Comme je viens déjà d'écrire sur un autre message : son essai sur le développement de la doctrine chrétienne fut écrit par un hérétique anglicain en train d'utiliser son érudition en partie erronnée pour se convertir à la vérité. Son premier geste se soumettant à la hiérarche anglaise catholique romaine était de leur offrir la possibilité de corriger le livre. Et leur geste fut en réponse de dire que non, il leur importait moins s'il y avait des erreurs de détail dedans et davantage que cet essai soit un témoignage crédible de la conversion de JHN. Leur prévision sur la méfiance malveillante en Angleterre sur la conversion de Newman (qui rappelle celle de certains Juifs vis-à-vis celle de Zolli) n'était pas mauvaise, il dut encore une fois défendre sa conversion dans Apologia, plus tard.
Citons un peu, élucidons à l'aide de ses propres mots la citation :
Le christianisme, à la différence des autres révélations de la volonté divine - sauf le judaïsme dont il est la continuation - est une religion objective ou une révélation aveclettres de créance ; il est naturel, dis-je, de le regarder comme tel en bloc, et non pas seulement en partue sui generis, et en partie semblable aux autres. Tel il est au commencement, tel nous devons croire qu'il continue d'être ; si l'on accorde que certains amples développements sont vrais, ils doivent sûrement être accrédités comme tels.
Commentons phrase par phrase, à part ce qui s'explique de lui-même/
à la différence des autres révélations de la volonté divine : d'abord il vient de parler des parties du paganisme : en partie des embrouilles, mais en partie des restes parfois même assez pures de la révélation primitive au genre humain (il oublie une troisième partie, les traces de l'histoire de chaque peuple payen, par exemple Hercule, Romulus, Woden). À ce propos il dit en principe:
Il n'y a rien de contradictoire dans la notion d'une révélation qui arriverait sans la preuve qu'elle en est une ... mais il n'en va pas de même du christianisme.
sauf le judaïsme dont il est la continuation :
Newman parle de l'Ancienne Alliance, le judaïsme talmudique était mal connu en Angleterre à cette époque, on regardait les Juifs avec estime comme ayant la moitié de la révélation, car, comme en France anant l'an mil, on ne connaissait qu'imparfaitement les Juifs.
En mars 1845 fut ou dût être pour la première fois ratifiée l'élection par scrutin municipale des Juifs en Angleterre. Et c'est le 6 octobre cette année que Newman date à Littlemore le préface de l'essai, de sa première édition.
Pourtant, il parle de la date du Mischna et des deux Talmud. Mais il suppose que là il y a une silence quasi totale sur le christianisme. Là, je crois qu'il méconnait le judaïsme.
Les Photiens aussi, ils les connaît très mal, car quand il parle de "toutes les confessions chrétiennes sauf le catholicisme romain" il dit des choses qui sont parfaitement à propos du protestantisme mais qui seraient en partie une bêtise sur les Orthodoxes, sur ceux qui tiennent Photius pour un saint et Cérulaire pour ayant eu au moins raison. Par exemple, eux comme les catholiques ont des moines avec une ascèse qui rappelle St Jean-Baptiste ou St Paul. Eux aussi font la prétention d'avoir un magistère héritier de l'ensemble du collège des apôtres.
développements - à savoir légitimes :
Une République n'est pas le développement de la doctrine du droit divin des Rois, mais une démocratie à l'Ancienne Grèce, à l'athénienne pouvait aboutir à des "tyrans" sans cesser d'être démocraties. Un développement légitime de contredit pas ce qui est déjà clairement là dans une idée quelconque, divine ou juste humaine.
Le mot développement se dit à la fois pour le processus et pour son résultat (que l'implication devient explicite) et ce n'est pas sur le processus que se penche le plus Newman, sauf pour, de temps en temps affirmer que les dogmes acceptés par les anglicains sont autant processuels en rétrospective que ceux qu'ils rejettent du système catholique - donc ce qui est développement dans le sens "impliqué" peut déjà, sans subir un processus réel après, être explicite au début, quoique pas pour tous le monde.
Chaque développement est d'un ordre parmi cinq, et pour chaque ordre Newman donne une parallèle des choses profanes. Voici les appliqués au dogme de l'Incarnation, qui a pour développement ...
...d'ordre politique | l'épiscopat comme défini par St Ignace |
...d'ordre logique | le mot "Théotokos" appliqué à la Mère de Dieu Incarné |
...d'ordre historique | la définition de la date de cet évenément, donc le 25 décembre |
...d'ordre moral | la sainte Eucharistie |
...d'ordre métaphysique enfin | le Symbole de St Athanase |
Et pour mieux définir sa distinction entre l'ordre logique et l'ordre métaphysique, je vais reviser un peu la première section de l'essai, d'où vient cette dernière élucidation, qui en est un résumé.
Finalement : accrédités comme tels.
Le passage suivant - II:6, pp. 112 s. - est les discussions qui le suivent sont tous sur l'infaillibilité de l'Église. D'où le constat, il ne l'attaque nullement.
Le passage cité en haut est de II:5, p. 112, première élucidation est de la page avant, même partie, la deuxième vient en partie de II:4 p. 73, note 2, en partie de la préface, et la troisième est comme dit un abrégé du préface.
La première catégorie des développements - qui pouvait concerner le christianisme, car il élimine d'abord d'autres ordres de développements d'idées qui sont étrangers à notre matière - était donc d'ordre politique :
Lorsque les idées en travail concernent la société, avec ses classes et intérêts divers, le développement peut être appelé politique: ce que nous voyons dans la croissance des États et les changements de constitutions.
Donc, à supposer que l'épiscopat ne remontât pas audelà de St Ignace, il serait quand même un développement légitime par nécessité politique dans l'église. Notons que quand il écrit ces mots, il est juste en train de convertir de la communauté anglicane qui ne reconnaissait pas l'origine parfaitement apostolique de l'épiscopat.
La deuxième est le développement logique:
C'est le cas de la doctrine anglicane de la suprématie royale ... dans un certain ordre du Livre de Prières, où l'Église universelle, abstraite, précède le Roi, tandis que l'Église nationale, réellement existente, ne vient qu'après lui; le nom du Roi est imprimé en grandes capitales, alors que les Très Saints Noms sont en charactères ordinaires; et ses armes, dans les églises, remplacent le crucifixe; et ce qui est le comble, peut-être, les "séditions, conspirations privées, rébellions" passent, dans la Litanie, avant les "fausses doctrines, l'hérésie et le schisme".
Parions que ces développements là de cette idée là lui paraissait moins légitime que "Théotokos" comme développement logique de l'Incarnation. Raison pour laquelle, entre autres, il quittait l'église fondée sur suprématie royale pour celle fondée sur suprématie pétrine.
Le troisème genre de développement qu'il reconnait est celui qu'il appelle historique:
L'histoire ne peut être écrite qu'avec un certain recul. C'est ainsi que le Canon du Nouveau Testament n'a été fixé qu'à la suite d'un développement.
Notons, il parle du Canon, c'est à dire de la Sélection de livres. Il ne prétend nullement comme certains d'autres que les livres eux-mêmes reposassent sur une origine post-apostolique car nécessitant un développement historique. Le recul nécessaire pour écrire un évangile est là quand Jésus est résuscité et ascendu au Ciel, voir quand il a envoyé le Saint Esprit à Pentécôte. Et selon la Tradition, qu'il n'attaque pas du tout, le premier évangile est celui de St Matthieu que certains disent écrit déjà en l'an 34, un an après ces événements.
La quatrième famille des développements sont ceux qu'il appelle éthiques:
L'évêque Butler nous en fournit un remarcable example au début de la seconde partie de son Analogie. De même qu'une théorie donne lieu à des applications, que des propositions générales incluent les particulières, de même, nous dit-il, certaines rélations impliquent des devoirs correspondants, et certains objets appellent certains actes ou sentiments. Il observe que même s'il ne nous était pas ordonné de rendre les honneurs divins à la deuxième et à la troisième personnes de la Sainte Trinité, ce que l'on trouve affirmé d'elles dans l'Écriture serait une garantie suffisante, un ordre indirect, voir une raison logique de la faire.
Il parle aussi du développement inverse:
Si certains objets font naître des émotions et des sentiments, les sentiments à leur tour peuvent impliquer des objets et des devoirs. C'est ainsi que la conscience, dont nous ne pouvons pas nier l'existecne, est une preuve de la croyance en un Maître de l'ordre moral, qui seul peut lui donner sa signification et son but; autrement dit, la croyance en un Juge et un jugement à venir constitue un développement de phénomène de la conscience morale.
Là, il parle du prosélytisme comme développement naturel d'une quelconque conviction d'ordre religieux ou moral.
Il nous reste à parler de ce que j'appellerais, si le mot n'avait été employé de façons si vagues et si diverses, des développements métaphysiques; j'entands par là ceux qui sont une simple analyse de l'idée en cause, et se bornent à la définir de manière exacte et complète.
Donc, le Symbole de St Athanase n'est pas un "développement d'ordre métaphysique" parce qu'il contient des propos métaphysiques absentes d'un christianisme plus prmitif, mais plutôt parce qu'il l'est de l'idée de l'Incarnation, dont il se borne à énumérer exactement et complètement les aspects qui la rendent cohérente devant le sujet humain.
"Le même auteur observe qu'un premier accomplissement d'une prophétie n'est pas une objection valable contre un second, lorsque se produit ce qui paraît être un second."
Quel et donc "l'auteur" dont parle Newman à travers l'œuvre? Butler.
J. Butler, 1692-1752: The Analogy of Religion natural and revealed to the Constitution and Course of Nature, 1736. Ça c'était pour ainsi dire sa propre apologie pour sa conversion du présbytérianisme calviniste à l'anglicanisme - devant la famille et tardivement. Deux ans plus tard, il devint "évêque de Bristol" et fut transféré à Durham. C'est souvent du section ou livre II, que Newman le cite et ici c'est II, 7.
"Le sens étroit, lui, se fonde sur le contexte et les règles de la grammaire. Tandis qu'un commentateur critique prétend qu'on n'a pas à demander au texte sacré plus que n'exprime sa lettre, ceux qui adoptent une vue plus profonde soutiennent, comme Butler dans la cas de la prophétie, que nous n'avons pas qualité pour limiter le sens des mots qui ne sont pas humains mais divins."
Goutons un peu les mots: nous n'avons pas qualité pour limiter le sens des mots qui ne sont pas humains mais divins.
Les modernistes ont parfois eu l'outrecuidance de prétendre que les orthodoxes pèchent là-dessus, qu'en admettant un sens précis, ils "limitent" le sens des mots.
Non, Newman ne plaide pas pour un minimalisme qui ne soit même pas obligé de prendre en compte le contexte et les règles de la grammaire pour un texte. Il plaide pour un maximalisme. Il ne plaide pas - prenons un exemple moderne, mais probable - pour reduire la Genèse chapitre 1 des six jours à une affirmation générale que c'est Dieu qui crée le monde, il plaide pour la possibilité de lire des choses sur le Verbe de Dieu de l'emploi que fait le texte des mot "et Dieu dit ... et il fit ainsi". Ce que les Juifs et les Ariens trouveraient biensûr sans fondément dans le sens stricte du texte.
C. S. Lewis aimait de dire que si tel ou tel parole de l'Écriture peut bien vouloir dire plus que telle ou telle chose, il ne veut certainement pas dire moins que cette chose. Le feu qui brûle dans l'éternité peut être plus qu'un feu matériel, mais certainement pas moins angoissant, certainement pas un remords de la consciance qu'on soit libre à ignorer pour penser à des choses plus agréables. La gloire peut être elle est même plus que de se balader sur les rues d'or, elle n'est certes pas juste une existence phantomale sans résurrection de la chair. Et ainsi de suite. Lui aussi aimait lire un Butler, mais là c'était peut-être plutôt Samuel Butler.
Autre auteur cité, quoique moins souvent, juste au début par Newman: Guizot. Le contexte est tel que je trouve probable que Newman aurait applaudi pas mal des choses dites par Fustel de Coulanges ou Charles Maurras à propos l'histoire de l'Antiquité ou de la France médiévale.
Ce que Newman aurait pensé - ou pensait effectivement - sur les modernistes?
"C'est le même esprit ergoteur et jaloux qui refuse d'étendre la signification du texte sacré quand il s'agit de l'accomplissemnt de la prophétie, et qui s'occupera à pointiller sur les témoignages anténicéens quand il s'agit des doctrines et usages qui datent de Nicée ou du moyen-âge."
Les citations qui suivent sont très clairs, Newman n'était pas moderniste. Je viens de citer chapitre III, 6 et 7, les pages 142 et s.
En histoire, John Henry Newman part du principe que la confirmation documentaire même partielle de l'ensemble des dogmes catholiques en confirme la totalité.
Notons, ceci est possible en histoire des dogmes - ou des autres idées. Telle ou telle idée morale ou religiuese va tellement mieux avec telle qu'avec telle autre. Une fois qu'on sait que Dollfuss était Catholique fidèle, d'un pays dominé jusqu'à récemment par des tels, on sait aussi que l'euthanasie et l'eugénisme lui étaient impossibles et dégoûtants et autants de raisons pour opposer un Anschluss à Hitler. Une fois qu'on sait que les Protestants du XVIesiècle regardaient la Messe comme idôlatrie, on sait aussi qu'ils n'étaient pas tous pour la Présence réelle et qu'ils n'étaient pas du tout pour le magistère de Rome. Et ainsi de suite.
Il n'en va pas de même dans les sciences naturelles pour les systèmes modernes. Confirmer la parallaxe prédite par l'héliocentrisme n'est pas confirmer celui-ci à moins d'exclure rigoreusement qu'une autre théorie en pourrait tenir compte. Mesurer le taux très bas de C14 n'est pas confirmer un âge d'avant la Création. Là, sur la nature, qui elle ne parle pas, il convient d'être pointilleux avant d'affirmer une seule proposition audelà des réalités apparentes. On sait ce qui se tient bien ensemble dans la tête d'une personne, mais on ne sait pas ce qui se tient bien ensemble dans la nature - avant de l'affirmer par l'expérience.
Newman lui-même commente Bacon comme renvoyant, dans les sciences à la seule expérience sensible - qui est loin de constituer les systèmes modernes. Nous n'avons aucune expérience sensible de la Voie lactée comme vue du dehors.
Il n'a donc pas pris la relève créationniste, puisqu'il avait d'autres choses à faire. Mais s'il s'était interessé de la question il aurait vu combien y repose sur autres choses que l'expérience.
Pourtant, cette dernière chose reste ma conviction pieuse, mais les autres aspects de son non-modernisme, je les ai vus démontrés dans le texte lui-même qui a été allégué comme preuve de son modernisme.
Hans-Georg Lundahl
Bpi, Georges Pompidou
II Dim. après Épiphanie
20-I-2013
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