Friday, February 3, 2012

Une Certaine Honnêteté chez Laplace

Ce message fait partie de la série création vs évolutionnisme, clicquer ici pour voir les autres

 La série:Une Certaine Honnêteté chez Laplace
Un certain manque de logique chez Laplace
Une Certaine Adulation de Laplace - Chez Nous.
Newton et Lemaître devant St Thomas d'Aquin
Pour Expliciter, à propos de Newton/Lemaître
Quelle physique voulons-nous?
Quand l'Élite Change les Idées
Avec la Sonde sur Mars, on Croit l'Héliocentrisme, Non? (Et les Pieds-Noirs de l'Applaudir)
L'essai qui nous concerne: 
 
Pape Urbain VIII "héliocentrique lui-même"? Non, mais à part ça admirateur de Galilée
http://hglundahlsblog.blogspot.com/2010/08/pape-urbain-viii-heliocentrique-lui.html

"Les moteurs des corps célestes"
http://hglundahlsblog.blogspot.com/2010/09/les-moteurs-des-corps-celestes.html


En deux écrits de la pleine maturité, il ajoute que la différence entre l'opinion affirmative et la négative est peu importante, du moment qu'on admet comme certain que les corps célestes sont mus par des êtres spirituels: d'autre part, s'ils sont vivants, ils n'ont certainement pas la vie végétative ni sensitive, mais uniquement la vie intellective. Trop tard pour l'insérer dans notre texte, nous découvrons un passage des Sentences (œuvre de jeunesse) où S. Thomas rejette l'opinion affirmative comme étant "une erreur des philosophes" et où il ne manifeste personnellement aucun doute:


et les trois passages sont donc De spir. cr., 6, c. ; Ia, 70, 3, c. ; II Sent., 8, 1, c.

Des condemantions de l'évêque parisien Étienne Tempier:
http://petitlien.fr/tempier

Errores de celo et stellis
http://enfrancaissurantimodernism.blogspot.com/2012/01/capitulum-xii.html


[prop condamn.](92). Quod corpora celestia mouentur a principio intrinseco*, quod est anima ; et quod mouentur per animam et per uirtutem appetitiuam, sicut animal. Sicut enim animal appetens mouetur, ita et celum.**


De mes deux notes, la première avait inversé les étapes intellectuels de la vie de St Thomas, mais la deuxième ne se trompe pas sur la nature exacte de la proposition condamnée:

**Appetens enim deum qui tunc esset primus mouens solum inquantum summum bonum desideratum et non actiue, quod falsum est.


Et déjà ma première note n'a pas trahi ce qui était licite à croire:

*Hec fuit prima positio aquinatis, set emendauit credendo, sicut restat licitum intelligentia mouens esse principium extrinsecum habens orbes ut instrumenta, non ut organa.


Errores de intellectu siue anima
http://enfrancaissurantimodernism.blogspot.com/2012/01/capitulum-viii.html


[Prop. Condamn.](13). Quod ex sensitiuo et intellectiuo in homine non fit unum per essentiam, nisi sicut ex intelligentia et orbe, hoc est unum per operationem.***


et:

*** Vide distinctionem: intelligentia uel angelus et orbis forsitan fiunt unum per operationem, sicut nauta et nauis, set certe non ut forma et materia, ut actus uiuus uiui corporis, set aliter est de unitate hominis, quia anima et corpus humanum sunt unum precise ut actus uiui corporis et hoc corpus uiuum, et certe non solum per operationem sicut nauta et nauis. Anima sensitiua per uoluntatem uel nutum appetiti regit membra motu mobiles quoad motum set non ita regit neque distat a membris uitales, set uegetatiue est eorum actus. Et hec anima est sensitiua sicut et uegetatiua et quidem etiam intellectiua in homine, set anime animalium irrationalium, id est sine intellectu, sunt et sensitiue neque autem intellectiue. Intellectus ergo non est aliud quiddam quam anima, quamuis sit inter eos distinctio rationum nominandi.


De Laplace, je n'ai pas retrouvé la Mécanique Céleste, dont je voulais remettre un peu la logique causale de l'explication en question.

Par contre, je viens de trouver Exposition du Système du Monde. Comme exposé, il est mil fois plus honnête que les manuels modernes. Pourquoi?

Parce qu'il consacre tout un livre entier à l'astronomie de l'observation, autrement dit: à l'astronomie géocentrique.

Notons, il appelle ce livre Des Mouvemens Apparens des Corps Célestes comme jugeant lui-même que cette astronomie là n'est qu'une apparence. Mais il donne cette astronomie là. Le mouvement diurne du ciel, les mouvemens du soleil, du temps et sa mesure, la lune, voilà déjà quatre chapitres sur 16. Il y aura des choses à ajouter ou à rajuster sans doute, d'après les découvertes plus récentes ou parce qu'il y a des choses parmi les livres suivants (II-Iv, car V est son histoire de l'astronomie, un peu brève, je n'y trouve pas Tychon Brahé et trop peu sur Bradley) qui sont en partie basées sur les observations géocentriques, bien qu'il les réinterprète dans un contexte héliocentrique/acentrique.

Autre grande honnêteté de cet auteur, il a la vertu d'argumenter pour son erreur, pour qu'on puisse voire où il se soit trompé exactement.

Livre II commence avec les deux chapitres Du mouvement de rotation de la Terre et Du mouvement de la Terre, autour du Soleil. En chacun il donne ses raisons pour y croire.

En réfléchissant sur le mouvement diurne auquel tous les corps célestes sont asujettis ; on reconnait évidemment l'existence d'une cause générale qui les entraîne ou les paraît entraîner autour de l'axe du monde.


On serait tentés de lui couper ici la parole, avec St Thomas: et hunc moventem primum omnes vocant deum. Car c'est de ceci qu'il s'agit. La différence entre St Thomas et Laplace. Mais laissons la parole encore à ce dernier:

Si l'on considère que ces corps sont isolés entre eux, et placés loin de la terre, à des distances très différentes ...


Il ne parle pas des distances différentes des étoiles comme quelque chose de prouvé! Uniquement des corps dedans ce qu'on appelle communément le système solaire!

... que le soleil et les étoiles en sont beaucoup plus éloignés que la lune, et que les variations des diamètres apparens des planètes, indiquent des grands changemens dans leurs distances ...


De la terre.

... enfin que les comètes traversent librement le ciel dans tous les sens ; il sera très difficile de concevoir qu'une même cause imprime à tous ces corps, un mouvement commun de rotation.


Pas difficile du tout. Faut juste que le primus motor qui le fait soit aussi un très bon et sage gouverneur de l'univers.

Par contre, Laplace semble s'être imposé une méthodologie athée, peut-être parce qu'il était effectivement un athée. Est-ce que ça lui a coûté quelque chose? Oui.

Mais les astres se présentant à nous de la même manière, soit que le ciel les entraine autour de le terre supposée immobile, soit que la terre tourne en sens contraire, sur elle-même ...


Cette équivalence fut déjà notée par un évêque de Lisieux, à l'époque où il était encore à Paris: Nicole d'Oresme.

...il paraît beaucoup plus naturel d'admettre ce dernier mouvement, et de regarder celui du ciel comme une apparence.


Telle n'était pas la préférence de Nicole d'Oresme. Précisement pas comme de quoi quelque chose paraît plus ou moins naturel d'admettre. Encore, Nicole d'Oresme, en bon catholique, ne s'était pas imposé la méthologie athée.

En avant vers le chapitre 2 du livre II.

Maintenant, puisque la révolution diurne du ciel n'est qu'une illusion produite par la rotation de la terre ; il est naturel de penser que la révolution annuelle du soleil emportant avec lui toutes les planètes ...


... un point que déjà le géocentrisme (son premier livre - ou Tychon Brahé) admet, sans admettre pourtant que la terre soit une planète ...

... n'est pareillement qu'une illusion due au mouvement de translation de la terre autour du soleil.


Ici il utilise le mot illusion. Par "pareillement" il fait allusion à sa conclusion à propos la rotation diurne, ou celui du ciel n'est pas dit "illusion" mais "une apparence", ce qui revient au même, s'il sousentend (comme il vient de le confirmer) "une pure apparence". Il admet donc, le géocentrisme peut être inexplicable sans Dieu, mais ne demande pas l'illusion, tandis que son héliocentrisme ne demande pas Dieu, mais devient inexplicable sans l'illusion. Raison pourquoi des chrétiens sans a priori en faveur de l'héliocentrisme tel Nicole d'Oresme, ont préféré le géocentrisme et le théisme.

Ici se vérifie un clivage des esprits: pour un chrétien parfaitement traditionnel, tout le vu demeure crédible, à moins d'être, à des occasions très exceptionnels, une illusion diabolique. Qu'il s'agisse de la Mer Rouge partie en deux ou du Ciel ouvert sur le Jourdain, qu'il s'agisse d'Hélie et d'Hénoch élévés, comme leur Seigneur devant les Onze vers le haut, ou qu'il s'agisse de la terre immobile et du ciel qui bouge, c'est crédible. L'athée est beaucoup plus généreux avec l'attribution à l'illusion, qu'il s'agisse de sa théorie (car Laplace était athée) héliocentrique, ou qu'il s'agisse d'un miracle. On ne peut don pas, en restant raisonnable, croire tout ce qu'on voit et en même temps uniquement ce qu'on voit: celui qui croit tout à très peu près, doit croire d'avantage. Celui qui ne croit que ce qu'il voit, doit croire encore moins de ce qu'il voit. Comme aussi la Bible: celui qui croit tout doit, par le biais de la tradition apostolique et de l'indéfectibilité en croire encore plus, des dogmes traditionnels pas si directement attestés dans la Bible, tandis que celui qui ne croit que la Bible en arrive à ne même pas croire toute la Bible: ce n'est pas un hazard, si un calviniste du 17ème S. devient le père des sans-miracle et le grandpère des sans-Dieu. Ce n'est pas un hazard si un pentécôtiste contemporain est plus prône à convertir au catholicisme ou à l'orthodoxie.

Hans-Georg Lundahl
Georges Pompidou/BpI
en Beaubourg de Paris
le jour de St Blaise
l'An du Seigneur 2012