Thursday, January 24, 2019

Ma chère Postilla in libros Geneseos par St. Thomas, serait-elle par Pierre de Jean Olivi?


De nos jours, c'est coutume de nier que St Thomas est le vrai auteur de cette œuvre.

Voici que j'ai trouvé une discussion dessus:

Note sur le commentaire sur la Genèse publié dans les œuvres de Thomas d’Aquin
par Sylvain Piron, 1 | 2003, Oliviana
https://journals.openedition.org/oliviana/22#bodyftn3


Or, il y a deux choses à souligner. Premièrement, le commentaire n'est pas de Pierre de Jean Olivi, car nous avons un autre de lui, qui est différent:

Dans le chapitre viii, est ainsi omise l’interprétation de la durée du déluge qui associe les quarante jours de pluie aux quarente-deux mois de règne de l’Antéchrist (Ap. 11, 2 et 13, 5), et comprend la durée totale de cent cinquante jours comme cinq mois, afin d’associer ce chiffre aux cinq premières périodes de l’Église (T, p. 42 ; P, fol. 46ra). Au chapitre xii, une lacune plus brève laisse de côté une remarque sur la durée des 430 années d’exil (Ex. 12, 40) débutant au départ d’Abraham pour l’Égypte (P, fol. 54vb).


Et encore des divergences ...

Donc, une spéculation récente que l'œuvre serait d'Olivi est fausse. Bien entendu, il y aurait des réponses, si on voudrait l'attribuer à lui, moi je préfère St Thomas.

Or, il y a des raisons pourquoi elle a été attribué et désattribué à St. Thomas. D'abord, le pour:

Toutes les rééditions successives de ce texte, à partir de celle donnée dans le dernier volume des œuvres complètes publiées en 1612 par Côme Morelles4, dépendent d’une édition princeps publiée en 1573 à Anvers. L’éditeur du texte, Antonius Senensis OP, d’origine portugaise et parfois nommé pour cette raison Lusitanus, avait collaboré à l’édition des œuvres de Thomas commandée par Pie V et avait publié à part une édition de la Summa theologiae. Professeur de théologie à Louvain, il avait continué ses recherches de manuscrits thomasiens à travers les Pays-Bas ; c’est au couvent franciscain de Middelburg, en Zélande, qu’il dit avoir trouvé un manuscrit contenant une exposition de la Genèse, explicitement attribuée à Thomas d’Aquin. Dans son adresse « ad lectorem », Lusitanus fait très honnêtement état de ses doutes, mais parvient à y répondre. L’absence de tout prologue, fort inhabituelle chez saint Thomas, peut s’expliquer, selon lui, par la disparition des trois premiers folios du manuscrit7. Les dissemblances stylistiques pourraient être mises au compte d’une œuvre de jeunesse. L’attribution présente sur le manuscrit parvient finalement à elle seule à emporter sa conviction.


L'absence de tout prologue peut aussi s'expliquer par le fait qu'il est une œuvre de jeunesse.

Confirme cette hypothèse la chronologie Vulgate, tandis qu'à Paris (donc depuis que St Thomas est sous le mentorat de St Albert) on fait serment de défendre Historia Scholastica, dans laquelle on peut lire:

Post obitum vero Noe, moventes pedes suos ab Oriente, convenerunt duces in unum, in campum Sennaar, et timentes diluvium, consilio Nemrod volentis regnare, coeperunt aedificare turrim, quae pertingeret usque ad coelos, habentes lateres pro saxis, et bitumen pro caemento.


Ah, la tour de Babel commence après le décès de Noé ... donc Peleg est aussi né après la mort de Noé, et non pas 101 ou 131 ans après le Déluge, comme dans notre Postilla in libros Geneseos.

Donc, si St. Thomas est l'auteur, il l'a écrit avant de venir à Paris. Vu que Chesterton l'aurait voulu appeler, si les Dominicains avaient eu la coutume des Carmes, "frère Thomas de la Création" l'absence d'un commentaire sur la Genèse serait étonnant. S'il en avait déjà fait un, dont il y avait des moments qu'il avait dû considérer comme erreurs, selon son serment de soutenir l'Histoire Scholastique, alors cette absence s'expliquerait.

Mais regardons l'argument peut-être principal contre l'attribution:

Cette découverte n’a pourtant pas entraîné l’adhésion de la communauté savante, qui était prémunie par avance contre l’attribution à Thomas d’Aquin d’un tel commentaire, absent des listes anciennes de ses œuvres complètes. C’est précisément pour cette raison qu’Antonin de Sienne avait rejeté l’authenticité d’un commentaire sur la Genèse attribué à Thomas, qu’il dit avoir vu lui-même, sans donner d’autres précisions sur ce texte apocryphe.


On dit, si on devine une même chose plus qu'une fois, la conjecture devient alors "fait scientifique". Bon, je vais faire la même conjecture pour les anciennes listes de ses œuvres complètes que pour la liste des 22 livres établie par Esdras. Les deux cas sont des listes établies en absence des textes (Esdras n'avait pas accès aux textes conservés chez les israélites des dix tribus, Tobie et Judith, non plus que pour les livres écrits après lui-même, à savoir Macchabées et Syrach, et pour quelque raison pas non plus pour la Sagesse de Salomon). Pour préciser à propos St. Thomas, les anciennes listes comprennent ce qu'il a écrit comme dominicain, et son commentaire sur la Genèse serait écrit avant, en Italie, chez les bénédictins ou en captivité chez sa famille. Raison suffisante pour qu'il manque à ceux qui ont établi ces listes anciennes.

Mais, à défaut, la postille n'est probablement pas de Pierre de Jean Olivi, et en plus, si elle l'était, elle ne serait pas d'orthodoxie douteuse de ce fait, son association avec les Franciscains Spirituels est indirecte, et quant à lui, l'usage pauvre découlait du vœu franciscain de pauvreté, pas de loi divine comme pour toute l'église.

Par contre, ceci met un peu en garde contre l'idée d'une œuvre de jeunesse:

Comme l’a signalé Gilbert Dahan, l’anonyme produit une exégèse universitaire de très bon niveau, qui semble également prendre appui sur le commentaire du dominicain Dominique Grima. Les autorités mobilisées sont très classiques : saint Augustin, Jérôme, Jean Damascène, Grégoire le Grand, Bède le Vénérable, Pierre Comestor.


Si la postille est de St. Thomas, ceci le montre tout aussi précoce en théologie que Bastien et Bastienne montre Mozart en musique.

Bastien und Bastienne* was one of Mozart's earliest operas, written in 1768 when he was only twelve years old. ... Although he was very young, Mozart already had excellent vocal writing skills and a knack for parody and whimsy which would reach full flower in his later works. Bastien und Bastienne is possibly the easiest to perform of Mozart's juvenile works.


Pour moi, il n'y a rien d'impossible dedans./HGL

PS, html mis à jour le lendemain./HGL

* https://en.wikipedia.org/wiki/Bastien_und_Bastienne

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