En fait, Chesterton ne se qualifiait pas comme tel de sa propre bouche, il prenait plutôt une neutralité bienveillante entre Chrétiens philosémites et Chrétiens antisémites. Il était un philosémite modéré, qui pourtant ne démonisait pas les antisémites - quand il s'agit des Chrétiens.
Dans la Belle Époque, dans les années 20', et en dehors d'Allemagne, même les années 30' le mot "antisémite" ne visait pas forcément à chaque utilisation quelqu'un qui prenait chaque Juif ou quasiment comme complice des Protocoles des Sages de Sion*, et encore moins à chaque fois quelqu'un qui serait capable de casser la vitrine d'une boutique parce que le proprio était Juif.
Ça qualifiait quelqu'un simplement qui était capable de trouver que tel ou tel Juif avait tort ou faisait le tort d'une manière conditionnée par le fait d'être Juif. Ce qu'était le cas avec Chesterton : mais alors il était aussi philosémite, bien capable de trouver qu'un Juif faisait le bien ou disait le vrai d'une manière également conditionnée par le fait de psalmodier en hébreu ou de vénérer des rouleaux de la Torah.
Gilbert Keith Chesterton était un écrivain assez assidu des nouvelles, dont une grande collection dédié au Père Brown, SJ. Je viens de lire ou de relire deux nouvelles en dehors de cette collection. L'assassin modéré et L'homme au renard, dans le même volume. Par le même traducteur.
Certes. Il y a dans l'un un Juif qui est malhonnête. Le Dr. Gregory. Son malhonnêteté consiste en partie en une capacité de harcèlement sexuel et en partie en une capacité plus grand d'exciter des soulèvements que de s'y sacrifier lui-même. Il ne viole pas et il ne commet pas de meurtre. Un homme un peu plus honnête le donne un coup de poing.
Le même homme qui le donne ce coup de poing est aussi un homme qui dit ou accorde plutôt à une patriote excédée par ses propos anticoloniaux qu'il est menteur - mais dit la vérité.
"Est c'est une situation dangereuse qui prévaut dans la presse et l'opinion quand seulement les menteurs disent la vérité."
Hume le qualifie de menteur parce que Mademoiselle Barbara Traill venait de le qualifier de tel. Mais il ajoute qu'il dit la vérité.
Qui sont les vrais méchants?
Dans l'assassin modéré, où se trouve Dr. Gregory, le vrai méchant en tant que personne humaine est le vice-gouverneur, qui n'aime pas le compromis proposé par le gouverneur de Polybie**, mais pour une raison opposée à celle de Dr. Gregory, anticolonial en principe farouche. Le vice-gouverneur aurait voulu se débarrasser du gouverneur pour faire une politique de zéro autonomie. Même au prix d'une guerre.
Le méchant en tant que principe, pas non plus le Judaïsme, c'est la superstition psychiatrique.
"On reproche aux vieilles nourrices de faire peur aux enfants avec leurs histoires de croquemitaines, qui pourtant tournent vite à la blague. Que ne devrait-on dire de ces nouvelles nourrices qui laissent les enfants s'effrayer tous seuls avec ces modernes croquemitaines qu'ils sont censés prendre aux sérieux! Ma chère enfant, il n'y a pas plus à craindre pour votre frère que pour vous. ... Supposons tout de même qu'il reste un peu plus enfant que nous autres. Est-ce si terrible d'être un enfant? ... Être un enfant n'est pas une maladie. Même rester un enfant n'est pas une maladie."
Plus, bien entendu, la propensité des extrémistes à la violence, qu'ils soient de gauche ou de droite.
Il y a un faux suspect, un vieux "curé" anglicane qui s'intéresse à l'Apocalypse. Tout évidemment, dirais-je, il ne s'intéresse pas à la déclencher, mais ce n'est pas ce que pensent les adeptes des hystéries psychiatriques (les croquemitaines modernes).
Dans l'autre histoire, un prêcheur est effectivement un coupable : il s'agit d'un progressiste, d'un évangélique social, qui recommande le seigneur du manoir de faire son maximum pour fermer les tavernes et éliminer l'alcool.
Ni Mr. Meade, l'anglicane apocalyptique, ni David East, le prêcheur abstentionniste, ni le vice-gouverneur, n'étaient des Juifs.
Je suis sûr que Chesterton n'aurait pas voulu se faire publier en traduction allemande dans Der Stürmer, mais, supposé qu'il l'avait voulu, je ne crois pas qu'il aurait été considéré comme suffisamment antisémite dans le sens hitlérien. Il avait un certain respect pour Mussolini***, une tendresse pour Dollfuß, mais il vomissait plutôt Hitler, en tant que politicien.
Hans Georg Lundahl
Bibliothèque Pompidou
St. Étienne de Lyon
13.II.2020
Antiochiae natalis sancti Agabi Prophetae, de quo beatus Lucas in Actibus Apostolicis scribit. ... Lugduni, in Gallia, sancti Stephani, Episcopi et Confessoris.
PS, évidemment, Chesterton ne considérait pas les TdeJ comme extrémistes politiques./HGL
* Même si c'était le cas d'un père Kolbe, OFM. ** Géographiquement apparenté à Syldavie ou a Ruritania. *** Son attitude à propos du Duce variait. Ses propos les plus généreux envers lui étaient dans le livre The Resurrection of Rome, 1930. Bien avant une quelleconque tournure antisémite ou racialiste de celui-ci.