Sunday, November 29, 2020

Chronométrage de la liturgie


Des droitistes ont une très bonne attitude en général, vis-à-vis le Moyen Âge.

Par contre, ils en sont pas toujours très érudits.

Francis Bergeron* voulait pas croire la nouvelle selon laquelle au XVe siècle un abbé aurait chronométré la liturgie à une minute par page du Missel.

J'ai moins de difficultés de le croire. Au monastère du Barroux, on chronomètre le chapelet en français à 15 minutes par 5 mystères, ou encore mieux 20 minutes. En considérant les tailles des lettres dans des missels d'autel du Moyen Âge (le prêtre ne disposant pas toujours de bonnes lunettes), une minute par page devrait être révérant.

Ceci pour éviter qu'on lise la Messe dans un quart d'heure, si on voulait faire la chasse ou autre chose le reste du dimanche (c'était pendant une chasse qu'un évêque a divisé la Bible en chapitres - il la connaissait par cœur). Le but du chronométrage aurait donc été correct, le contraire du chronométrage stressant dans les usines. On voulait garantir que Dieu ne soit pas privé d'une minute qui de bon droit Lui devait être consacré.

Au XVe siècle, on était très occupé du cours du temps. On se posait des questions sur la fin des temps, et si elle approchait. Jean le Charlier de Gerson enseignait que l'astrologie pouvait renseigner sur des évenéments publiques contemporains à l'horoscope (il ne disait pas que le destin de chaque personne était déterminé par l'horoscope de son heure de naissance), d'où l'intérêt pour les comètes parmi les astronomes professionnels les deux siècles suivants.

Et par horoscope on entendait l'heure précise. D'où - typiquement XVe siècle, 1410, les douze apôtres de Prague, c'est d'abord un horloge astronomique.

Il y a d'autres sujets du Moyen Âge dont ces droitistes sont aussi mal renseignés. Par exemple, il y en a qui pensent que la monarchie avait pour but de restreindre l'égoïsme, en fait elle avait plutôt pour but de restreindre les conflits qui pouvaient surgir par les égoïsmes opposés. En jugeant, elle restreignait effectivement un égoïsme qui avait trop ambitionné, mais pas parce qu'égoïsme, plutôt parce que dans le tort. Elle satisfaisait donc en même temps l'égoïsme de l'autre partie, celle lésée dans ses droits, pour écarter une source de conflits.

Et si St. Thomas disait que Dieu gère les choses par causes sécondaires, ça ne veut pas dire toutes les choses, il y a toujours les choses sécondaires qui sont les plus proches de la cause primaire, et par lesquelles Dieu gère le davantage d'autres choses, et les causes secondaires ne se limitent pas aux causes que la science de nos jours considérerait comme naturelles, car les âmes humaines et les anges sont aussi secondaires, pas l'incréé.

Et d'autres et encore d'autres sujets. Comme le fait que le paysan avait davantage de jours chômés avant qu'après le XVIIe siècle, ou que les mariages dont la femme était adolescente étaient assez courantes dans la haute noblesse du Moyen Âge et que rien ne permet d'affirmer que c'était autre chose pour les gens communs. Ou que la prise d'intérêt était vraiment mal vue.

Hans Georg Lundahl
Paris
I Dim. d'Avent
29.XI.2020

* Samedi une semaine avant hier. PRÉSENT.

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