Sunday, December 2, 2012

Les fameux (et pas toujours fumeux) paradigmes en science et philosophie

Série contre l'héliocentrisme du deuxième livre de Chaberlot: 1) Φιλολoγικά/Philologica : Les fameux (et pas toujours fumeux) paradigmes en science et philosophie, 2) Et le paradigme héliocentrique, est-il fumeux?, 3) Frédéric Chaberlot dans l'éthique, 4) Fr. Chaberlot sur le paradigme héliocentrique - avec mes critiques


Que la science progresse vers une vérité approximative plus approchée par le fait de changer des paradigmes est faux. Pourtant, les paradigmes existent. Je pense plutôt que les paradigmes les plus modernes sont des choses parasitaires qui éloignent l'état des sciences de la vérité. Mais de quoi parle-t-on quand on parle des paradigmes?

Prênons un exemple entre Chrétiens et athées. Il y a un fait reconnu que le corps humain ne se trouve pas supporté sous ses pieds en marchant debout ou en restant débout par de l'eau à l'état liquide. Il coule jusqu'au niveau des épaules à peu près - quand il se stabilise. Et pourvu que la personne fasse des efforts pour tenir la tête audessus de l'eau. Il y a aussi un fait reconnu que le corps humain n'est pas fait d'amiante, posé dans un four il va désintégrer par le feu. Et s'il s'agit d'une personne vivante elle va mourir. Il y a pourtant deux paradigmes fortement opposés quand au pourquoi de ce fait.

Les Chrétiens et d'autres théistes Les athées, panthéistes, averroïstes, déistes
Ceci relève d'un dispositif que le Dieu Tout-Puissant a librement mis en place et peut librement suspendre. Il l'a aussi suspendu pour les trois adolescents dans le four de Nabuchodonosor, qui ne sentaient même pas la fumée en sortant du four, et pour Lui-Même Incarné et son disciple St Pierre quand ils marchèrent sur les eaux du lac Génésareth. [Les non-Chrétiens nient peut-être le deuxième exemple, même s'ils sont théistes.] Ceci relève d'une nécessité absolue où la volonté d'une éventuelle divinité n'a rien à voir. Les récits sur les trois adolscents dans le four de Nabuchodonosor et sur Jésus et son disciple St Pierre marchant sur les eaux ne sont donc pas vrais parce qu'ils ne peuvent pas être vrais.


Comme on voit très bien, les deux positions sont bien pensables au moins dans le sens que les deux sont pensées de fait par millions de personnes dans l'Occident actuel. Et on voit également que les deux positions ne peuvent pas à la fois être vraies, l'une excluant très nettement l'autre.

Mais il y en a d'autres. Et maintenant je vais aux paradigmes où des Chrétiens - croyant les miracles de l'Évangile - ont historiquement soutenu les deux positions.

Le fait reconnu par les deux parties est que, d'un côté les choses comme les corps solides ou liquides tombent vers le sol, tandis que les choses comme des flammes montent en haut. L'air monte en haut aussi quand il est libéré sous l'eau. Et de l'autre côté, le soleil est parfois en est et parfois dans le sud (ou, pour l'équateur, exactement en haut, ou, pour l'hémisphère sud au nord) et parfois dans l'ouest, suivant un cycle qui prend vingt-quatres heures: aussi est-il parfois devant capricorne, parfois devant les poissons, parfois devant le cancer et parfois devant la vierge, ceci dans un cycle qui prend plus que 365 jours (les cycles de l'autre type) et moins de 366 jour. Tandis que la lune est parfois devant le soleil, parfois opposé, parfois elle tourne la gauche ou la droite vers le soleil, selon un cycle qui prend environs 29 jours. Là aussi il y a deux paradigmes, au moins. Je donne "moderne" et "pré-moderne".

pré-moderne moderne
La place naturelle des choses lourdes est dans le centre de l'univers, dans le centre de la terre, en bas. La place naturelle des choses légères est dans la périphérie de l'univers, dans le ciel, en haut. Les solides et liquides tombent et les airs et flammes montes vers leurs places naturelles. Les masses sont comparablement plus denses dans les solides et les liquides que dans les gazes et les flammes. Chaque masse attire chaque autre masse, selon le poid et inversement à la distance. Les solides et les liquides sont donc plus fortement attirés par la masse de la terre que les gazes et les flammes. Au cas où deux corps sont tirés vers le bas et l'un est moins fortement attiré et plus poreuse que l'autre, il est déplacé vers le haut par ce qui tombe plus fortement.
Le ciel est chaque jour mu par Dieu. Soleil et Lune suivent avec un leger retard, de manière que le jour stellaire soit moins que 24 h, le jour solaire exactment 24 h et le jour lunaire 24 h 50 minutes. La terre tourne chaque jour autour d'elle-même. Le cercle est de moins de 24 h, remonter le même point vers le soleil prend un peu plus de temps à cause de l'orbitus qu'elle fait autour du soleil, donc exactement 24 h et la lune suit la rotation terrestre en donnant une nouvelle position à atteindre pour la terre avant de se retrouver même point face à la lune, de manière de donner un jour lunaire de 24 h 50 minutes.
En outre de suivre le ciel, le retard du soleil fait un cercle autour des signes du zodiaque (aussi connu comme plan de l'écliptique), donc le cieil double le soleil une fois par an. La terre bouge autour du soleil une fois par an, elle se trouve devant la vierge quand le soleil paraît devant les poissons, devant le capricorne quand le soleil paraît devant le cancer, et ainsi de suite. Le zodiaque ou le plan de l'écliptique est identique dans ce cas, sauf que la terre bougeante se place dans le signe opposé duquel occupe le soleil.
La lune fait encore plus de retard que le soleil, et ainsi elle se trouve avec divers faces envers le soleil puisque les deux cercles autour du zodiaque interagissent pour donner les faces de la lune, dans un cycle d'environ 29 jours. La lune tourne autour de la terre et interagit avec les divers angles que l'orbitus de la terre lui donne envers le soleil, dans un cycle d'environ 29 jours.
Le ciel étant mu par Dieu, Il laisse des anges s'occuper des mouvements planétaires, dont le soleil et la lune. Le tout est essentiellement mu par la même attirance de chaque masse envers chaque autre masse selon les poids et inversement à la distance. La vitesse initiale contribue aussi à l'orbitus.


Nous avons tous appris, et certains compris, le paradigme moderne dans les écoles. Nous savons tous - au moins si nous avons bien compris - que ce paradigme exige de nous de regarder le témoignage directe des sens comme une illusion. La terre fait stable sous les pieds et se voit stable par les yeux. Le soleil et la lune paraissent se meuvoir chaque jour. Ils semblent couvrir des constellations différentes selon les mois de l'an. Et sauf pour la lune qui tournerait effectivement autour de la terre, dans le plan de l'écliptique à peu près, tout ceci serait une illusion engendrée par le mouvement ni vu ni sensé que ferait la terre autour d'elle-même par les jours et autour du soleil par les ans.

Ma contention n'est pas que les deux paradigmes se valent dans le sens que les deux soient vrais au même temps. C'est une impossibilité logique. Ni que les deux paradigmes se valent dans le sens que nous ne pourrions jamais savoir lequel est vrai. Si le paradigme moderne n'est pas prouvé, sur pas mal des questions contrastantes c'est le paradigme pré-moderne qui se voit par là reconfirmé par le témoignage direct des sens.

Ma contention est que ce dans le paradigme pré-moderne qu'on qualifie de géocentrisme - la terre immobile, le ciel qui bouge de l'est à l'ouest, le soleil et la lune qui suivent le ciel avec des retards, les autres planètes qui suivent le ciel avec retards et précipitations (parce qu'elles orbitent le soleil, à différence de la terre) formant des orbitus allant globalement de l'ouest à l'est par rapport au ciel - tout celà peut être facilement revendiqué par quiconque n'est pas athée.

Ma contention partagé avec Robert Sungenis est que non seulement le géocentrisme n'est pas directment refuté et l'héliocentrisme n'est pas directment confirmé, mais l'héliocentrisme est même refuté:

1) Michelson-Morley montre que soit il n'y a pas d'éther dans lequel se repand la lumière ayant sa vitesse en rélation avec l'éther, soit la terre ne bouge pas autour du soleil. Récemment je viens d'écouter Sungenis où il dit que le résultat de Michelson-Morley est nul uniquement par rapport au mouvement présumé autour du soleil, mais il y a un résultat positif par rapport au mouvement quottidien, qui peut, bien-sûr être également attribué à la terre ou au soleil.

2) Sagnac montre que la lumière a sa vitesse par rapport à un éther.

Ma contention qu'il ne partage pas est que, peut-être la vue newtonienne de la gravitation n'est même pas la bonne.

Lui, il est surtout physicien. Moi, je suis - en tant que latiniste et médiéviste - surtout historien des idées.

Passons donc des mouvements célestes aux mouvements dans les idées de la culture occidentale. Et laissons, de temps en temps, la parole à un adversaire de moi. Un homme qui est scientifique et athée. Il a peut-être quelque chose à dire sur l'épistémologie selon laquelle le paradigme moderne aurait le dessus. Il s'appelle Frédéric Chaberlot, son livre s'appelle La science est-elle un conte des fées? et ma réponse pourrait être formulée: et si les contes de fées étaient scientifiquement correctes? Mais en même temps ma réponse est une validation du sens commun. Car le mode de savoir par lequel il prétend savoir le paradigme moderne, c'est une attaque en règle au sens commun.

Il réfute chaque théorie épistémologique en donnant un exemple d'une découverte qui aurait été impossible sans un dépassement de cette théorie. Les détails ne sont pas sans interêt. Sur la page 71 il affirme, contre Bacon:

Premièrement, il n'existe pas de faits purs et bruts indépendants de toute théorie.


Alors on aimerait savoir ce qu'il appelle les exemples que je viens de donner:

  • ... que le corps humain ne se trouve pas supporté sous ses pieds en marchant debout ou en restant débout par de l'eau à l'état liquide. Il coule jusqu'au niveau des épaules à peu près - quand il se stabilise. Et pourvu que la personne fasse des efforts pour tenir la tête audessus de l'eau.
  • ... que le corps humain n'est pas fait d'amiante, posé dans un four il va désintégrer par le feu. Et s'il s'agit d'une personne vivante elle va mourir.
  • ... que ... les choses comme les corps solides ou liquides tombent vers le sol, tandis que les choses comme des flammes montent en haut. L'air monte en haut aussi quand il est libéré sous l'eau.
  • ... le soleil est parfois en est et parfois dans le sud (ou, pour l'équateur, exactement en haut, ou, pour l'hémisphère sud au nord) et parfois dans l'ouest, suivant un cycle qui prend vingt-quatres heures:
  • ... aussi est-il parfois devant capricorne, parfois devant les poissons, parfois devant le cancer et parfois devant la vierge, ceci dans un cycle qui prend plus que 365 jours (les cycles de l'autre type) et moins de 366 jour.
  • Tandis que la lune est parfois devant le soleil, parfois opposé, parfois elle tourne la gauche ou la droite vers le soleil, selon un cycle qui prend environs 29 jours.


Je crois qu'entre St Thomas d'Aquin, Bacon et moi-même et la plupart des mes lecteurs on est bien d'accord que les faits allégués comme bruts le sont au moins par rapport à toute théorie sur "la gravitation" (pour prendre le terme de Newton pour les divers phénomènes attribués à celle-ci dans le paradigme moderne, y compris mais non limité à la chute des objets solides).

Il prend pourtant un exemple de l'histoire des sciences, contre l'inductionnisme:
Avant la citation: je viens dans un essai anglais de noter que si l'Univers était infini dans tous les sens, il n'y aurait pas de noir entre les étoiles, mais lumière de partout. Apparemment il y a une autre explication au noir entre les étoiles: la lumière serait absorbée et dispersée par de la matière non lumineuse et ceci ne serait pas uniquement le cas dans les nébuleuses. Dans les années 1900-1930 les astronomes discutaient ce qu'on appelle ajourd'hui "extinction interstellaire".

Comment mettre en évidence une extinction interstellaire? Par exemple par le rougissement interstellaire : du fait des phénomènes de diffusion et d'absorption, la lumière des étoiles blanches, comme le Soleil, apparaît rougie lorsqu'elle (la lumière) traverse une quantité appréciable de matière interstellaire. L'idée est donc d'observer les étoilessuffisemment lointaines et de constater si oui ou non elles semblent plus rouges qu'on le prévoit en faisant l'hypothèse qu'il n'y a pas d'extinction interstellaire (ou toute au moins que cette extinction est négligeable).


L'astronome hollandais Kapteyn étudie le problème dans les années 1904-15. 1904-14 il est convaincu d'avoir trouvé, dès 1915 de n'avoir pas trouvé lui-même un rougissement témoignant d'extinction interstellaire. Et tout le temps il met en doute la conclusion inductive de ses trouvailles. Il refuse de prendre l'un ou l'autre comme preuve dans l'un ou l'autre sens. Dès qu'il admet de n'avoir pas trouvé de rougissement, il s'acharne que celui-ci doit quand même exister. Et ceci bien avant les téléscopes plus puissants que ceux qui permettaient aux astronomes de voir des étoiles "éloignés de 1000 parsecs" ou "de 3.600 années lumières."

Mais alors, pourrait-on retorquer, du point de vue inductiviste, il suffisait d'étendre la base empirique pour pouvoir conclure assurement en faveur de l'existence de l'extinction interstellaire. C'est justement là que se situe le problème de la logique d'induction : Kapteyn a conclu avant l'extension de la base empirique.


Mais alors, il parait que Kapteyn faisait autre chose que de la science strictu sensu : il espérait contre l'espoir, il croyait contre l'évidence. Le problème n'est pas dans la logique de l'induction, mais dans la logique de Kapteyn. À moins qu'elle se basait sur déduction aussi. Ce qui n'est pas faux. Mais Chaberlot ne nous transmet pas les éventuelles raisons déductives qu'a pu avoir Kapteyn.

En bref : que signifie quantitativement et concrètement , dans le cadre d'une recherche scientifique, un "nombre suffisant d'observations"? Puisque pour pouvoir apporter une conclusion posiive ou négative, il faut interrompre l'induction, sur quel critère logique pouvons-nous affirmer que nous avons obtenu un "nombre suffisant d'observations"? Aussi surprenant que cela puisse paraître, la réponse est : il n'existe pas de tel critère.


C'est - souvenez-vous en bien! - Frédéric Chaberlot qui dit ça. Je réponds: oui, il y a un critère. Dès qu'on trouve une exception, on trouve que la règle supposée n'était pas universelle. Tous les cygnes sont blancs, jusqu'à ce qu'on en trouve un noir. Les propos universels sont difficiles à vérifier de manière purement inductive, les propos particuliers sont plus aisés à trouver.

Les cas difficiles sont ceux où l'exception est censée n'être qu'apparente. Là il y a la question logique de savoir combien on peut donner à une apparence chimaire. Et combien on doit attribuer à des exceptions bien réelles. Mais pour pas mal de cas il y a des vrais critères.

D'ailleurs, l'histoire de la découverte de l'extinction interstellaire ne s'arrête pas à Kapteyn. En 1930, l'astronome suisse-américain Julius Trumpler publie un article qui emporte l'adhésion de ses collègues en montrant, cette fois d'une ùmanière jugée "suffisemment" convaincante, qu'il existe bien une extinction interstellaire non-négligeable dans le plan galactique. Comment [...]? En étudiant, non pas des étoiles isolées, mais des amas d'étoiles dits ouverts ou galactiques; plus précisément en évaluant les distances de ces amas avec deux méthodes, une qui ne tient pas compte de l'extinction interstellaire, l'autre qui en tient compte.


Je ne suis pas astronome, mais ceci me paraît risqué. S'il avait conclu en faveur, qu'avait-il alors trouvé de paradoxal en "évaluant la distance" d'une méthode qui ne tient pas compte de l'extinction?

Si c'était - je ne sais pas, je ne prétends pas le savoir, je ne connais pas l'article de Trumpler qu'à travers le résumé de Chaberlot - mais si c'était que les étoiles forment une sphère quasiment des étoiles fixes, alors je soupçonne, comme il convient à un géocentrique, qu'il ait choisi le mauvais critère. D'ailleurs, comme on le verra un peu plus loin, j'espère, je ne crois même pas au critère des parallaxes annuelles des étoiles, car je trouve possible qu'elles se produisent par l'action d'anges sur les étoiles en temps avec le Soleil, mais non pas en distance avec le Soleil.

Pour en revenir à l'exemple précédent de l'extinction interstellaire, il est curieux de lire en détail la correspondence de Kapteyn et Hale : Hale montre clairement à Kapteyn que ce dernier utilise dans ses récherches scientifiques aussi la méthode déductive, ce que Kapteyn admet à contre-cœur puisqu'il prône avec insistance la méthode inductive dans le cadre des sciences naturelles.


Fort bien. Le problème est plutôt si les déductions sont correctes. Pour St Thomas d'Aquin aussi la déduction et l'induction s'entremêlaient. Néanmoins il ne croyait ni dans une terre ayant la bougeotte, ni dans un Univers infini, ni dans l'extinction interstellaire. Et peut-être, quoique sa base inductive était moins large, ses déductions étaient plus correctes en logique, et ses inductions aussi par le fait de ne pas attribuer à la seule induction ce qui revient en bon droit à la déduction.

Il me semble fort probable qu'on a voulu taire l'extension de l'usage qu'on fait de la déduction, par le motif assez simple que les lois des déductions correctes sont bien connues et qu'une lacune dans les prémisses se laisse aisément remplir, de manière de pouvoir, de côté des Chrétiens (qui à l'époque de Kapteyn visaient plus la logique qu'aujourd'hui, à moins d'être modernistes) prouver que tel érudit ait conclu par un raisonnément dont une des prémisses était soit la non-existence soit l'irrélévance de Dieu (et des anges et des démons) pour le fonctionnement quottidien de l'Univers.

Si on désire clarifier l'usage des modes de raisonnement et, pour ce faire, rendre l'activité scientifique temporairement caricaturale, on peut dire ceci : la déduction est principalement utilisée dans toute science mathématisée et l'induction dans toutes les sciences naturelles et humaines. Il existe un troisième mode de raisonnement, l'abduction. Ce mode est nécessairement utilisé en biologie22 ou en médicine23, mais apparemment moins en physique.


Si on va alors aux notes 22 et 23 du chapître 3 on trouve:

22. Voir Guide critique de l'évolution [2009], p. 74 - 76.

23. Voir l'article correspondant in Dictionnaire d'histoire et philosophie des sciences [1999]


Pour biologie on a donc l'application que nous les Chrétiens trouvons profondement suspecte que'st la théorie de déscendance d'un ancêtre commun de toutes les formes vivantes. Pour médicine on a un article dans une chose dont le genre - je n'ai pas regardé l'œuvre - ne promet pas une exactitude exemplaire. Je n'ai pas encore eu l'occasion de vérifier ce que c'es l'abduction.

Frédéric Chaberlot a, après, la grande honnêteté de nous admettre que ce n'est pas scientifique dans le fond mais juste une fausse allure du scientifique de dire que telle ou telle théorie a 5% ou 95% de chance d'être la vraie. Son illustration vient encore de l'extinction interstellaire, qui avait un jour 5% de chance d'être vraie et qui depuis 1930 a 100% de chance d'être vraiment existente. Ce qui exclut le probabilisme d'être la bonne épistémologie pour les sciences.

Un peu comme on ne peut pas prétendre qu'on sache comment sonnait l'Indo-Européen Primitif ou le Proto-Indo-Européen "la langue qui changeait plus que n'importe quelle autre dans les années 1870" comme le blaguent les linguistes. Une langue dont Troubetskoï a même mis en doute l'existence: les ressemblences seraient donc dus au phénomène connu comme "Sprachbund" ou convergence linguistique régionale, comme les langues Occidentaux d'Europe ont une tendence très nette d'avoir l'article défini auparavant absent dans leurs langues ancêtres (Gothique et l'Ancien Haut-Allemand, Latin et Gaulois le manquent, Allemand, Français et Breton l'ont, exception possible le Basque) et une tendence majoritaire de perdre les cas (Irlandais, Islandais et Allemand les gardent, comme le Basque, les autres langues Celtiques et Germaniques ne gardent que le Génitif comme cas spécial et les langues néolatines occidentales remplacent le Génitif aussi avec une préposition).

Quand il s'agit des réconstructions des formes proto-indo-européennes, on peut les interprêter de manière positiviste: "qweqlom" est un abrégé commode pour le mot identique signifiant entre autre roue dans les formes indiennes "çakra" (mot hyperconnu dans un contexte très autre que les roues sous les véhicules, hélas), la forme grècque "kyklos" (qui signifie aussi cercle, mouvement circulaire) et les formes germaniques (signifiantes précisement roue sans autre connotation) comme "wheel" (anglais) ou "hjul" (suédois). Ce n'est donc pas un propos factuel sur le caché, juste une classification des phénomènes connus (mais exprimée comme tel propos factuel sur le passé irrétrouvable ou de toute façon non retrouvé) de dire "roue dans le proto-indo-européen se disait qweqlom."

Mais la seule astronomie purement positiviste, qui se bornait de classifier les phénomènes connus sans y ajouter d'explications hypothétiques et cachées, c'est ce que Laplace appelait "astronomie planaire", celle ou les étoiles fixes forment l'intérieur d'une sphère avec les couches planétaires interposées dedans entre elles et nous. Dans une énumération purement positiviste des phénomènes, la terre reste au milieu. Ne fût-ce que pour le motif que c'est de la terre que se fait la plupart des observations. Ou récemment de sa proximité aussi, avec les téléscopes dans l'espace assez proche (SOHO, le téléscope Hubble aussi me parait-il). Laplace traitait de cette astronomie purement positiviste dans le premier livre de son œuvre Le Système du Monde. Ce n'est que dans le deuxième qu'il introduit l'héliocentrisme et la gravitation universelle à tître d'explication et qu'il reduit le géocentrisme observationnel à une illusion à la fois optique et pour le sens d'équilibre, situé dans l'intérieur de l'oreille.

Il y a un critère selon lequel on peut effectivement classifier la probabilité des théories : il y a une probabilité quand à nous, quand aux pas que nous devons franchir (le moins le mieux, sauf pour les pas très nettement nécessaires) avant d'atteindre une explication. Frère Occam ne l'a pas très bien appliqué en attaquant les dix catégories. Les athées d'aujourd'hui ne l'appliquent pas très bien en excluant Dieu et les anges. Ce critère n'est donc pas 100% fiable (notons que dire "ne pas être 100% fiable" ne précise point du tout à combien de % il serait fiable), mais le probable n'est par nature pas 100% fiable. Moi, je l'ai appliqué, peut-être mieux qu'Occam et que les athées, en essayant de reduire les pas épistémologiques à faire avant d'atteindre l'explication qu'on reclame comme scientifique. Le resultat est - peut-être sans surprise - en faveur de St Thomas d'Aquin non juste dans les positions reclamés par les néo-thomistes, mais aussi dans les positions thomasiennes non partagés par ... disons (Père?) Georges Lemaître ou Jacques Maritain.

Ensuite Chaberlot explique le manque d'adéquation du falsificationnisme.

Une idéologie que j'avais déjà connue il y a très longtemps. Une fois qu'on a une théorie, on essaie de trouver une implication d'expérience qu'on peut falsifier. Si le résultat falsifie la théorie on essaie d'améliorer ou de totalement changer la théorie. Et déjà il y a très longtemps j'avais répondu que dès qu'on parle d'implication, on parle de déduction. Si un raisonnement déductif n'est pas fiable en général, pourquoi le serait-il dans la recherche d'une implication falsifiable? Si un raisonnément déductif est en général fiable, pourquoi ne l'est-il pas avec les déductions qui ne peuvent pas concrètement être falsifiés, parce que la falsification théorique serait la négation d'un fait très bien connu? Mais alors, on peut faire des déductions à propos les faits connus aussi. Directement, sans le falsificationnisme, sauf à tître accessoir. Ce qu'a fait précisément Aristote, ce qu'a fait précisément Platon, ce qu'a fait précisément St Thomas d'Aquin avec pas mal d'autres scholastiques.

Mais ça c'est ma propre critique de Popper, venons en arrière vers Chaberlot:

En résumé, le falsificationnisme renverse l'attitude de l'inductivisme vis-à-vis la testabilité des hypothèses: il ne s'agit plus de les vérifier, mais de les falsifier (ou plus exactement de les réfuter). Une affirmation est falsifiable (ou réfutable) si l'on peut consigner une observation ou faire une expérience qui, si elle était positive, entrerait en contradiction avec cette affirmation. Ainsi, pour Popper, plus une théorie est falsifiable, plus elle est scientifique.


Ajoutons à ce résumé que les mots falsification, réfutation et contradiction par rapport à une affirmation (ou négation) renvoient très directement à la logique déductive que tellement de scientifiques et philosophes des sciences ont qualifiée de non-scientifique, vide, pré-scientifique et je ne sais quoi, dans le but de décrédibiliser les déductions des scholastiques, notemment les déductions par lesquelles entre Q II et Q XLV (de Prima Pars Summae Theologiae) St Thomas d'Aquin établit que Dieu est un être personnel (plus précisément tripersonnel, comme le nous dit la foi, défendue mais pas définie par ces déductions) et non-matériel dont l'émanation vers un être autre que cet être primordial ne peut pas prendre autre forme que la création ex nihilo. Mais revoyons Chaberlot:

Cette version naïve du falsificationnisme ne tarda pas à montrer des défauts de logique, du même ordre d'ailleurs que ceux de l'inductivisme. En effet, dans un cas comme dans l'autre, l'adoption ou le rejet d'une théorie dépend de la confrontation des prédictions de cette théorie avec l'observation ou l'expérience. Or, de ce point de vue empiriste, pour les mêmes raisons logiques qu'il est impossible de vérifier avec certitude une théorie, il est impossible de la falsifier avec certitude. ...


Ici je vois un kantianisme qui prend sa revanche sur le kantien. Il ferait bien de relire la Q II A II de Prima Pars.

... En particulier, et malgré les rumeurs qui sourdent parfois jusque dans les manuels scolaires, il n'existe pas en science d'expérience cruciale destinée à tester de manière décisive une hypothèse car, d'une part un énoncé observationnel ou l'entier du déroulement d'une expérience sont faillibles ...


J'aimerais savoir si les expériences de Michelson-Morley et de Sagnac lui paraissent faillibles, vu que les deux démontrent assez bien que la terre ne bouge pas dans l'espace. Michelson Morley ayant pour autre explication possible quelque chose que Sagnac réfute mais que le très connu Albert Einstein affirme malgré Sagnac. Merci à Sungenis pour ceci!

... d'autre part le test porte toujours sur un ensemble d'hypothèses et de théories.


Assez vrai, mais "et alors"? Michelson-Morley réfute "il y a un éther dans lequel nous bougeons par rapport et avec le soleil et dans lequel se déroule la vitesse de la lumière". Ce qui peut être interprêté comme affirmant indifféremment soit "il n'y a pas d'éther dans lequel se déroule la vitesse de la lumière, celle-ci étant constante par rapport à tout observateur malgré toute vitesse autre qu'elle-même" soit "la terre ne bouge pas". Et Sagnac refute "il n'y a pas d'éther dans lequel se déroule la vitesse de la lumière, celle-ci étant constante par rapport à tout observateur malgré toute vitesse autre qu'elle-même", ce qui peut être interprêté comme affirmant indifféremment soit "il y a un éther dans lequel nous bougeons par rapport et avec le soleil et dans lequel se déroule la vitesse de la lumière" soit "la terre ne bouge pas" + "il y a un éther .. dans lequel se déroule la vitesse de la lumière". Entre les deux, l'immobilité de la terre est déductivement établie. Sauf peut-être pour une rotation chaque jour. Mais qui pourrait également être de la part de l'univers:

  • Si P, alors soit la ne bouge pas (sauf ... mais ...), soit il n'y a pas d'éther.
  • Si Q, alors il y a un éther.
  • Conclusion: si P et Q, alors la terre ne bouge pas (sauf ... mais...).
  • Michelson-Morley établit P et Sagnac établit Q.
  • Michelson-Morley et Sagnac établissent entre eux que la terre ne bouge pas (sauf ... mais ...).


De plus, un scientifique peut toujours émettre des hypothèses ad hoc ("produites à cet effet") pour préserver sa théorie des falsifications.


La négation de l'éther est précisement une théorie ad hoc (acceptée par Einstein et consortes) pour préserver l'héliocentrisme. Mais une hypothèse ad hoc est aussi parfois falsifiable. Comme celle-là par Sagnac. Ou, en d'autres cas, vérifiable.

De surcroît, les historiens des sciences exposent de nombreux exemples qui contredisent le falsificationnisme naïf : des théories nouvelles, bien qu'en apparence falsifiées, sont maintenues par la communauté scientifique pour ensuite être habilitées (c'est le cas de la gravitation newtonienne à ses débuts) ...


Quelle honnêteté extraordinaire! L'autre jour je viens d'être exposé à une allusion péjorative à mon opposition à l'explication newtonienne, celle de la gravitation universelle (les choses légères étant celles avec moins de masse par volume, les objets dotés de masse agissant les uns sur toutes les autres en proportion directe à leur masse et inverse au carré de la distance, vous savez ...). Sur la table où je mangeais il y avait un homme qui disait "il y en a qui ne sont pas des lumières" (ou fallait-il entendre Lumières?) avec l'exemple "qui ne croient pas que les choses tombent" Ensuite il montrait une cuiller qui tombait quand il la lâchait. ... Oui, je crois qu'une cuiller tombe même avant de voir la démonstration. La question est si l'explication newtonienne pourquoi elle tombe est bien démontrée ou non. Et là je m'interesse vraiment pour les détails (non donnés par Chaberlot) : quelles étaient exactement les réfutations au début (certes pas des objets lourds qui refusaient de tomber!) et quelles étaient les habilitations de la suite.

Hans-Georg Lundahl
Bpi Georges Pompidou
Ste Vivianne
Ier Dim. d'Avent
2-XII-2012

No comments: