Malet-Isaac et la Prusse · Le préjugé pas limité à Malet-Isaac
Je viens de finir le Malet-Isaac, réimpression aux éditions Pluriel, à partir de l'édition de 1958. Je ne suis pas sûr si les chapitres signalés comme manquants dans l'avertissement, XXI, XXVII, XXIX et XXX "du livre premier" manquaient déjà alors ou seulement depuis cette réédition Pluriel.
Et déjà une observation, bien que les "Marranes du Nord" (dont une partie de mes ancêtres) prônent normalement l'amitié judéo-chrétienne, je trouve cette amitié en partie gâché par le fait que des distorsions de l'histoire aient été nécessaire pour trouver un terrain commun. Par exemple, pour Torquemada, sont censés les Juifs convertis qu'il brûla ou mit en prison, mais son mobile de protéger les convertis qui l'étaient pour de vrai, et le fait qu'il est de famille conversa, que son oncle avait protégé des convertis contre un lynchage, un pogrom - pas de mention. Bon, s'ils étaient de la IIIe République, pas étonnant.
Déjà au XIIe siècle*, Allemands et Polonais avaient commencé l'évangélisation des Poméraniens. Ils continuèrent leur œuvre en Prusse, puis en Livonie et Esthonie jusqu'au golfe de Finlande.
Déjà ceci, les Esthoniens (!) du Nord, en Estonie historique, étaient surtout évangélisés par les Danois. Tallin veut dire "des Danois" ou "ville des Danois". Les Estoniens du Sud, aujourd'hui en Estonie partie sud, étaient alors en Livonie partie nord. Et pour l'Estonie historique, les Allemands et Polonais sont donc impertinents.
Or, l'Estonie du nord - Estonie historique, donc - est précisément la partie qui se trouve au sud du golfe de Finlande.
Contre les Prussiens, païens endurcis, il fallut organiser une véritable croisade ...
Livonie et Curonie avaient au moins besoin de la protection de croisés, demandés par l'évêque de Riga.
... dirigée par un ordre de moines soldats qui s'était créé en Palestine vers 1190, les Chevaliers teutoniques. Après une lutte sauvage d'un demi-siècle : (1231-1283), les Prussiens furent exterminés ou déportés et remplacés par des colons allemands.
Pourtant, si on tuait pas mal de cheftains, on épargnait au moins suffisamment de Prussiens, pour que, des siècles après, on dût rédiger des catéchismes en vieux-prussien.
Les Prussiens se sont soulevés deux ou trois fois, et, les uns devenaient des serfs, les autres s'enfuyaient en Lituanie. Là où l'allemand remplaça le vieux-prussien, c'était parce que les colons allemands avaient des droits seigneuriaux sur les serfs prussiens, et pouvaient les influencer en fonction : chose éventuellement faite le XVIIe siècle.
En plus, contrairement au renseignement (pas cité dans le passage, dit plus loin) que les Prussiens étaient des Slaves, ils étaient des Baltes, parlaient une langue balte.
Conférons l'invocation "Notre Père qui es aux Cieux" en vieux-prussien et en polonais:
Thawe nuson kas tu asse Andangon (du premier catéchisme en prussien)
Ojcze Nasz, któryś jest w niebiesiech, (en polonais).
Ni les langues slaves, ni les langues baltes ont la glosse qui en latin donne "pater" et en anglais "father". Mais les glosses diffèrent entre elles, otets et apparenté en langues slaves, tévés et apparenté en langues baltes.
Comme dit, les Prussiens n'étaient pas Slaves, et les renseignements de Malet et Isaac sont donc parfois inexactes. À part bien entendu la touche de leyenda negra.**
Pour aller plus vers le vrai en la question des Prussiens, j'aime Belloc : "les pauvres Prussiens avaient juste compris qu'il fallait devenir Catholiques, quand on leur dit de devenir Protestants - ce qui explique pas mal de leur comportement ultérieur" (en termes de trop grande subservience au pouvoir).
Hans Georg Lundahl
Paris
Notre Dame aux Neiges
5.VIII.2019
* Le passage cité est du passage sur l'expansion du Catholicisme en Europe, juste avec la Croisade contre les Albigeois.
** La touche de leyenda negra est bien entendu inexacte aussi, j'aurais dû dire "en plus de la touche de leyenda negra".
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