Thursday, March 4, 2021

Le Qohelet de Codex regius


À quoi servent Les Eddas? · Le Qohelet de Codex regius · Hávamál et Torah · Sigurd - un héro, deux saints

Francis Bergeron ayant prétendu qu'on trouvait plutôt une Odyssée qu'une Bible païenne dans l'Edda, il convient de noter que non seulement Codex regius a dans Voluspá une "Genèse" (mais pas plus loin que chapitre 9) avec une Apocalypse, mais un autre poëme se fait remarquer par sa similitude avec la littérature de sagesse de la Bible. Hávamál est très loin d'Ulysse. Il est en certains aspects très proche aux livres des Proverbes, Ecclesiastes, Syrachide dans la Bible.

Comme il est censé être rédigé par Odin, ceci va avec ce que je viens de dire sur le disciple fourvoyé de Josué Ben Pekharia. Par contre, l'objection classique est, il est en vieux norrois, et cette langue n'existait pas encore à cette époque. Proto-nordique, connu par les cornes de Gallehus, est une autre langue que vieux norrois, connu par exemple de la prose de Snorre ou des poëmes de Codex regius.

Pour prouver le point, en proto-nordique, on peut écrire (et donc dire) "ek hlewagastiz holtingaz horna tawiðo" ce qui serait en vieux norrois "ek Hlégestr höltingr táðði horn[in]". La distance est plus grande qu'entre la fibule de Préneste et la langue de Cicéron. En effet, c'est en parallèle avec le développment entre latin et français, avec des syllabes non accentuées qui disparaissent. Alors, pourrait-on transposer la strophe la plus célèbre de Hávamál en proto-nordique? Je la cite d'abord:

Deyr fé,
deyja frændr,
deyr sjalfr it sama,
ek veit einn,
at aldri deyr:
dómr um dauðan hvern.


Traduisons : "meurt la bétaille, meurent les proches, meurs toi-même de même, je sais une [chose] qui jamais ne meurt : le jugement d'un homme mort."

Bien entendu, on peut traduire ceci an proto-nordique probable, mais la question est, peut-on le faire en gardant une quelconque métrique du poëme?

Jackson Crawford est spécialiste de vieux norrois, il fut consulté pour le film Thor (basé sur Marvel Comics) parce qu'on avait besoin (après Game of Thrones, lui-même après le Seigneur des Anneaux par Peter Jackson) d'une autre langue que l'anglais parlée de manière réaliste et sous-titré. Il a fait des vidéos entre autres sur la relation du proto-nordique au vieux norrois, et dans une, il donne la traduction métrique en proto-nordique de cette strophe.

Old Norse vs. Proto-Norse (Elder Futhark Language)
30 sept. 2020 | Jackson Crawford
https://www.youtube.com/watch?v=A8CdCoUo8kA


Il est païen, et il y a des publicités pour amulettes, ce qui n'empêche pas que son propos est pertinent. N'imitons pas le puritanisme qui évite chaque évocation d'une chose païenne, St. Augustin d'Hippone nous donne un exemple contraire plus qu'une fois en La Cité de Dieu. Après 16:09, il va donner sa transposition en proto-nordique. Et elle sonne métrique.

Donc, ça a pu être rédigé en tant qu'original en proto-nordique et notre version extante est dans ce cas une forme avec des mises à jour linguistiques. Avec une transmission orale, ça ne se faisait pas avec des échanges d'orthographe notées sur papier, mais avec des décisions d'adaptation de la forme apprise à la langue parlée.

Mais, avec des contenus proche d'un livre de la Bible, serait-ce peut-être dû à l'influence chrétienne? Après tout, l'évêque Sæmundr le confie au papier en étant lui-même un Chrétien, non? Islande est convertie l'an 1000 (avec précision!). La première citation de ces deux strophes est par Eyvindr Skáldaspillir en Hákonarmál et ceci autour de 960 - en honneur d'un roi à tendance chrétienne, mais le poëme le pose en Valhalla, donc, le poëte va pas avoir pris ça du Christianisme.

Coïncidence, alors? Les coïncidences s'accumulent, un peu. Si Antoine de Rivarol en prolétaire tendance plouc fustige l'inversion, par rapport à la grammaire du vieux norrois, il y a inversion après inversion au long de la première moitié, comme noté par ma traduction. Par contre, par rapport à l'hébreu (langue maternelle d'Odin s'il est Yéchou, ou proche, si sa langue maternelle était l'aramaïque) c'est l'ordre normal du discours. Genèse 1:4 "wayyar ‘elohim ‘eth-ha’owr" = "vit Dieu la lumière"*. Des langues Celtiques, comme l'Irlandais et le Gallois partagent cet ordre - même verset "do chonnairc Día an solus:"** ou "Gwelodd Duw fod"***. En hébreu, ivorgne et bière-ou-cidre est de la même racine, et en Hávamál strophe 14 on trouve "Ölr ek varð" = "biéreux (ivre) je devins". Le contexte est une confession personnelle d'une occasion ratée où Odin était ivre - peu probable pour une divinité purement spirituelle héritée des loitains ancêtres hypthétiques indo-européens, mais très en charactère avec le disciple de Josué Ben Pékharia. En plus, l'alittération est un rhyme initial consonantique. La même consonne est répété (pour le mot deyr, parce que répété, mais pour dómr et dauðan ou pour sjalfr et sama ce sont des mots différents). Pour les débuts en voyelle ... einn et aldri débutent en voyelles différentes - comme si un début vocalique était un début consonantique avec consonne initiale muette, aleph. Dans le contexte, un début vocalique en presque chaque dialect germanique, nordique, allemand, anglais ou j'en passe, n'a pas de liaison, mais plutôt "h aspiré".

Snorrë en son histoire° norroise (suédoise et norvégienne) pose que le fils d'Yngwë Frey qui était fils adoptif ou beau-fils d'Odin était invité chez Frothon le fils de Hadding. Saxo Grammaticus le confirme. Pour Snorrë, celui était identique à Frothon de la paix, contemporain de César Auguste, pour Saxo Grammaticus, il y avait des siècles entre les deux. Selon la chronologie de Snorrë, donc, Odin vivait un peu avant, genre aux temps de Jules César (ce qui m'occasionnait mon autre piste à propos son identité : druide gaulois). C'est un peu tard pour Yéchou, mais notons qu'entre Daniel et Bar Kokhba, la chronologie juive est raccourcie, donc il y a des choses qui se passaient réellement plus tard qui viennent pour eux plus proches du début.

Autre chose à noter à propos la strophe citée : en syntaxe latine, le génitif apposé à un substantif verbal peut être à la fois objectif et subjectif. "Amor Dei" peut vouloir dire "Dieu aime" ou "NN aime Dieu". "Amor Dei erga mundum non pepercit filium unicum" et "amor Dei et proximi sunt debita hominis". En syntaxe germanique on distingue très nettement les deux, et "jugement de quelqu'un" comme "porté sur quelqu'un" s'exprime avec préposition, "dómr um dauðan hvern". Tolkien a espéré trouver dans le poëte de Beowulf - qui était un Chrétien - un adversaire explicite du Feeneyisme, un exposant de la théorie qu'un païen vertueux peut être sauvé. Or, si Beowulf en mourant espère "soðfæstra dom" ceci n'est pas "le jugement réservé aux justes" mais bien "le jugement par les justes."

Si de coutume moderne la matière de Beowulf est associée à la mythologie nordique, il n'est justement pas mythologique dans le sens d'exposer une mythologie païenne. Le poëte parle certes de païens, mais en précisant d'eux "[qu']ils méconnurent leur Faiseur" et que "l'ennemi des âmes" les séduisit à l'idolatrie. Ce poëme est aussi de la poësie anglo-saxonne qui ne sait rien des mythes nordiques, et les incidents sont complètement ignorés que ce soit de Snorrë, que ce soit de Sæmundr. La structure semble une inversion de l'ordre entre l'Iliade et l'Odyssée, avec un voyage et un retour posés au début et à la fin par contre une bataille menant à la mort et au bucher funèbre (coutûme païenne chez les Grecs comme chez les Nordiques) d'un héro très principal, avec des dialogues avant, comme pour Hector. Soit le clergé anglosaxon était très poussé en Grec avant la Conquête normande, soit un Byzantin est devenu moine ou prêtre et a parmi eux écrit ce texte. Je l'espère pour Photius (qui n'est pas mort en excommunié par un pape, mais par contre en obscurité, comme entré dans un monastère). Il a probablement inspiré un Sigfrid de devenir missionaire parmi les Suédois.

Hans Georg Lundahl
Paris
St. Casimir de Vilnius
4.III.2021

Vilnae, in Lithuania, beati Casimiri Confessoris, e Casimiro Rege progeniti: quem Leo Decimus, Romanus Pontifex, in Sanctorum numerum retulit.

* Word Order [Biblical Hebrew]
https://uhg.readthedocs.io/en/latest/word_order.html


** An Chead Leabhar do Mhaoisi Da Ngoirthear Genesis
The First Book of Moses Known as Genesis
http://theirishbible.ie/OT/1-Genesis-Irish-and-KJV.pdf


*** Welsh Genesis
https://etabetapi.com/read/cy/Gen/1


Par contraste - le breton a : "Ha Doué a welaz pénaoz."

° Connue comme Heimskringla.

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