Tuesday, October 18, 2022

Quand commence la crise moderniste ? Peut-être en 1812


C'est alors que Giuseppe Settele prête le serment de loyauté à Napoléon I, pour pouvoir enseigner à Rome.

De toute manière, la sémence est faite en 1823, quand il obtint son imprimatur pour le manuel en physique qui enseigne l'héliocentrisme ou plutôt hélio-focalisme relatif. Ce ne serait pas condamné en 1633 ? Attention ... Giordano Bruno enseignait l'héliocentrisme relatif. C'est vrai qu'il fut brûlé plutôt pour son panthéisme, mais quand même ... dans cette âme de dominicain, l'héliocentrisme relatif, la pluralité des "mondes" ou comme le dirait Settele "systèmes solaires" avait conduit à nier que Dieu tourne l'Univers, quasi "ab extra" autour de la Terre, pour dire plutôt qu'Il tournât la Terre (pourquoi pas quasi "ab intra" ?) autour d'elle-même, et que Dieu serait donc imminent, et en plus, vu qu'on pouvait attendre des exoplanètes, en plus pluriel ?

De toute manière, il y avait un passage de la Bible, un consensus patristique et donc une importance théologique pour les juges de 1633, confirmés par le pape Urbain VIII, qui n'avait pas lui-même siégé comme juge.

Le géocentrisme a au minimum une apparence à première vue de faire partie de la tradition.

Le verdict de 1823 est pris comme "on peut croire l'hélio-focalisme relatif sans de se damner" un peu comme Humani Generis sera pris comme "on peut croire qu'Adam avait d'ancêtres biologiques sans de se damner" .... bien que ni l'un, ni l'autre de ces deux documents ne le dit.

Quelle serait l'importance entre héliocentrisme absolu et héliofocalisme relatif, quand les deux changent le mouvement diurne qui pour tant de siècles de géocentriques à été la preuve de l'existence de Dieu la plus éclatante dans l'univers naturel est observable ? Et quand les deux demandent de lire Josué 10 autrement que selon les Pères de l'Église et moins directement ?

Prenons d'abord la preuve de Dieu* :

I. Primo autem ponemus rationes quibus Aristoteles procedit ad probandum Deum esse. Qui hoc probare intendit ex parte motus duabus viis.

1. Quarum prima talis est: omne quod movetur, ab alio movetur. Patet autem sensu aliquid moveri, utputa solem. Ergo alio movente movetur. Aut ergo illud movens movetur, aut non. Si non movetur, ergo habemus propositum, quod necesse est ponere aliquod movens immobile. Et hoc dicimus Deum. Si autem movetur, ergo ab alio movente movetur. Aut ergo est procedere in infinitum: aut est devenire ad aliquod movens immobile. Sed non est procedere in infinitum. Ergo necesse est ponere aliquod primum movens immobile.


Je traduis** :

I. En premier nous posons les raisons par lesquels Aristote procède à prouver que Dieu existe. Et il entend de le prouver de la part de la mation en deux manières.

1. Dont la première est ainsi : tout ce qui bouge / est mu est mis en motion / est mu par autre chose que lui-même. Mais il est apparent au sens que quelque-chose bouge, par exemple le soleil. Donc il bouge parce que autre chose le met en motion. Donc, soit ce mettant en motion bouge, soit non. S'il ne bouge pas, nous avons le propos, qu'il est nécessaire de poser un mettant en motion lui-même immobile. Et ceci nous appelons Dieu. Mais s'il est mis en motion alors par un autre mettant en motion. Donc il faudra soit procéder [de même manière] dans l'infini - soit arriver à quelque mettant en motion immobile. Mais on n'a pas à procéder dans l'infini. Donc il faut poser un premier mettant en motion immobile.


Sans que l'univers soit compris dans une seule motion, celui des astres autour de la terre, on peut philosophiquement s'égarer (comme le prouve Bruno) en pluralité de dieux, parce que pluralité de motions.

Changer héliocentrisme absolu pour héliocentrisme (ou héliofocalisme) relatif, avec d'autres systèmes pareils ailleurs, ne fait qu'aggraver le problème.

Changer le mettant en motion divin pour un mettant en motion purement physical, à effet physical répond donc seule une cause physicale, rend la preuve de Dieu caduque. Pas toute preuve de Dieu, bien entendu, mais celle-ci - celle que Saint Thomas jugeait dans l'autre version, en I, Q2, A3, comme "la première est la plus apparente" - loin que ce serait une lubie personnelle de ma part de voire dans la Prima Via une preuve de Dieu par géocentrisme, Riccioli était d'accord : puisqu'il jugeait qu'il n'y avait pas une motion commune de tout l'univers, du ciel, mais juste des motions au pluriel, chaque étoile ou planète mu par son propre ange vers l'Ouest*** et il renonce à la preuve de St. Thomas. Il y préfère, je pense, celui de Décartes.

Ensuite, l'enjeu biblique, Josué 10 :

11 Comme ils fuyaient devant Israël, à la descente de Béthoron, Yahweh fit tomber du ciel sur eux de grosses pierres jusqu'à Azéca, et ils moururent ; ceux qui moururent par les pierres de grêle furent plus nombreux que ceux qui furent tués par l'épée des enfants d'Israël. 12 Alors Josué parla à Yahweh, le jour où Yahweh livra les Amorrhéens aux enfants d'Israël, et il dit à la vue d'Israël : Soleil, arrête-toi sur Gabaon, et toi, lune, sur la vallée d'Ajalon ! 13 Et le soleil s'arrêta, et la lune se tint immobile, jusqu'à ce que la nation se fut vengée de ses ennemis. Cela n'est-il pas écrit dans le livre du Juste ? Et le soleil s'arrêta au milieu du ciel, et ne se hâta point de se coucher, presque un jour entier. 14 Il n'y eut pas, ni avant ni après, de jour comme celui-là, où Yahweh obéit à la voix d'un homme ; car Yahweh combattait pour Israël.

On a, à satiété, élaboré que le verset 13, où c'est dit que "le soleil s'arrêta" pourrait être un mode de parler phénoménologique : si la Terre cessait de sa rotation diurne, que les héliocentriques de tous les bords lui attribuent, alors ça serait vu comme quoi c'est le soleil qui cesse de bouger.

Mais à part le fait qu'il n'y a pas un seul Père de l'Église qui expose Josué 10 ainsi, à part le fait que ceci donne une lecture moins directe de la Sainte Bible, c'est aussi oublier le verset 12.

Analysons. Ce n'est pas dit que Josué priait à Dieu à haute voix en Lui demandant de faire demeurer le soleil. Alors, certains diraient, Dieu aurait pu exaucer la prière même si elle contenait une erreur scientifique, Dieu sachant bien entendu ce qu'Il fit réellement s'arrêter. Est-ce que ceci vaut aussi quand l'exaucement est un miracle, c'est à dire un signe, c'est à dire une vérité ? Je ne pense pas.

Mais ce qui est dit est autre chose. D'abord, Josué prie en silence. Ensuite, devant Israël, il commande au soleil et à la lune.° Les mots de Josué que nous avons ne sont pas une prière, c'est la commande d'un thaumaturge, d'un faiseur de miracle. Dieu l'a donné l'autorité de dire ce qui se passera, il le fait, donc, il parle au nom de Dieu, et ceci à soleil et à lune.

L'enjeu biblique est que, quand un thaumaturge parle, il s'adresse à ce qui doit changer comportement. Ceci vaut pour l'autre Josué, Jésus de Nazareth, aussi, Celui qui est Dieu de Dieu et Vrai Dieu de Vrai Dieu. Pour un lèpre ou pour un lépreux, Il pourrait s'adresser à l'un ou l'autre, la lèpre doit cesser d'exister, le lépreux doit devenir pur. Pour l'orage, il s'adresse pas au bateau de se tenir stable, il s'adresse aux orage qui l'instabilisent.

Et pour les démons expulsés ? Les Luthériens suédois du 19. S. ont connu (pas tous partagé) une théorie dite d'accomodation. Dieu accomoderait Ses expressions même à des erreurs culturelles. Ces démoniaques auraient été des malades mentaux, il n'aurait pas eu de démons à qui s'adresser, et Jésus se serait adressé aux démons quand même, tout en sachant qu'ils n'existassent pas, en les expulsant d'hommes, pour s'accomoder à une erreur culturelle importée des Babyloniens. Exit donc l'exorcisme (superstition de ces "papistes" qui ont les sept ordres mineurs, dont "exorciste"), et le psychiatre s'en occupera dans le futur.

À ceci, on doit s'opposer en disant : non, les démons existent, et parfois Dieu tolère qu'ils fassent une possession, et Jésus en a fini quelques ravages comme ça. Autant donc dire, Josué aussi s'est adressé aux entités qui devaient changer le comportement pour l'occasion. C'est à dire, verset 12 exclut toute lecture hormis le géocentrisme pur.

On n'a pas eu ces discussions, pas en profondeur approprié, on s'était accomodé à des discussions plutôt centrées sur l'éthique, le pape a permis qu'on lise Settele, plus tard un autre va tolérer qu'on lise Galilée, deux autres vont faire allusion à la question, sans de se prononcer pour l'héliocentrisme (Benoît XV lui accorde un peut-être dans le subjonctif dans une subordonnée dans un document dont le thème n'est pas astronomique ou biblique mais littéraire, Léon XIII ne l'a même pas mentionné directement). Mais tous ces papes, Pie VII, Grégoire XVI, Léon XIII, Benoît XV, s'ils n'ont pas subverti la condamnation de 1633, se comportent au moins vers le public comme si elle ne serait plus intéressante.

Comme dit, vers 1820 ... 1920, à Paris, l'article Hexaméron, dans Dictionnaire de Théologie Catholique, VI-II, Ghezzi - Hizler, 1920 (un des éditeurs, Mangenot, était aussi l'auteur de l'article), on cesse de prendre Genèse 1 comme de vraie histoire, avec l'imprimatur de l'archevêque sans doute, et 2021 un Sébastien Antoni, censé être Assomptionniste, se considère dispensé de Trente Session V parce qu'il a rélégué l'existence individuelle d'Adam et d'Ève aux mêmes phantomes de musée que le géocentrisme.

Si j'ai quitté le Luthéranisme en me convertissant au Catholicisme, ce n'était pas pour avoir quelque chose encore plus moderne que la théorie d'accomodation.°° C'était pour me débarasser de cette modernité. Avec en prime les modernités du 16. S.

Hans Georg Lundahl
Paris
St. Luc Évangéliste
18.X.2022

* Summa contra Gentiles, lib. 1, cap. 13
https://musicasacra.forumfree.it/?t=9761763


** Je sais que certaines formulations sont enfantines, parce que non techniques. C'est voulu. Le terminus technicus d'un scholastique est assez souvent un substantif ou verbe ou participe de verbe tellement commun qu'on l'apprend quand on est petit. C'est la discussion, pas la terminologie, qui est avancée. Et elle est avancée parce que soutenue, parce que non interrompu par des modernes "mais bien-sûr faudra pas dire ça" ou "bien entendu ça ne veut pas dire ça" ...

*** Chez St. Thomas, le soleil est mu par son ange vers l'Est, autour du Zodiac, et par Dieu, avec le Zodiac, 365 1/4 fois plus vite vers l'Ouest, par Dieu.

° Il y a deux qui obéissent pour chaque astre : Dieu en faisant cesser le mouvement de l'Est vers l'ouest, l'ange propre en arrêtant le mouvement de l'Ouest vers l'Est à travers le Zodiac. Dieu est mentionné ici, verset 14, l'ange propre est mentionné (nommé comme l'astre) en Habacuc 3:11.

°° Exemple plus récent : Jésus n'a pas pris d'apôtres féminins parmi les douze ou les 70, donc les femmes ne sont pas clergé. Subverti par l'idée qu'Il se serait juste accomodée à la misogynie de l'époque.

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