Tuesday, September 6, 2022

Un peu davantage sur CSL et ses leçons de culture


Répliques Assorties : Certains mots n'éclairent pas l'esprit : exemple "paralittérature" · Φιλολoγικά / Philologica : Un peu davantage sur CSL et ses leçons de culture

Le soir que j'avais écrit mon refus de respecter un démarcage entre "littérature" et "paralittérature" je vois quelqu'un avec un T-shirt qui disait :

NEVER GROW UP


En principe, ça pourrait être une coïncidence fortuite, voir un acte de la Providence. En statistiques, ça m'arrive un peu trop pour que j'y crois.

CSL avait un jour à s'occuper de la question de gens qui trouvaient enfantile de lire des contes de fées. Il remarquait que pour un adolescent, c'est assez utile de se sentir concerné par sa maturation mais pour un adulte, ce ne l'est plus. Et n'ayant pas à prouver qu'on est adulte, on est libre à lire les contes de fées qu'on veut. Quelqu'un en Suède (ne sachant peut-être pas la source) à voulu répliquer que "Puttes äventyr i blåbärsskogen" ne se lit pas très bien par un adulte. J'avais cru que c'était un livre pour enfants sur une simple cueillette de myrtilles, sans plus. Intéressant pour un garçon de cinq, même pas trop pour quelqu'un de neuf. Erreur. Le livre est par Elsa Beskow, le genre d'écrivaine dont un personnage peut donner le nom pour un café, et il met en scène des thématiques comme un lutin bienfaisant et la diminution du garçon en lutin. Ou plutôt, en taille de lutin.

Le Suédois en question devrait donc être un cas de ce que CSL considérait comme des adolscents attardés.

Présumons encore que celui qui portait le T-shirt m'avait visé, même si ça ne se laisse pas prouver (de mes observations). Il pourrait donc l'avoir fait parce que CSL est surtout connu pour Le Monde de Narnia, et ceci depuis les films de Walden média. Lire CSL serait donc, selon l'idéologie qu'il fustige, enfantile. Déjà, le premier livre qu'il écrit dans la série, il le dédie à une filleule, s'excuse pour avoir attendu trop longtemps, elle est déjà trop grande pour les contes de fées, mais ajoute qu'un jour viendra qu'elle sera suffisamment grande pour recommencer de les lire. Donc, déjà là, c'est mal visé.

Mais en plus, si CSL valorisait lui-même les sept chroniques de Narnia plus que son autre œuvre, celle-ci ne se limitait pas à livres pour enfants. Il y a ces sept livres, pour enfants, il y a sept autre livres à taille de roman, pour adultes, ou huit si on compte le roman épistolaire sur la prière, il y a deux livre d'autobiographie non fictionnelle, avant et après sa femme, il y a des grands essais et il y a de collections de petits essais. Et comme il remarquait dans un des chroniques de Narnia, "je n'ai jamais entendu parler de quelqu'un qui veut lire les rédactions" - en anglais, on dit "essay" que ce soit un essai qu'on a choisi d'écrire sur un thème qu'on tient au cœur ou que ce soit une rédaction où le prof à laissé le choix entre certains thèmes. Mais ses essais, à lui, ça se lit.

Alors, comment a-t-il approché l'écriture pour des enfants? Il l'a évoqué dans un contexte où on avait posé la question à partir de sa réussite sur les sept chroniques de Narnia.

Il y a selon lui, trois manières d'écrire pour enfants.

Un pédagogue peut avoir l'ambition de faire passer une leçon à un certain tranche d'âge. Il s'informe chez des professionnels quel est le leçon que cette tranche d'âge nécessite, il étudie ce qui est écrit pour cette tranche d'âge, il se met à la tâche. CSL considère cette manière comme vouée à produire des médiocrités, et en plus, même si quelqu'un pourrait faire quelque chose de bien dedans, lui, il ne le pourrait pas.

Un auteur peut être l'ami d'un enfant concret. J. M. Barrie (si je ne me trompe pas) avait échangé avec un garçon de manière d'élargir et d'encore élargir une histoire, jusqu'à ce qu'elle devienne assez longue. A. A. Milne basait Christopher Robin sur son propre fils, Christopher Robin Milne. Rien de tel non plus pour CSL, même s'il trouvait la méthode largément supérieur à d'écrire pour des enfants théorisés.

Il y a, selon lui, encore une manière. On peut écrire un récit pour enfants* parce que le récit pour enfants et la forme qui correspond la mieux à ce qu'on a à dire. Genre comme un poëte peut écrire une sonnette ou un compositeur une sonate parce que c'est ce qui correspond à son intention artistique. Car, le récit pour enfants est une forme spécifique avec ses limitations et donc aussi ses potentialités très spécifiques. Pas de sexe, on n'est pas là pour corrompre. Pas d'analyse psychologique très poussée. Aventure prime sur dialogue ou description.

Et tel était son cas. Certains méprisent ce genre de forme parce que le manque de sexe ne serait bon que pour les pré-ados, ou parce que l'analyse psychologique doit être incisive. CSL n'était pas d'accord avec ça, moi non plus. Je pense vraiment pouvoir réussir ma nuit de noces, si on ne continue pas à me harceler, sans de lire D. H. Lawrence. Et je suis encore davantage sûr que les analyses trop incisives donnent une vision de la vie trop noire. CSL est un homme qui m'a donné sa culture. Et des hommes qui la veulent remplacer avec la leur, c'est la mauvaise fortune de ma vie.

Hans Georg Lundahl
Paris
St. Zacharie
et mon anniversaire
6.IX.2022

* En VO, il ne s'agit pas de "children's book" mais de "children's story" ...

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