J'ai parfois eu l'honneur d'être accepté par eux et une fois d'avoir ma vie sauvé par eux: ils m'ont donné du pain, du fromage, peut-être du pâté, une bière et ceci après trois jours que je n'avais rien eu à manger. Un d'entre eux m'a aussi donné un livre, les marges duquel j'utilisais pour écrire une comédie qui m'a été de la suite volé avec le livre avant que je ne l'eusse mis sur internet. Mais dernièrement je n'ai pas été tellement accepté par les clochards. Ce n'est pas chaque sdf qui a l'honneur d'être clochard. C'est un style de vie qui est spécifique et qui n'est pas le mien.
Ce matin je viens d'avoir du thé dans un endroit pour les sdf. Ça m'a arrangé après avoir été réveillé trois fois, une fois à trois heures, une fois à cinq heures et une fois entre les deux autres fois.
Mais pour académique que je sois, il y a un jargon académique et un peu moralisant qui me met mal à l'aise. Il fut utilisé à cet endroit:
- "c'est une version martyr qu'il donne"
- "il faut se laisser martyriser un peu" (là les accueillants ont vu que j'étais mal à l'aise, ils ont changé le sujet)
- "il y en a qui sont dans le déni"
Quand j'étais dans la faculté, mon but était de maîtriser les sujets, pas de prendre chaque position des gens qui me les enseignaient. Je sais que Ste Brigitte après avoir quitté la Suède a eu un confesseur qui s'appelait Alfonso de Jaén. Le docte et futur docteur ès lettres qui en parlait doutait que les motifs allégués par Alfonso de Jaén étaient vraiement "fatigue du monde", ça serait plutôt genre excuse bellifiée, moi je viens de rappeler qu'il y a une chose qui s'appelle aujourd'hui épuisement psychique, burnout, syndrome d'épuisement professionel et ainsi de suite. Il a accepté l'explication. Dans l'étude d'Homère j'ai eu le bonheur d'avoir un "lector" comme on les appelle en certains pays qui trouvait profondement ridicule de parler de l'auteur de l'Odyssé comme "soit Homère, soit un autre poëte du même nom" pour ne rien dire de son mépris pour la théorie dite de "boule de neige". Avec des académiciens comme ça dans les études bibliques, on n'aurait qu'assez peu de respect pour les idioties comme "Quelle Q" qui aurait été commune à trois ou à deux évangélistes et qui serait à reconstruire ... par les savants d'aujourd'hui.
Parlant de ça. Je viens il y a quelques jours de trouver l'indication que Wilamowitz aurait reconstruit d'abord l'Achilléide à elle seule comme la version original de l'Iliade et en plus une version qu'il cosidérait comme plus primitive, une dans laquelle Achille malmène effectivement et définitivement le cadavre de Hector. La réconciliation avec Priame serait donc un ajout plus tard par des ges plus sophistiqués et avides d'humaniser l'action. Ceci est partie d'une version - celle de Wilamowitz - de la théorie "de boule de neige" et elle est à peu près aussi cohérente que les savants qui datent les Synoptiques à l'an 70 et plus tard. Si j'avais pris Théologie, j'aurais eu la galère garantie à la fac, parce que je tiens aux auteurs traditionnellement donnés. Ayant pris Grec et Latin j'ai pu éviter cette fourberie intellectuelle.
Mais il y a des positions qui n'avaient même pas droit à être nommés à notre faculté. La liste des phrases que je viens de donner (de ce matin) est de celles-là. J'ai eu un camérade d'études qui reprenait le Latin qu'il avait oublié un peu. Il était assistant social de métier. Dans sa profession il risque d'avoir utilisé des phrases comme ça. Chez nous à la fac, pas un mot.
Vous voyez, le genre d'explications sophistiqués que j'apprécie est du genre "lectio difficilior verior" ou les observations pourquoi ceci n'est pas toujours le cas. Ou le fait que tel et tel construction s'utilise en Latin où le suédois aurait eu une phrase subordonnée, mais ceci ne veut pas dire que le Latin ne puisse jamais utiliser un subordonné. Il y a même un risque d'être hypercorrecte, d'éviter les constructions que le Latin a en commun avec la propre langue. Et le but poursuivi avec le Latin était de pouvoir, enfin, lire des auteurs non modernes dans la langue originale. J'ai eu moins de facilité avec Virgile et Tacite qu'avec St Thomas d'Aquin, ou avec Ste Brigitte, vu que j'ai commencé d'étudier le Latin sérieusement quand c'était déjà un peu trop tard. Système scolaire bidon oblige parfois au mal. Et bien sûr je l'ai étudié déjà pour des phrases comme "agere sequitur esse" ou "audietur et altera pars".
La juridique d'antan avait pour pricipe effectivement "audietur et altera pars". Mais il y a parmis les phrases apprises ce matin des attitudes qui ne sont pas promettant pour cet "audietur et altera pars". Sauf quand ce sont certains, a priori non concernés, voulant le bien de quelqu'un, qui se constituent en "altera pars" vis-à-vis celui-ci contre ses propres vues.
Il y a des clochards qui ne peuvent jamais plus faire leur métier. Un cuistot qui a choppé l'Hépatite C ou le SIDA ne doit jamais plus couper les légumes pour un public qui paie pour les manger. Un chauffeur de voiture qui tremble quand il ne boit pas n'est pas apte à conduire ce qu'il conduisait. Et ainsi de suite. Il y a eu aussi des gens qui ont refusé de prendre un autre travail que fermier à l'époque où pas mal perdaient leur métier de fermier (les années soixante). Et vu que le métier de fermier dépend du fait d'avoir une ferme ...
Mais il y a aussi des clochards ou d'autres sdf qui se voient refuser de faire le travail qu'ils peuvent déjà et encore bien faire ou qui se voient refusés de valoriser le travail qu'ils font déjà. Il y a des "constats" à propos eux qui les nuisent, et des phrases comme "il est dans le déni" font partie d'au moins un type de ce genre de "constats".
L'acceuillant qui avait lancé une ou même deux de ces phrases était de gauche. Peut être une gauche sentimentale qui vote quand même à droite, peut être gauche de gauche encore et jusqu'au bout. Je suis de droite. Je suis aussi catholique. Et liturgiquement traditionnaliste. Je connais donc - j'ai connu par cœur à une époque - le Stabunt Justi, qui est le Commune Martyrum.
tunc stabunt iusti in magna constantia adversus eos qui se angustaverunt et qui abstulerunt labores illorum
Me réveiller à trois heures du matin relève un peu de ces "eos qui se angustaverunt". Dire le genre de phrase que je viens d'évoquer, et ça de moi (je ne dis pas que c'était de moi que les accueillants les disaient), pour qu'on ni ne lise ni n'imprime et vende mes articles sur mes blogs, ça relève un peu de "qui abstulerunt labores illorum". Vous trouvez ce constat "une version martyr"? Bien, il semble que le sage Salomon ait mis une "version martyr" dans la Sainte Écriture. À moins que vous soyez des Protestants qui nient qu'il est l'auteur du livre de la Sagesse.
Mes regrets si ces mots semblent ingrats envers l'accueillant de ce matin. Peut-être qu'il voulait me mettre à mon aise comme parmi des académiciens: mais on semble ne pas avoir fait les mêmes sujets. L'effet fut le contraire. J'avais l'impression - qu'elle soit injuste ou juste - d'être déshonoré dans cette compagnie. Après, je me rendais compte que de souffrir un choc comme ça, après avoir été réveillé comme ça, ce n'est pas exactement ce qui me met à mon aise. Je me sentais plutôt comme à une autre occasion, que j'avais été giflé par un homme fort et fortement en colère avec moi (et en rien un académicien). On vient de nous écrire dans les journaux que le stress peut être l'équivalent de cinq cigarettes par jour, non quand aux poumons, mais quand à la santé cardiovasculaire. Je me demande si un matin comme celui-ci n'est pas l'équivalent de dix cigarettes (je ne fume pas, je n'y prends pas de gloire, mais juste "for the record"). Ou quinze. Un peu comme si on voulait me préparer un syndrome d'épuisement professionnel quand à mon écriture sur internet. Bon, ce matin ci au moins, ce but - si tel il était - n'a pas été réussi pour quiconque n'aime pas mes démarches.
Hans-Georg Lundahl
Bibl. Audoux, Paris
St Étienne
26-XII-2012
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