible - mais ils n'étaient pas illustres comme tels, selon les sources que je peux pour l'instant accesser (une rédaction wikipédienne peut facilement ajouter ou reprendre un nom sur une liste), mais ils pouvaient aussi ne pas l'être. Soit d'une autre loge, moins connue, soit pas strictement frère du tout.
Le Droitiste m'a envoyé avec le texte cité plus haut aussi un image du tablier maçonnique de G. Washington. Mais pas de celui de Raynal ou même de Lafayette.
Par contre, Raynal semble avoir réagi contre la Révolution, celle de France, bien-sûr, sinon dans ses principes, au moins dans ses applications:
- 1790
- Dote la Société d'Agriculture de Paris d’un prix littéraire et d'une rente annuelle de 25 000 livres destinée à l'achat d'instruments de culture modèles, pour envoyer dans les départements. Le sculpteur Jean-Joseph Espercieux exécute le buste de Raynal lors de son séjour à Marseille. Le 15 août, l’Assemblée Nationale casse le décret l’interdisant de séjourner à Paris. Le 31 août, Brissot annonce à Raynal sa nomination à la Société de Philadelphie « pour l'abolition de la traite et de l'esclavage ».
- 1791
- Début mai, il est de retour à Paris et réside chez son ami l’imprimeur Stoupe. Le 31 mai, lecture par l'Assemblée de son Adresse à l’Assemblée nationale dans laquelle il dénonce les excès du nouveau pouvoir. A cette lecture, Robespierre trouve à celui "qui a cependant publié des vérités utiles à la liberté" pour "excuse suffisante, son grand âge".
Les caricatures et pamphlets de Raynal se multiplient. En novembre, il s’installe à Chaillot, chez son ami le négociant Pierre-Etienne Corsange.°
Alors, est-il un franc-maçon? Est-il leur "idiot utile"? Ou est-il un homme civilisé et intelligent, peut-être en certaines choses en erreur qu'ils traitent en idiot? Et les monarchistes voudraient faire la même chose? Ou encore l'accuser d'être du côté des gens qui l'abusent?
Là, il y a quelque chose qui tourne mal. Je suis monarchiste, et, quoique pour Chesterton et Belloc en général, y compris leur jugement sur une partie importante des aristocrates prérévolutionnaires, pour la Vendée.
Je ne suis par contre pas pour que des gens héroïsés post mortem qui ont souffert pendant la vie soient mises à une forme informelle de l'index par biais des rumeurs non substantiées sur leur appartenance maçonnique. Pas juste pour le plaisir d'être en désaccord avec tout le monde. D'où d'ailleurs ma divergence de méthode avec pas mal d'autres sédisvacantistes lato sensu°° : pour Roncalli, je ne pose pas les problèmes sur rumeurs qu'il était franc-maçon, je n'ai pas encore lu "Nikita Roncalli" et ne peux pas dire quelle était exactement l'évidence ou non pour son appartenance, plutôt sur ses actes connus - comme paragraphe 6 de Mater et Magistra. Comme Montini se montre aussi répréhensible en soutenant l'obligation scolaire, comme Jules Ferry, Lénine, Hitler.
Par un hazard, pour ainsi dire, le droitiste qui m'envoie ce mail sur une liste de diffusion a choisi ce jour pour mettre tous les autres que lui-même sur Cci:
Afin de préserver votre vie privée, ce courriel vous est transmis en copie conforme invisible (Cci).
N'oubliez pas d' effacer mes coordonnées avant de faire suivre ce message en «Cci» à vos correspondants !
Ceci empêchera la copie automatique de nos adresses de messagerie, bon moyen d'éviter la propagation des virus et les attaques informatiques qui nous menacent tous !
Merci de coller ce petit message à tous vos envois.
En d'autres mots, si je lui envoie cette réponse je ne pourrais pas toucher qui que ce soit d'autre. À moins de compter sur sa bonté ... il semble d'origine arabe, donc, malgré son christianisme un peu trop discrétionniste pour que je compte dessus. Il est représentatif, il me semble, pour pas mal de Pieds-Noirs aussi, que les Arabes peuvent qualifier de Roumi, mais qui me semblent parfois un peu trop Moustariba (arabisés). D'où sa présomption que la puissante famille des Noailles n'aurait rien à voir avec l'implication avec les Lumières qu'éprouve Gilbert du Motier, marquis de La Fayette. D'où sa présomption que les jeunes ne s'impliquent normalement pas dans les bouillonnements des idées, surtout pas tôt.
Notons, quand je le qualifie d'Arabe, je me souviens d'un homme qui appréciait ma sympathie pour les Palestiniens et qui me disait à ce propos que les Juifs et les Arabes sont très semblables. En d'autres mots, pas tellement doués pour comprendre les bouillonnements d'idées, pour le bien ou pour le mal, des esprits et des sociétés occidentales.
Espérons qu'il ne considère pas son courriel comme une "lettre confidentielle" ... car si je traite son identité précise de manière confidentielle, je ne le fais pas avec ses idées.
Mais, les lettres confidentielles, celles qui sont fait pour ne pas être dévoilées, bon, je considère la méthode un peu trop maçonnique.
Mes blogs sont faits pour être publiques, pas confidentiels.
Hans Georg Lundahl
BU de Nanterre Paris X
St Marc, martyr à Athènes
28-IV-2015
* Par Pierre d'Angles.
** St Pie X, qui n'était pas aristocrate, disait que les vrais amis du peuple sont les traditionnalistes. Enversement, Chesterton disait que les homme de la mode, de l'avant-garde, sont typiquement des aristocrates.
*** En ceci suivi par Pape Pie XII, qui faisait ou laissait faire ça pour des Juifs vivants pour qu'ils ne soient pas pris pour des Juifs par les Nazis ...
°
Sur les pas de l'abbé Raynal : Chronologie sommaire
http://www.abbe-raynal.org/biographie-abbe-raynal.html
°° Si à mon avis la sédisvacance est déjà finie, je ne suis pas sédisvacantiste au sens stricte. J'adhère provisoirement à Pape Michel (Michael). Et je crois que Boniface X a tort, mais qu'il est honnête, en étant Feeneyite. Au moins jusqu'à il y a peu.