Wednesday, June 5, 2024

Tolkien n'a pas tourné de film.


Un lecteur* nous précise que lors d'une conférence à laquelle il assistait à Strasbourg en hiver 2003, une personne a demandé à Mgr Williamson ce qu'il fallait penser du film de Tolkien. Mgr Williamson en a fait un éloge très chaleureux, précisant que Tolkien était un auteur catholique. A une personne qui lui rétorquait que le film était violent, Mgr Williamson a répondu qu'il existait une bonne violence, tout en se lançant dans une comparaison entre ce qui lui semblait une bonne et une mauvaise violence, au grand ébahissement d'une grande partie de l'auditoire.


Je me demande si Mgr. Williamson avait vu le film.

Le film était de toute manière pas de Tolkien, mais de Peter Jackson.

Je ne vais pas dire qu'il était mauvais, mais il n'était pas à la hauteur du roman. Et il n'était pas si catholique que le roman.

Le passage cité vient de l'Abbé Michel Marchiset. Son but est de discréditer Mgr. Williamson, but que je ne partage pas. Mais accessoirement, il attaque aussi Tolkien.

La première chose à comprendre est, Tolkien n'a pas tourné le film. La deuxième est que, Peter Jackson n'est pas Tolkien. La troisième est, Peter Jackson pèse plus dans la violence que Tolkien. Peut-être moins dans les version extendues qui sortent en DVD, mais assez notable dans les versions accessibles en 2003. Et, version extendue ou non, les Ents sont pas, comme chez Tolkien, des géants très amis avec les arbres, ils sont des arbres. Les Ents ne prennent pas leur décision d'attaquer Saroumane en délibération de plusieurs jours, selon leur lenteur habituelle, comme chez Tolkien, ils sont "éveillés" de cette lenteur comme d'une léthargie par un coup de passion.

La discussion et le débat priment beaucoup davantage chez Tolkien, version originale, version livres.

Mais les plaintes de l'Abbé ne se limitent pas à la violence.

Cette admiration déclarée de Mgr Williamson pour Tolkien et son univers pseudo-traditionnel et supra-confessionnel


Pseudo-traditionnel, ça passe. Une ouchronie n'est pas vraiment une chose connue par la tradition. Edoras n'est pas l'Athènes de Thésée, ni Hobbitebourg la cave des cinq Pandavas. Minas Tirith n'a pas été fondée par ce Romulus dont la tradition reste dans le martyrologe pour le Jour de Noël.** Comme Tolkien joue avec la réalité tout court, il joue avec les réalités connues par tradition, et les réalités qui entourent le phénomène de la tradition.

Par contre, qu'on ne prenne pas "pseudo-traditionnel" pour "réellement moderniste" — c'est "réellement fictif" ...

Supra-confessionnel ? Non. Les gens qui adorent Sauron et Morgoth ont très nettement la mauvaise confession. Il s'agit d'un paganisme assez brutal proche de celui des Aztèques ou Canaanéens.

Par contre, c'est vrai qu'il ne se situe pas dans l'histoire comme dans la Chrétienté catholique. Vu que la situation est visiblement (pour ceux qui connaissent le panorama un peu plus large à partir de Silmarillion ou les Lettres de l'auteur) une ère pré-Chrétienne, pas idolâtre, sauf pour les Satanistes qui sont les mauvais, et un milieu d'hommes qui n'est pas (ou pas explicitement, mais probablement pas) dans la lignée conduisant entre Adam et Abraham. D'une telle époque et d'un tel endroit, même parmi les non-idolâtres, on n'attend pas des prises de position entre Catholiques et Protestants.***

Si Monsieur l'Abbé l'ignorait, la littérature anglo-saxonne (ou sa partie préservée) est entièrement chrétienne. Beowulf parle de gens qui sont païens, même s'il ne parle pas de leur idolâtrie, car l'auteur est Catholique. Il me semble que Tolkien y avait vu une vision d'un ère païenne (ignorant le vrai Dieu) mais pas idolâtre, et que Tolkien y avait vu un idéal littéraire pour ce qui est de l'exploration des vertues et vérités purement naturelles. Son ouchronie est donc également (pour les bons) pas idolâtre, un peu moins ignorant le vrai Dieu, opposé à l'idolâtrie sataniste.

apprécié des milieux ésotéristes,


Oui ... sans de vouloir trop mélanger le très grand avec le très petit, Notre Seigneur l'est aussi.

Ah, mais pas dans toutes les dimensions de Sa réalité ?

Bon, Tolkien non plus. Jean-Louis Questin (cité comme preuve par l'Abbé) ne donne pas plus le Tolkien réel, que la Grande-Loge donne l'Évangile réel. Puisque la Bible est un livre sacré pour la Grande-Loge, elle a sans doute quelque lecture de l'Évangile, juste pas la bonne.

Christian Bourgois (Antibes, 21 septembre 1933 - Paris 12e, 20 décembre 2007) est un éditeur français, fondateur de la maison d'édition du même nom.


On peut donc très bien fonder des maisons d'édition à titre privé, ce n'est pas un privilège accordé par l'état ou les universités, merci de l'avoir exprimé, ça a un rapport avec mes affaires, mais ce n'est pas là que je voulais aller.

Le truc est, Christian Bourgois n'est nullement un Catholique. Il est aussi l'éditeur français de Tolkien. Si le magazine sur Tolkien est parmi les choses qu'on m'a volées, je me rappelle une citation de Vincent Ferré. Celui-ci pourra éventuellement confirmer. Or, selon ma mémoire, Christian Bourgois a détesté la théologie, mais aimé l'histoire. Pour lui, Tolkien était tout simplement trop catholique. Pas grave, s'il avait une bonne histoire à raconter. D'où la publication de Tolkien chez Christian Bourgois. Je pense qu'il était plus réaliste sur la théologie de Tolkien que ne l'est Jean-Louis Questin.

Lewis Carroll était de confession anglicane. S'il ne vivait pas d'une manière entièrement° édifiante, il s'efforçait d'écrire d'une manière édifiante.°° Le passage que Mgr. Williamson aime citer de Lewis Carroll est un bon avertissement de ne pas être naïf, pas un encouragement à la prédation. L'Angleterre n'est pas un pays officiellement prôneur de la pédocriminalité ou qui admire celle-ci juste parce que Lewis Carroll se trouvent parmi les grands classiques, là-bas. Les visites d'un de ses princes chez Epstein ont pu avoir pas mal de sources, je ne cherche pas la première ou même la principale dans le fait qu'il a lu Lewis Carroll.

Dans un autre écrit, Virgo-Maria N° 531, pour dénoncer Mgr. Williamson, la rédaction de cette publication cite 14 fois Lewis Carroll et juste une fois Tolkien. C'est quasi une admission que l'argument contre Tolkien ("apprécié des milieux ésotéristes") est trop faible. Avec Lewis Carroll il va aussi faire la tentative de le noircir parce que apprécié par Aleister Crowley (en personne) — en apportant une preuve de la wikipédie anglophone qui n'est plus là-dessus, je ne sais pas si la citation est génuine ou si c'était un abus de rédaction effacé avec justice. Même si la citation était génuine, l'idée d'un ésotérique de faire de Lewis Carroll une autorité ésotérique ne fait pas de Lewis Carroll un ésotériste.

Si les ésotéristes sont prêts à coopter toute la réalité visible comme des preuves pour leurs idées erronées, pourquoi se priveraient-ils de coopter aussi des auteurs ? Éventuellement Aleister Crowley avec Lewis Carroll, certainement Jean-Louis Questin avec Tolkien. Entretemps, autant que l'Abbé Michel Marchiset comprend mal les ésotéristes, autant il comprend mal Tolkien, à commencer du fait qu'il a identifié l'œuvre de cet auteur avec l'œuvre cinématographique de Peter Jackson.

Hans Georg Lundahl
Paris
St. Boniface, évêque et martyr
5.VI.2024

In Frisia sancti Bonifatii, Episcopi Moguntini et Martyris. Hic de Anglia Romam venit, indeque a beato Gregorio Papa Secundo in Germaniam missus est ut Christi fidem illis gentibus evangelizaret, et, cum maximam ibi multitudinem, praesertim Frisonum, Christianae religioni subjugasset, Germanorum Apostolus meruit appellari; novissime in Frisia, a furentibus Gentilibus gladio peremptus, una cum Eobano Coepiscopo et quibusdam aliis servis Dei, martyrium consummavit.

PS, si je dus dire à propos l'intérêt de Tolkien que le monde anglosaxonne est chrétien, catholique, le saint du jour nous le souligne./HGL

* L’admiration de Mgr Williamson pour Tolkien, Auteur apprécié des milieux ésotéristes[1]
Virgo-Maria N° 473, Samedi 5 janvier 2008
http://www.virgo-maria.org/articles_HTML/2008/001_2008/VM-2008-01-05/VM-2008-01-05-A-00-Mgr_Williamson-Tolkien.htm


** ab urbe Roma condita, anno septingentesimo quinquagesimo secundo; ce qui donne que la Rome encore royale a dû avoir tous les septs rois, série qui débute avec Romulus. Ceux qui prétendent celui uniquement fictif, parce que mythologique, donneraient à Rome juste les derniers trois rois. À commencer avec Lucius Tarquinius Priscus, dont le règne est traditionellement daté à 616–578 av.C. Et encore voudraient-ils probablement diminuer les longuers des règnes, pour avoir une Rome fondée vers 550 av.C. En fait, si les premières couches urbaines de Rome ont une datation carbonique à 550 av.C. cette datation vaut pour la plupart des années réelles entre 750 et 450. Elle tend donc à confirmer la fondation traditionnelle de Rome.

*** Tolkien comme personne les a faits. Il fustige beaucoup davantage la Réforme anglicane que les Méthodistes, pourtant il est resté catholique après la mort de sa mère, tandis qu'il dépensait pas mal de son temps avec de la famille méthodiste, entre son douxième année (l'année même de sa conversion, car il était au-dessus l'âge de la raison quand sa mère est reçue et dut donc faire sa propre conversion), et sa majorité. Plus là-dessus dans l'excellente vidéo avec Holly Oardway :

Holly Ordway: The Christian faith of JRR Tolkien
29 May 2024, Seen & Unseen
https://www.youtube.com/watch?v=tseMM6xMHpM


° Certains diraient davantage. Si Alice Liddell l'a évité une fois qu'elle était grandie, combien est-ce par prise de conscience véritable et combien par réactions excessives de la mère ?

°° Un truc qu'il a pour combattre les tentations (qu'il l'ait suivi ou non) est "il est impossible de se dire de ne pas penser à une chose, mais il est possible de se dire de penser sur une autre chose"

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