Pour la période où Odoacre dépose Romulus Augustule, il semble que Franck Delétraz préfère "invasions barbares". Notamment, il préfère "barbares" à "migrants".
Il y aurait deux raisons pour lesquels ceci vaudrait.
- "parce qu'ils ne parlaient ni le latin, ni le grec" comme il affirme p. 16 Présent Hors-Série Septembre-Octobre 2019;
- parce qu'ils avaient des mœurs sauvages.
Quand ils arrivent à invahir divers portions plus ou moins grandes de l'Empire, très certainement ils maîtrisent déjà le latin, ou parfois peut-être même le grec. Quand St. Séverin du Norique fait des pourparlers avec des rois germaniques, je considère très probable qu'il les fit en latin - Norique était une région latine jusque dans son temps. Et St. Sévérin venait de l'Orient, pas du Nord, ce qui limite ses opportunités d'avoir étudié les langues germaniques. Flaccitheus et Feletheus, rois des Rugiens, ont donc dû parler le latin. La Vita par Eugippius semble écarter la question quelle était la langue commune, comme l'Énéide ne dit pas non plus qu'elle l'aurait été entre Latinos et Énée (un Romanides, prétendant que les Grecs seraient les vrais héritiers des Romains, dit que c'était le Grec, mais l'épopée n'en nous enseigne pas).
Si on affirme que leur langue maternelle n'était pas le latin, correct, mais ça serait aussi le cas pour certes Gallo-Romains dont la langue maternelle était à certaines époques le Celte.
De l'autre côté, la Vita Severini*, chapitre IIII, parle de "barbares".
Quand Clovis s'empare de la future France, non seulement il avait été un auxiliarius, mais son père avant lui. C'est pourquoi je laisse son ancêtre Faramond parler latin et franconien en mon Dialogus Temporibus Romanis.
En Angleterre, par contre, oui, là on a eu affaire de barbares qui n'ont pas parlé le latin ... mais en certains cas ils ont parlé le britannique (ancêtre du gallois et du cornouiallais) ou sinon eu des interprêtes qui le faisaient. Et en Angleterre, le britannique était, hormis liturgie chrétienne (plus ou moins absente pour quelque temps, sauf chez les Celtes), plus pertinante que le latin.
Dans les pays invahis par les Goths, Ostro- ou Visi-, ceux-ci ont dû parler pas mal souvent le latin, peut-être le grec. La Roumanie actuelle pourrait être une exception, mais en Italie et en Espagne ils ont pu suivre la langue, tout comme en Italie aussi les Lombards. Quand Boèce est jugé coupable, bien qu'innocent, par le roi Thierry le Grand, celui parle très certainement le latin.
Et quand aux mœurs sauvages, ce sont des barbares comme reine sainte Bathilde qui abolissent l'esclavage ou qui refusent la peine d'aveuglement, les deux restants courants dans "l'Empire zone libre" à Constantinople.
En fait, quand les gens de Constantinople se plaignent de l'élection de Charlemagne, lui étant un barbare, lui et d'autres en Occident avaient qualifié le comportement de l'Empereur** Sainte Irène de barbare quand elle avait aveuglé son propre fils.
En Allemagne et en Suède on parle de Völkerwanderung, Volkvandringstid, ce que veut dire "migration de peuples". Chaque peuplade conquerante (ou à peu près, sauf en Angleterre) faisait le cycle immigrants, auxiliaires, conquerants. Ils n'envissaient pas avant d'être plus ou moins romanisés.
Hans Georg Lundahl
Bibl. Audoux
Sainte Marie Salomé***
22.X.2019
* La Vita Severini m'a été un peu difficile en latin sans les commentaires en allemand, quand j'étais dans mes vingtaines, je viens donc de donner un lien en traduction allemande.
** Chez eux, une Impératrice ne pouvait être que la première dame d'un Empereur, mais une "Impératrice," comme nous dirions, "regnante," c'est "une Empereur".
*** Hierosolymis sanctae Mariae Salome, matris sanctorum Jacobi et Joannis Apostolorum, quae in Evangelio legitur circa Domini sepulturam sollicita.