Saturday, August 22, 2015

Joseph de Maistre, est-il une source fiable sur l'affaire Galilée?

Il y a des traditionalistes qui l'affirment, puisque "Bibliothèque de combat" cite un passage de lui comme un message blog (un des cinq portant le libellé Galilée):

Il est inconcevable de parler encore de l’affaire Galilée
Publié le 9 septembre 2013 par bibliothequedecombat
https://bibliothequedecombat.wordpress.com/2013/09/09/il-est-inconcevable-de-parler-encore-de-laffaire-galilee/


Le message ou l'article n'est pas une production originelle de ce blog avec ses blogueurs ou son blogueur, il est cité d'après lui, car attribué "Joseph de Maistre – Examen de la philosophie de Bacon (posthume – vers 1830)".

Or, contrairement peut-être à Rousseau, Joseph de Maistre était un franc-maçon. De Rousseau, je n'ai aucune indication, sauf qu'il visitait la loge, de Joseph de Maistre on sait qu'il était dans la loge.

Je cite pour ma part la wiki:

Joseph de Maistre était membre du souverain Sénat de Savoie, avant d'émigrer en 1792 quand les forces armées françaises occupent la Savoie. Il passe ensuite quelques années en Russie, avant de retourner à Turin. Il est l'un des pères de la philosophie contre-révolutionnaire, membre éminent de la Franc-maçonnerie, et incliné vers l'ésotérisme.


S'il était Franc-maçon, s'il était incliné vers l'ésotérisme, alors, on peut de ça déduire qu'il était partiel pour l'héliocentrisme.

S'il ne partageait pas les idées de la loge sur la quasi-sainteté de Galilée, néanmoins il considère qu'il avait, ne fût-ce que par coïncidence, raison d'être héliocentrique. Il considère donc que l'inquisition avait tort.

il y a deux cents millions de catholiques sur la terre, vivant sous une foule de souverainetés différentes : comment se trouvèrent-ils gênés tous à la fois et pour toujours par le décret d’un tribunal séant dans les murs de Rome ?


Bon, les par exemples index librorum prohibitorum ou syllabus errorum étaient aussi prononcés par décret d'un tribunal séant dans les murs de Rome : celui du Pape et celui de l'Inquisition.

Tiraboschi a démontré, dans trois dissertations intéressantes, que les Souverains Pontifes, loin de retarder la connaissance du véritable système du monde, l’avaient, au contraire, grandement avancée, et que, pendant deux siècles entiers, trois Papes et trois Cardinaux avaient successivement soutenu, encouragé, récompensé, et Copernic lui-même et les différents astronomes précurseurs plus ou moins heureux de ce grand homme ; en sorte que c’est en grande partie à l’Eglise romaine que l’on doit la véritable connaissance du système du monde.


Tiraboschi peut-être, Joseph de Maistre certes ici-même, oublie de dire que Copernic n'avait pas prétendu à davantage qu'une hypothèse, sans que de réclamer la vérité pour cette hypothèse. Il oublie aussi de dire que c'est tard que Copernic ose la publier. Quand les Papes le soutenaient, il n'avait pas encore prononcé cette thèse.

Quant aux "différents astronomes précurseurs plus ou moins heureux de ce grand homme", il n'est pas douteux qu'il parle entre autres des "précurseurs" qui soit envisageaient l'héliocentrisme sans y tenir (comme Nicole Oresme), soit peut-être aussi l'étaient plutôt de Tychon Brahé (pas d'exemples que je pourrais directement citer).

Mais soutenir un homme n'est pas la même chose que de partager ou même tolérer entre Catholiques son opinion.

On se plaint de la persécution que souffrit Galilée pour avoir soutenu le mouvement de la terre, et l’on ne veut pas se rappeler ... que, dans l’année même qui vit la condamnation de Galilée, la cour de Rome n’oublia rien pour amener dans l’université de Bologne ce fameux Kepler, qui non seulement avait embrassé l’opinion de Galilée sur le mouvement de la terre, mais qui prêtait de plus un poids immense à cette opinion par l’autorité de ses immortelles découvertes, complément à jamais fameux de la démonstration du système copernicien.


Peut-être fut-il alors invité comme possible soutien à la cause de Galilée. Ensuite, Kepler étant un Luthérien, mais pas engagé en théologie, il n'avait rien à craindre des autorités romaines, pas non plus que le possiblement crypto-arien Anglicain ou Puritain Milton, qui visita Galilée "en prison de l'Inquisition" (chez lui-même, mais interdit de sortir) - chose qui contribuait à le héroïser en Angleterre : un hérétique étranger qui ne fait pas de bruit théologique n'était pas persécutable en pratique. Les thèses de Kepler reposent - comme on peut vérifier chez Riccioli - entre autres sur la théorie que les astres dits planètes sont mus par des forces naturelles, comme le magnétisme (la gravitation newtonienne n'était pas encore à la mode ou même pensée par un homme), tandis que la position traditionnelle à Rome (voir encore Riccioli) était au contraire qu'ils sont mus par des anges.

Aux temps de Joseph de Maistre, la Maçonnerie avait à travers les Lumières (citons Voltaire qui soutenait Newton contre Descartes) fait oublier cette théorie assez commune des anges qui meuvent les astres. Comment ça, assez commune? Selon Riccioli elle était partagée par pas mal de gens dont je ne sais rien, mais parmi ceux qu'il cite et dont je connais qqc, pour St Thomas je peux vérifier, pour Nicole de Cuse, je ne peux pas nier. Et le Franc-maçon qu'était de Maistre n'avait pas intérêt de changer les choses dessus, ni de baser la lutte pro-catholique (car il y a dans la loge au moins eu des pro-catholiques) sur un regain du géocentrisme. En plus, il avait peut-être cru opportun de promouvoir la décision de Pie VII - ou de l’exagérer quant à sa portée.

Ni les soutiens à Copernic et prédécesseurs, ni la décision de Pie VII, n'étaient des décisions directement doctrinales. La décision en 1633 l'était. Elle portait sur ce qu'on peut ou ne peut pas croire comme Catholique. Celle de Pie VII uniquement sur ce qu'on peut lire.

On aurait pu dire que la décision de 1633 n'était pas papale si les choses étaient restées à Rome, mais après procès le Pape lui-même décida d'envoyer le verdict à toute université du monde catholique. Donc aussi aux évêques qui en étaient les protecteurs.

Quant à celle de de 1820 elle était autant papale et autant peu papale que celle de 1633, car le pape avait approuvé mais pas siégé, et en même temps, elle ne portait que sur le contenu des livres, laissant quasi deviner sans jamais directement affirmer que c'était devenu licite de croire l'héliocentrisme.

Même chose semble s'imposer quant à celle de 1757, quoique là je n'ai pas lu les détailles même par intermédiaire d'une étude moderne.

Anfossi qui perd le cas en 1820 et en 1822, n'est pas censé devenir héliocentrique : donc, on ne peut pas dire que le géocentrisme soit devenu illicite. Il ne l'est encore pas. Alors, on ne peut pas non plus taxer d'hérésie ceux qui soutiennent qu'elle demeure en légalité légitime, sinon en légalité appliquée, la position de l'église. Et c'est ceci qui Joseph de Maistre veut obfusquer, en faveur moins de l'Église devant ses critiques en effets (qu'elle que soit son intention intime) qu'en faveur de l'héliocentrisme devant l'Église.

Non, il n'est pas fiable. Pas sur l'affaire Galilée, ni sur l'astronomie, Joseph de Maistre.

Hans Georg Lundahl
St Ouen, Persépolis
Octave de l'Assomption
et fête du Cœur Immaculé de la BVM
22-VIII-2015

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