Thursday, March 4, 2021

Hávamál et Torah


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Notons, je ne vais pas dire que Odin était à la hauteur de Moïse, mais, dans les deux cas, des érudits modernes ont trouvé l'attribution d'auteur exclue parce que la forme linguistique considérée comme accessible au présumé et traditionnel auteur était autre que celle de la plus ancienne forme des textes parvenue en écrit à nous.

Prenons "deyr sjalfr it sama," et remontons à la réconstruction par Jackson Crawford, qui est "daujiþ selβaz samō". Un moment donné, on décide que les "au" devant i, j, ji doivent se prononcer dans le texte comme déjà dans la langue courante "öy", et ça se prononce "döyjiþ selβaz samō". Un autre moment, on abrège les voyelles atones, les déjà brèves en les faisant disparaître, les longues en les mettant en brèves, aussi décidé avec un délai après que tout locuteur nordique prononce de la nouvelle manière : "döyþ selβz sama". Pour la fricative voisée et pour β > v, ça vient presque avec les changements, "döyð selvz sama", et une ou deux générations après, on ajoute un article et on rompe une de voyelles, "döyð syalvz hit sama". Finalement, on remplace la désinence de la troisième personne avec celle de la deuxième personne, comme en français celle-ci a envahi plutôt la première (je prend, tu prens, devenu je prens, tu prens, et ensuite le d orthorgaphique restauré par analogie), donc on prononcera "döyz syalvz hit sama" juste avent de muter le z en r (en dialect parisien, les formes "parler, finir" avec r prononcé ont muté inversement en z avant de les amuire, "parlez, finiz", "parlé, fini" ce qui sera renversé par l'orthographe et d'autres dialectes dans le cas de "finir", mais pas dans le Nouveau Monde), on prononce alors "döyr syalvr it sama" et à cette étape, on le pose en écrit dans l'orthographe déjà citée au début.

Ce processus conserve donc rigoureusement le texte, mais il change la forme linguistique du texte.

Pour un texte écrit, une telle mise à jour est encore plus facile, comme les nouvelles éditions de vers ou prose du XIXe siècle subissent les changements d'orthographe des années 1860-70 et de 1906, pour la prose aussi l'abolition de la conjugaison au pluriel, 1950 (c'est comme dans le français, si des politicards avaient décidé d'abolir le passé simple).

Le genre de processus rend comme déjà dit possible que Hávamál soit écrit par Odin, mais aussi, ce qui importe davantage, et comme c'est le fait, que Moïse est l'auteur de la Torah, quelle qu'était la langue plus ou moins hébraïque parlé à son époque. Si la prononciation "wayyar ‘elohim ‘eth-ha’owr" est trop moderne, peut-être que Moïse (à qui les six jours furent donnés comme révélation en vision) les a rédigés en une langue plus ancienne, on a parlé de proto-sinaïtique. Je n'ai pas de Jackson Crawford pour le proto-sinaïtique, je ne vais pas donner une réconstruction, mais si c'était le cas, des cohanim ont changé l'orthographe à fur et mesure que la prononciation de l'hébreu changeait, sauf dans les cas que la vieille orthographe pouvaient s'adapter à la nouvelle prononciation sans changement.

Et entre Adam et Moïse, l'écart est plus long, entre 4004 et 1491 avant Jésus-Christ selon Ussher* (chronologie acceptable pour la Vulgate) et entre 5199 et 1510 selon le martyrologe romain** (pour 25 décembre, qui situe donc la naissance du Sauveur par rapport à divers évenéments), c'est à dire 2513 ou 3689 ans. Là on a un écart encore plus important, et c'est possible que le hébreu original se soit déjà diversifié dans ce temps entre hébreu, gheez et arabe, ce qui permettrait les Éthiopiens et les Latins d'être les deux bien renseignés sur la première langue, sans qu'il y ait de la contradiction. Dans ce cas, on aurait un phénomène analogue à la diversité entre "daujiþ selβaz samō" et "deyr sjalfr it sama" pour les sources successives de Moïse pour les évenéments des premiers onze chapitres de la Genèse.

Ces textes sont plus courts que Hávamál pour chacun, donc, une transmission absolument fidèle est parfaitement possible, compte tenu du changement linguistique, bien entendu.

Hans Georg Lundahl
Paris
St. Casimir de Vilnius
4.III.2021

PS, bêtise par fatigue, hier, en l'écrivant, j'ai reconstruit "daujiþ selβaz samō" en troisième personne, tandis que j'aurais dû reconstruire "daujiz selβaz samō" dans la deuxième, parce que je viens de traduire "[tu] meurs [toi-]même de même". Par contre, daujiþ fehu" au début, là on a la désinence de la troisième personne remplacé, en restant encore troisième personne, par la désinence de la deuxième personne./HGL

* pour Ussher : CMI : Timeline of the Bible (PDF)
https://creation.com/images/pdfs/other/timeline_of_the_bible.pdf

** pour le martyrologe romain : Φιλολoγικά/Philologica : Background to Christmas Martyrology
https://filolohika.blogspot.com/2019/02/background-to-christmas-martyrology.html

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