Carolyn Meyer a une excuse pour les balivernes, mais vu que son mari est historien, elle aurait du aller à l'adage "audietur et altera pars". Son excuse de dire des balivernes sur l'Inquisition Espagnole est qu'elle vit à côté des Juifs expulsés d'Espagne en Nouvelle Mexique. Ses voisins peuvent être, à tître personnel, assez honnêtes, mais ils sont certes assez préjugés contre l'Inquisition Espagnole.
Avant de citer les balivernes, je vais vous donner l'exemple sur un soupçonné de cette Inquisition. Il n'était pas Juif, ni soupçonné de l'être en cachet. Il était soupçonné d'être Alumbrado. Bon, vu que les Alumbrados avaient à peu près la doctrine des Quakers (les deux mettent la lumière interne, non seulement audessus des consignes du père confesseur, ce qui est parfois licite, vu St Thomas d'Aquin, mais aussi audessus du Magistère de l'Église, aussi audessus de la Tradition et de la Bible), et que Carolyn Meyer vient de Pennsylvanie où il y a beaucoup des Quakers, le fait que l'Inquisition persécutait les Alumbrados n'est pas de nature de la rendre agréable à Madame Meyer. Mais ce soupçonné d'être Alumbrado, revenons à lui: il avait eu des visions (comme S
te Jeanne d'Arc, probablement brûlée soupçonnée d'être Lollarde, mais par une autre Inquisition que l'Espagnole), il avait commencé à donner des conseils spirituels (pas juste apologétique pour la doctrine, mais vraiment du conseil intime pour chaque âme qui l'écoutait, en différenciant entre péché mortel et péché véniel), et il n'était pas prêtre, juste érémite pénitent.
Trois fois il fut cité devant l'Inquisition Espagnole, soupçonné d'être Alumbrado. Trois fois il fut acquitté de toute accusation, et la troisième fois on ne l'a pas ordonné de cesser totalement de donner du conseil spirituel, car on n'a pas vu de mauvais conseil donné, mais on a en revanche vu que les conseils étaient donnés par charité de Dieu et du prochain. On l'a simplement cité de cesser de donner son conseil à qui que ce soit jusqu'au moment qu'il soit devenu ordonné prêtre après des études qu'il devait entreprendre en théologie, et qu'il entreprit effectivement à la Sorbonne. Il continuait tout au long de sa vie d'écouter la voix de Dieu dans son intimité, et - une fois prêtre - de donner conseil, mais aussi un peu plus tard à donner des ordres, dont les conséquences s'extendent encore aujourd'hui jusqu'à la fin des terres. Il s'appellait avant de devenir érémite Iñigo, et il était Basque. Il était un petit noble d'une propriété féodale appelé Loyola et après son ordination au moins, il s'appelait Ignacio. Je viens de présenter S
t Ignace de Loyola.
Oh, encore une chose: bien que parfois des Jésuites ont conseillé d'introduire l'inquisition (notemment en Pologne, sous Sigmonde III Wasa, roi de Suède et de Pologne, ce qui fut l'occasion pour lui de perdre la couronne suédoise au profit d'un usurpateur qui était son oncle, et dont le fils, son cousin, devint le terrible Gustave II Adolphe, terreur des contrées catholiques du Saint-Empire), ils ne pouvaient pas devenir des inquisiteurs. C'était contre la règle que S
t Ignace leur avait donné.
D'après ce cas, il semble donc que l'Inquisition Espagnole n'était pas un piège mortel pour chaque simplement soupçonné. Mais allons à ce que Carolyn Meyer nous raconte. On va à la p. 187 et suivante:
Aux yeux de la reine, toute personne n'acceptant pas pleinement la foi chrétienne était coupable du péché d'hérésie.
Déjà un faux. Toute personne
baptisée n'acceptant pas pleinement la foi chrétienne était coupable soit du péché d'hérésie, soit du péché encore plus grave d'apostasie. Et l'est encore, les définitions n'ayant pas changé depuis le temps des Reyes Católicos.
De plus, elle était convaincu que nombre des conversos, les juifs convertis au christianisme, étaient des faux chrétiens.
Pas tout faux. Nombre l'étaient effectivement, ayant pris le baptême en espérence d'échapper à l'expulsion. Ajoutons que l'expulsion fut la réponse à un intrigue débusqué (réellement ou non, c'est probable que les responsables l'aient cru au moins, d'ailleurs les négateurs de ce complot sont souvent des judéophiles) de trahir l'Espagne récemment libérée aux Maures. Comme les Maures avaient conquis l'Espagne après une autre trahison. Mais ce n'est peut-être pas toute l'histoire. Alain Sanders, qui est plus avisé (à mon avi) quand il parle d'histoire que quand il parle de politique contemporaine, vient de faire en PRÉSENT (un de ces numéros de Samedi avec l'appendix culturel et litéraire) de la publicité pour un livre intitulé "L'aventure des conversos" ou "L'aventure des Marranos". Là il ajoute une autre raison: les conversos sincères reclamaient l'Inquisition pour ne pas passer pour des faux Chrétiens. Pour être innocentés, comme le fut aussi S
t Ignace. Les massacres de Juifs se faisaient de manière populaire, des massacres des populations récemment convertis aussi (comme Scandinave je pense au massacre des Danois convertis en Angleterre le jour de S
t Brice en 1002), ils auraient donc pu être méconnus sans leur faute, mais une fois que l'Inquisition existait, ils pouvaient faire appel à ce tribunal pour être innocentés. Selon Alains Sanders Torquemada lui-même était de famille conversa (plus anciennement qu'à l'expulsion, évidemment).
À sa demande, le pape Sixte IV fondait le Tribunal de l'Inquisition espagnole qui avait tout pouvoir d'arrêter, de juger et de punir ceux qui étaient accusés d'hérésie. Torquemada, le confesseur de son infance, fut nommé inquisiteur de chef.
Ainsi débuta une terrible période. Toute personne soupçonné d'hérésie pouvait être arrêtée sur le champ. Les accusés qui ne connaissaient pas l'identité de leurs accusateurs, étaient jugés coupables sans preuves.
Encore un faux. L'anonymat des accusateurs date de l'Inquisition contre les Albigeois, et avait pour son but d'origine de garantir la sécurité des accusateurs après la reconquête chrétienne des parties du Midi où cette hérésie assez terrible grassait. En effet, les Albigeois se sentaient en bon droit d'assassiner, non seulement les Inquisiteurs en train de faire les procès, mais aussi d'autres, la croisade contre eux ayant débuté après un meurtre d'un légat papal, et, évidemment ils étaient soupçonnés de vouloir assassiner des témoins et des accusateurs aussi. Un peu comme la mafia aujourd'hui.
Mais cet anonymat n'impliquait pas la liberté de qui que ce soit d'accuser qui que ce soit sans preuves. Chaque accusé était selon la procédure romaine normale demandé de fournir une liste de ses ennemis personnels. La liste fournie, chaque témoignage provenant d'une personne sur cette liste était compté comme nul. S'il n'en restait pas de témoignage ou accusation valable, l'accusé était simplement relâché.
Ce procédure comporte aussi un autre point, qui ne fut pas respecté dans le cas de S
te Jeanne d'Arc, mais c'est parce que la procédure d'elle relevait beaucoup plus du procédure nationale anglaise contre les Lollards, où les évêques avaient la liberté de faire leur enquête comme ils voulaient. Ce point, qui ne fut donc pas respecté envers elle, est de ne pas pousser la torture trop loin. Le but de la torture, comme le but des privations de sommeil chez la police états-unisienne, était de pousser à un degré d'irritation qui ne permet plus la discrétion. Donc ce qui suit ici est sinon faux au moins trompeur:
Beaucoup étaient torturés jusqu'à ce qu'ils avouent.
La torture ne pouvait pas s'appliquer à un sujet ayant une maladie cardiaque, ni sur un âgé de plus de 60 ans (Galilée ne fut donc pas torturé en 1633, et dans le premier procès ce n'était pas encore claire que sa théorie allait être jugée comme hérétique, il avait avoué sans hésiter donc pas été torturé en 1616 non plus), ni prolongé au-dela de trois jours.
Pour compter comme preuve, en plus, une confession devait être signé après les tortures, par celui qui avait confessé sous torture. Une signature pendant les tortures ne comptait pas comme preuve conclusive.
Une preuve qui comptait comme conclusive, qu'il s'agisse des conversos en Espagne ou des soupçonnés d'hérésie albigeoise, était la nourriture. Un refus de manger de porc devant l'Inquisition espagnole (seulement un jour qui n'était pas un jour de jeûne, esperé-je!) pouvait conduir un converso suspect de crypto-judaïsme, technicalement donc apostasie après baptême, aux châtiments de l'Inquisition, dont le suprème était le bûcher.
On peut dire que ce refus aurait du être respecté, selon S
t Paul: que celui qui ne mange pas ne juge pas celui qui mange, que celui qui mange ne juge pas celui qui ne mange pas.
On peut ajouter que pas mal des gens applicant cette preuve étaient des conversos eux-mêmes. Et que leur réponse probable aurait été qu'ils ne demandaient pas les accusés de prendre l'habitude de manger du porc, mais de le manger une fois par obéissance. Pour montrer qu'ils ne croyaient pas que le porc et les crevettes restent illicites sous la Nouvelle Alliance.
Lors des procès pour hérésie ...
Surtout après, non lors!
... appelés auto da fé (acte de foi en portugais) ...
Les autos da fé étaient tenus après le procès, en publique.
... les présumés coupables ...
Les reconnus coupables.
... devaient faire publiquement acte de foi pour mériter leur rachat dans l'autre monde.
Les actes de foi étaient faits par ceux qui avaient abjuré leurs hérésies et qui restaient dans ce monde ci. C'est possible que les rélapses étaient brûlés malgré un acte de foi, mais ceux qui avaient été juste une fois d'hérésie n'étaient pas brûlés, mais ils devaient faire pénitence après leur acte de foi. Souvent en Espagne, cette pénitence était un pèlerinage vers S
t Jacques de Compostèle. C'était par exemple une très commune pénitence pour sorcières ayant abjuré leurs contrats (explicite ou implicite) avec le diable, ayant abjuré leurs sortilèges.
Après quoi, les inquisiteurs prononçaient la sentence: la mort, le plus souvent par le feu.
Pour ceux qui avaient été reconnus coupables et qui avaient
refusé de faire un acte de foi. Peut-être aussi pour les rélapses ayant fait un autre après avoir brisé le premier. Mais le résultat le plus commun du jugement rendu à un auto da fé n'était donc pas la mort.
Mes excuses, Carolyn Meyer est un peu mal informé ès choses catholiques si elle a pu écrire ça.
Elle le montre d'ailleurs déjà un peu en écrivant le roman. La théologie morale distingue non seulement - comme je viens d'évoquer à propos S
t Ignace - le péché mortel du péché véniel, mais aussi les péchés capitales des péchés dérivés. Exemple de la première distinction: voler une fois une somme inférieure à un salaire journalier, si le voleur est pauvre et celui dont il vole ne l'est pas, ni la chose volée une chose appartenant à l'état ou à l'église, est certes un péché véniel. Et voler une somme supérieure à un salaire journalier, si le voleur est riche et celui dont il vole est pauvre, ou si la chose volée appartient à l'église ou à l'état, est certes un péché mortel. Ça c'était pour péché mortel vs péché véniel, distinction importante parce qu'on peut dans le confessionel omettre un péché véniel sans commettre un péché du tout, mais si on omet un péché mortel on commet un nouveau péché mortel, à savoir un sacrilège. L'autre distinction est entre péché capitale et péché dérivé des péchés capitales. C'est importante pour celui qui veut savoir quel genre de péché il doit combattre le plus. Et là, S
t Ignace a donné le conseil (qui n'est pas une obligation de tous les fidèles, juste un conseil) de se mettre un diaire des péchés, une ligne par chaqu'un des sept péchés capitaux, et de mettre simplement un point - pas un récit mais un point - pour chaque occasion qu'on le commet dans une quelleconque de ses dérivaisons. Le vol - qu'il soit véniel ou mortel - est par exemple dérivable, soit de paresse, soit de cupidité qui sont deux péchés différents.
Carolyn Meyer évite d'abord la gaffe très commune de mélanger le concept "péché mortel" et "péché capital". La cahier est bel et bien, comme il faut, un cahier des péchés capitaux. Mais ensuite elle fait d'un simple cahier de péchés - qui comporte normalement sept lignes et des points sur chaque ligne - un diaire comme "journal intime", et ensuite elle suggère que cet exercise doive continuer tant qu'est l'âme concernée en danger des flammes éternels. P. 5:
Ce matin, un peu avant l'aube, mon confesseur, Tomás de Torquemada, m'a donné une pénitence supplémentaire. Il m'a convoqué après la messe pour me remettre ce petit cahier dont les pages de papier parchemin sont vierges. Je suis tenue de faire régulièrement mon examen de conscience. Chaque fois que je commets un péché capital, je dois le consigner ici et méditer à son sujet.
Par les mots "ce cahier" l'Isabelle du roman désigne que les lignes qu'elle est en train d'écrire sont l'obéissance à cet exercise imposé. Or, si elle avait fait ça, la prochaine fois qu'elle se confessait elle aurait du finir de faire ça, et de recommencer avec sept lignes. Sans mots. La méditation aurait pour chaque fois d'un point sur une ligne été par exemple une méditation sur la patience de Job contre la colère, une méditation sur la mort ou sur le feu d'enfer ou sur les souffrances de Notre Seigneur contre les tentations contraires à la chasteté (en les combattant on évite soigneusement de méditer sur la tentation en elle-même ou sur les efforts à faire), et elle n'aurait pas du tout eu un quelconque besoin de noter les méditations dans le cahier.
Mais en étant correcte ici, Carolyn Meyer n'aurait pas eu un roman. Par contre, si elle avait été consciente du fait, elle aurait du avouer ce détournement, un peu comme Morris et Goscinny après chaque bande dessinée de Lucky Luke donnent les faits sur lesquels se base le roman graphique et avec ça corrige aussi les malentendus que leur œuvre aurait pu donner en elle-même. Carolyn Meyer ne confesse pas ce détournement, peut-être en était-elle pas consciente. En plus elle pose dans la bouche de Torquemada des mots qui impliquent que celui du roman - donc l'auteure, qui doit être les yeux et les études de ses personnages dans chaque chose qu'elle veut décrire en détail crédible - ne comprends pas totalement la différence entre péché mortel et péché capital, p. 6:
- Noter le péché c'est en être conscient, et en être conscient, c'est l'éviter, m'a-t-il dit en me lançant un regard noir.
- Pendant combien de temps dois-je me livrer à cet exercise, mon père? ai-je demandé.
- Jusqu'à ce que votre âme ne soit plus en danger et n'encoure plus les flammes de l'enfer, a-t-il repliqué, d'une voix qui semblait venir de l'outre-tombe.
"Where do I start?"
Un Torquemada dont le regard est noir et dont la voix vient d'outre-tombe pourrait encore passer. Mais alors, soit ce n'était pas Isabelle qui l'appercevait comme tel, soit elle aurait bien pu prendre un autre. Dans la religion catholique on peut choisir son confesseur. Chez les orthodoxes, c'est automatiquement le curé qui doit entendre la confession à moins que ce soit l'évêque, mais chez nous les fidèles peuvent choisir un confesseur autre que le curé, s'il a l'accord de Rome. Ce qu'ont les franciscains et les dominicains déjà à cette époque. Et qu'auront les jésuites plus tard. Tomás de Torquemada, dominicain, n'était pas le confesseur obligé de princesse Isabelle, il était le confesseur qu'elle avait choisi. Ce qui ne nous conduit pas à croire qu'il avait réellement un regard noir ou une voix d'outre-tombe!
Ensuite, un pécheur qui commet un péché mortel d'habitude est celui qui encourt les flammes d'enfer. Il n'est pas consigné à noter chaque occurrence des péchés capitales, véniel ou mortel, il doit pour avoir une absolution finir les occurrences de son péché habituel et mortel. Par exemple pape Benoît XIV (qui se verra forcé par pressions politiques de dissoudre les jésuites) avant d'être pape, quand il était curé, avait refusé l'absolution à un coureur des jupes, jusqu'à ce qu'il épouse une de ses victimes ou une autre. On peut avoir besoin d'un cahier pour savoir combien des fois on a pensé une pensée inchaste, mais pas pour savoir combien des fois on a commis la fornication, ou l'adultère, comme c'était son cas.
Un exercise comme un cahier des péchés capitaux n'est pas donné à quelqu'un qui encourt les flammes d'enfer, comme c'était le cas de ce coureur de jupes sous la cure du futur Benoît XIV. C'est donné à une âme généreuse qui veut progresser dans la vertu chrétienne, qui veut amoindrir même les péchés véniels, bien que le salut de l'âme ne le requiert pas comme une nécessité, qui veut faire des pénitences pour le salut des autres, tel genre d'âme, comme l'était très certainement Isabelle de Castille historique.
Donc, il semble que Carolyn Meyer ait compris théoriquement que les sept péchés capitaux ne doivent pas être appelés péchés mortels, mais elle semble oublier que ça signifie qu'ils ne sont pas mortels en chaque occurrence, autrement elle n'aurait pas décrit Torquemada comme ça.
Comme je viens de dire, elle est voisine de quelques Juifs vivant en Nouvelle Mexique et se reclamant (probablement avec raison) d'être héritiers d'une clef d'une maison en Espagne ou de pouvoir parler ou avoir d'ancêtres ayant pu parler le judéo-espagnol appelé ladino. Ils sont certes assez experts en ce qui concerne les souffrances des Juifs ayant choisi l'exile plutôt que la conversion, mais puisqu'ils n'étaient plus là, ils ne peuvent pas avoir été des témoins oculaires de ce qui se passait en Espagne après leur exil. Il ne peuvent pas être experts sur l'Inquisition espagnole. Le problème est qu'ils prétendent l'être et qu'ils ne se rendent pas compte de ce que leur prétention implique d'incrédible. En détestant la catholicisme, assez souvent, ils ne croient pas qu'ils doivent consulter des sources catholiques sur ce qui se passait dans un pays catholique. Et Carolyn Meyer les suit dans ce qu'elle écrit dans le roman et après.
J'aurais peut-être bientôt un article sur la nullité d'un roman historique sur 1212 en ce qui concerne les Albigeois et certains d'autres choses. Mais ceci suffit pour l'instant.
Hans-Georg Lundahl
Bibl. Audoux, Paris
Sts Basile d'Antioche avec
Auxile et Saturnin, Martyrs
27-XI-2012