Pour moi, c'est anecdotique. Dans le fil d'attente devant Georges Pompidou, la conversation du groupe devant moi inclut un homme qui dit que Sartre ratait son Grec. [Voir correction en bas, deuxième PS.]
Que ça soit vrai ou non, il y a une vérité symbolique dedans. S'il n'a pas forcément raté le Grec (bien qu'il puisse l'avoir raté aussi), il a certes raté le dialogue Gorgias quand au contenu.
Comment ça? Parce que Gorgias le préfute. Et préfuter, c'est quoi? Bon, "pré" c'est en avance, "refuter" c'est montrer que la preuve ou même l'idée de l'autre ne tient pas, et "préfuter" c'est plus court que "prérefuter". Le dialogue Gorgias montre, en effet, que l'homme ne fait pas sa nature, il en a une en avance, et il fait sa vie en consonance ou dissonance avec sa nature. On peut aussi dire "essence" au lieu de "nature" tant qu'on comprend qu'ici "essence" ne veut pas dire fioul (au moins les Québecquois comprendront quel calembour je vise).
Tant que je sache, Sartre n'a rien réussi pour montrer le contraire, rien pour prouver son fameux "chez les autres êtres et choses, l'essence précède l'existence, mais l'homme a son existence et choisit son essence".
Après, il a peut-être quelque miettes de Gorgias contre l'égoisme - mais qui sont illogiques (et donc émiettées) par rapport à ce principe erroné. L'homme retrouve du plaisir naturel dans la générosité envers quelqu'un d'autre. Na - tu - rel. Pas juste par le choix (comme le voudrait Sartre) d'y trouver plaisir. Donc, la réfutation de l'égoisme n'est pas qu'elle est une des essences que l'homme peut librement acquerir. La réfutation de l'égoisme avare est qu'elle est contre la nature, contre l'essence innée, de l'homme. Et Aristote l'observe. Et St Thomas LE reprend.
Je n'ai pas raté mon Grec, même si je l'ai en grande partie oublié. Et mon Latin, je ne l'ai ni raté, ni oublié. Gorgias, je l'ai lu avant de les apprendre, ces langues, à peu près à 13. Sartre ne me tente pas.
Il y a d'autres que Sartre, comme C. S. Lewis, qui n'a pas raté son Grec.
Hans Georg Lundahl
BU de Nanterre
Veille de St Jean Baptiste
23-VI-2015
PS, si quelqu'un imagine que j'aurais raté mon Grec par le fait que j'ai analysé "πεφηνε" comme impératif du parfait (forme non-existante), je suis conscient que l'impératif du parfait est une forme non-normalement-existente, et j'avais oublié que c'est la forme (correcte, si au moins πεφην- est thème de parfait correct pour φαινομαι) pour une autre forme : 3 p. sg. indicatif du parfait. En fait, la désinence -ε est toujours 3 p. sg. indicatif des temps qui commencent avec ε- (y compris le plus que parfait, car -ει = -εε), et toujours 2 p. sg. impératif des temps non-passés qui en ont un (présent, aoriste modal). Mais le parfait est de ce point de vue traité comme étant un temps commençant avec ε-, la réduplication est assimilée à l'augment. Donc, la forme serait théoriquement ambigue entre les deux, habituellement un 3 p. sg. indicatif du parfait, et l'impératif normalement pas existent. Mais, en plus c'est la mauvaise diathèse pour "sois apparu", car l'actif existe et veut dire "montrer", et la mauvaise forme du thème. Dans la vie réelle de l'écrivain, c'est que j'ai oublié mon Grec assez beaucoup (et je me trouve normalement trop privé de sommeil pour utilement reviser) et dans l'histoire, on peut attribuer ce résultat au fait que Schliemann est en train de rêver, après avoir trop mangé et un peu trop bu./HGL
PPS, je parle à l'homme qui avait dit ces mots, et je dois les avoir mal compris (il était tourné vers ses camarades, pas envers moi le 23). Il est d'abord confus avant de comprendre que j'avais mal entendu "l'agrég" - l'agrégation. Voici le renseignement: "En 1928, Sartre échoue à l'écrit de l'agrégation, qu'il repasse brillamment en 1929: il est reçu premier, et Simone de Beauvoir, dont il a fait la connaissance en juillet, deuxième." Voir :
Alain Buisine
Sartre, Vie et Oeuvre de Jean-Paul Sartre
La République des Lettres
http://www.republique-des-lettres.com/sartre-9782824900513.php
Reste qu'il reste vrai que Gorgias l'a préfuté. :)
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