Tuesday, October 2, 2018

Colin Renfrew, Marxisme, Anthropologie A-Chrétienne


Comme on sait, j'apprécie beaucoup ce que Colin Renfrew a fait à propos les cultures européennes du paléo- et néolithique de l'Europe, puisque ça a servi de base pour entre autres, Alinei.

Ça dit, la vue en général sur la préhistoire, sur "notre passé comme espèce" et donc notre identité, la sienne, je l'apprécie beaucoup moins.

1) Que dit-il d'ailleurs de la mienne?

Même si très peu de gens sans doute avaient pris au sérieux la date 4004 av. J.-C. calculée à partir de l'Ancien Testament comme point de départ de la création, il y en avait probablement aussi peu pour croire que le passé de l'humanité antérieur aux écrits des Grecs et des Romains et aux récits de la Bible présentait un quelconque intérêt. (P. 27).


La seconde moitié, je ne le dispute pas, mais la première?

Il est né le divin Enfant a une strophe débutant avec "depuis plus que quatre mille ans" - indécis si c'était 4004 ou 5199 ou 5500 ans, mais certainement pas très directement ouvert à l'idée de même 10 000 ans. Et la publication en est en 1874, en France. Le catéchisme de St Pie X est assez directement créationniste-jeune-terre. 1905 - et Colin parle ici d'un passé avant la publication par Darwin du livre Sur l'Origine des Espèces. Avant 1859.

Dans le diocèse de Paris, un prêtre publie une traduction corrigée de Syncellus, du Grec en Latin. En forme de dissertation, car il la commente aussi:

Chronographia
by Georgius Syncellus (G. G. Bredovius / Iacobus Goar, O. P.), 1829
https://archive.org/details/chronographia01syncgoog


Champollion et Biot vont scruter le Zodiaque de Denderah pour défendre - la chronologie biblique. Travail qui satisfait au Pape Léon XII. Comme je l'ai évoqué en cet article:

Φιλολoγικά/Philologica : Champollion et le Zodiaque de Denderah
http://filolohika.blogspot.com/2017/08/champollion-et-le-zodiaque-de-denderah.html


Ou, peut-être l'attaque n'était même pas faite, je ne trouvais même pas des indications d'une estimation "très vieille" (ultrabiblique) de ce Zodiaque. Ou, plutôt pas avant que Albert Slosman (résistant pendant la II Guerre Mondiale va peut-être attribuer sa propre idée à l'œuvre de Biot ...

Donc, sans raison apparente, Colin Renfrew dont l'histoire culturelle du XIX S. n'est pas au niveau de ses connaissances en "préhistoire" (ou parahistoire), croit que la vue biblique n'était pas très partagée ...

2) Quel type de religion considère-t-il comme la plus ancienne?

Les patriarches de la plupart de la Genèse? Abraham à Joseph en Égypte? Plus probablement, il serait entièrement d'accord avec Thomas L. Thompson et avec John Van Seters que ces patriarches sont mythiques et construites en termes d'une religion élaboré beaucoup plus tard. Mais s'il acceptait de poser une ère patriarcale, genre entre 2100 et 1800 av. J.-C., alors il la préférerait comme datable par carbone 14 à 2100 jusqu'à 1800 av. J.-C. aussi.

Il a des religions plus vieilles que ça dans son livre ... bien que Teotihuacan et Palenque dates beaucoup plus récemment - environs de 200 av. J.-C. et vers 100 av. J.-C. (beaucoup plus récents que l'ère patriarcale) - il considère leur orientation vers une organisation du cosmos comme très représentative pour les débuts de la religion.

Environ 200 personnes furent sacrifiées pendant la construction de la pyramide du Serpent à plumes. (P. 225 s.)


Ceci sur Teotichuacan, voici Palenque:

Très différent dans la forme d'expression, mais très proche dans sa volonté d'associer le dirigeant au bien-être de l'État et à l'immortalité, est la symbolique des Mayas de Mésoamérique. On le voit clairement dans le cas de Pacal, dirigeant de l'État Maya de Palenque (P. 231.)


Résumons : son corps, sa mort, est placée dans l'axis mundi. Les scènes de combat à Sipán (IIIe siècle!) recensées par Donnan:

Dans ces scènes, le vainqueur finit par déshabiller le vaincu et l'exhiber devant une personnalité importante, parfois au pied d'une pyramide. Puis on coupe la gorge du vaincu ... (P. 233 s.)


Je passe. Ce type de religion, puisqu'il est cosmique, orienté vers le Soleil, la Lune, la Terre, l'axis mundi, les saisons, jour et nuit, doit être la première, puisque ces choses sont visibles, à notre porté, même comme venant d'animaux a-religieux, dans la dernière analyse.

La découverte la plus spectaculaire fut effectuée non loin de là, dans le grand cimitière dela ville sumérienne d'Ur, par Sir Leonard Woolley. En 1928, il exhuma les "tombes royales", des tombeaux intacts datant de 2300 av. J.-C. remplis d'or et de lapis-lazuli, et portant la trace des rites funéraires, dont la mise à mort de dizaines de serviteurs qui accompagnent leurs maîtres. (P. 38)


Et bien entendu, 2300 av. J. C. est bien antérieur à l'ère patriarcale, si la datation est correcte, cette religion qui sacrifiait des serviteurs à leurs maîtres aurait donc été antérieure à celle d'Abraham ...

Notons, la datation carbonique de 2300 av. J. C. serait à mon avis, exprimés dans mes tables, plutôt d'après Joseph en Égypte (c. 1700 av. Jésus-Christ, daté comme 2600, car il serait probablement Imhotep, donc, la date carbonique de Djoser nous le rendent). Donc, ces tombes royales d'Ur sont bien postérieurs à Abraham. Ce qui change un peu l'antériorité entre les types de religion.

La richesse stupéfiante du cimitère d'Anyang, même si l'or y est absent lui permet de rivaliser avec celui d'Ur, et nous renseigne sur une société fortement centralisée, avec des princes (ou "ducs"), voire des rois. Ici aussi il s'agit clairement d'une société très hiérarchisée comme le suggèrent les massacres de serviteurs qui font penser à ceux d'Ur. (p. 42)


La date pour Anyang est un peu plus récente, environ 1500 avant Jésus-Christ, mais la société chinoise existe encore ... et Renfrew n'accepte pas la date 1510 pour l'Exode d'Israël d'Égypte.

3) Comment voit-il la préhistoire? Et Karl Marx, y est-il pour quelque chose?

Notons, je commence avant les techniques de datations.

De 1859 aux années 1950, on peut affirmer que la théorie archéologique n'a guère évolué. ... En Union soviétique, comme nous l'avons noté, il s'agissait d'appliquer de manière systématique les principes de Marx au développement des cultures humaines. Mais le dogmatisme de l'ère stalinienne y étouffa tout débat d'idées et l'archéologie marxiste, version soviétique, dégénéra en un récit unilinéaire composé de stades culturels différents - la "société matriarcale", la "société clanique", la "société de classes" - qui avait davantage à voir avec les concepts proposés par Morgan en 1877 dans La société archaïque qu'avec les résultats du terrain. (pp. 54-55)


Bon, alors, il valorise davantage les résultats du terrain que des concepts théoriques ... c'est un peu un "alibi" puisque le même terrain peut donner des résultats forts différents selon les théories utilisés pour l'approcher. J. R. R. Tolkien n'a pas épuisé sa créativité dans les récits de "la Terre du Milieu" seuls, il s'est amusé un jour ou quelques semaines de faire une théorie - un peu magique, il me semble, géants ou druides y figuraient - sur le Stonehenge. Il va de soi (pour ceux qui le connaissent) qu'il négligeait aucun détail des résultats du terrain. Il les approchait juste par une autre théorie. Avec la rhétorique de Colin Renfrew ici cité, n'importe quelle théorie à la mode peut se réclamer des résultats du terrain et dire avec dédain pour les théories démodés (qui ne font plus les fouilles) qu'il y a peu à faire avec les résultats du terrain. Puisque la théorie en question est démodée, elle n'a pas d'académiciens pour la défendre au milieu des résultats du terrain accessibles de nos jours.

Il avait déjà noté que l'archéologie préhistorique était enclin aux théories de Marx? L'archéologie marxiste dégénéra, mais uniquement dans sa version soviétique?

Il convient toutefois de noter que les choses étaient tout à fait différentes en Union soviétique. La recherche archéologique était déjà bien avancée suite aux travaux du XIXe siècle consacrés aux riches contenus des tertres funéraires scythes découverts au nord de la mer Noire. À partir des années 1920, les écrits de Karl Marx et de Friedrich Engels servirent de cadre d'interprétation de la préhistoire. (Pp. 51-52)


Je cherchais en effet autre chose ... oui, ici, il cite Gordon Childe, La Naissance de la Civilisation:

Il est donc heureux que l'histoire politique ait dû finalement renoncer à s'arroger exclusivement le titre d'histoire. On sait que Karl Marx a été un des premiers à mettre l'accent sur l'importance primordiale des conditions économiques, des forces sociales de production et des applications de la science en tant que facteurs de changement historique. Sa conception réaliste de l'histoire s'est imposée à l'attention des hommes de science, indépendamment des passions partisanes enflammées par d'autres aspects du marxisme. [...] Ainsi conçue, l'histoire se relie tout naturellement à la préhistoire. (Citation sur les pp. 55-56)


Ah, oui. Donc, en Soviétique, on s'inclinait servilement devant Marx, autre part, on s'inclinait de manière moins servile, mais devant le-même!

4) Comment voit-il l'humanisation? Le développement d'un primate en homme?

Il voit l'homme comme un être qui découle tel quel de la culture.

Il considère que l'humanisation ait eu cinq étapes.

  • stade épisodique - comme chez les autres primates, on réagit à des stimuli
  • stade mimétique - pour fabriquer et continuer de fabriquer des outils, on apprend de la société (sans avoir besoin d'une langue verbale!)
  • stade mythique, première stade narrative qui demande un langage
  • stade matériel symbolique (comprend argent et religions, les deux comportements donnent des valeurs abstraits à d'objets matériels!)
  • stade théorique (requiert une mémoire externe au cervau, genre livres, bibliothèques, ordinateurs)


D'objets d'utilité typiquement humaine, types d'outils encore avec nous, auraient donc été inventés avant que l'homme soit capable de parler, et la faculté de penser n'existait pas avant les mémoires externes!

Il considère aussi que l'humanisation se passe graduellement, à fur et à mesure qu'on s'implique dans le matériel.

Ainsi, un homme vivant dans une société de chasse et cueillette ne serait pas capable à théoriser, les théories qu'on considère comme mythes seraient de nature différente des théories qu'on ait trouvé depuis les bibliothèques, et l'agriculture était l'adoption d'une société très hiérarchisée où on massacrait les serviteurs des rois, pour qu'ils aient de la compagnie dans le tombeau. Et si nous "avons dépassé" ceci, ce "stade", ce serait grâce à une implication dans le matériel encore plus poussée. Mais pour pas mal de cultures, sacrifier des serviteurs sur les tombeaux des rois ou se sacrifier à des dieux, ça aurait été un "stade" nécessaire pour arriver là où on est.

5) Note-t-il le paradoxe de la connaissance?

De quoi, d'abord, s'agit-il?

Selon l'anthropologie moderne, les premiers squelettes humains du type Homo sapiens sapiens (pas Néanderthaliens, pas Heidelbergensis, pas Antecessor, pas Erectus, ceux-si seraient encore plus vieux) daterait de 150 000 ans, et encore a-t-on trouvé un autre squelette depuis qui remonterait à 200 000 ou 300 000 ans.

Ceci selon les datations autre que carbone 14, par exemple potassium argon.

Or, on n'a pas noté de l'agriculture, ni d'architecture, ni de vêtements pour les premiers, pas avant telle ou telle date beaucoup plus récente, genre 40 000 ans ou quelque chose, peut-être 50 000 ans. Donc, les hommes avant, ils ne comprenaient pas comment faire ou inventer ces choses?

Comme Chrétien, je l'explique par la non-pertinence de dates trouvés par des méthodes ineptes à donner des dates correctes, au moins pour il y a si longtemps (une date carbone 14 récente, genre de la Renaissance, est correcte, mais une date de "40 000 ans" est d'une époque quand l'atmosphère en avait moins, donc la plupart de "l'âge carbonique" était déjà là quand l'objet était récent).

Comme non-Chrétien, il explique ce paradoxe par précisément la théorie sur l'humanisation déjà esquissée en 4. Donc, les dizaines de milliers d'années qu'il y avait, selon lui, hommes mais pas d'agriculture, ça s'explique pour les cinq étapes de l'humanisation. Et les cinq étapes sont donc prouvés par ce paradoxe de la connaissance.

Conclusion:

Comme Chrétien, je me sens obligé de rejeter la théorie marxisante sur les origines de l'homme qu'il profère, et je considère qu'elle serait quand même cohérente avec les trouvailles, si les méthodes de datations étaient vraiment fiables, ce qu'il pense. Donc, je considère qu'un Chrétien a tout intérêt de rejeter sa confiance exagérée en carbone 14.

Là-dessus, la prochaine fois, j'ai un livre à redonner à la bibliothèque, mais les pages sur carbone 14 sont photocopiés, je pourrai les consulter après!

Hans Georg Lundahl
BU de Nanterre
Saints Anges gardiens
2.X.2018

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