1) Répliques Assorties : ... contre la "Babel-Bibel-Theorie" ; 2) Φιλολoγικά/Philologica : Marc Sevin est Bibliste ... et ça sert à quoi, justement? ; 3) Francis Lapierre divague sur la critique textuelle
Tout d'abord, il m'est encore une fois arrivé qu'on prie pour que je sois confronté à un argument parce qu'on trouve trop pénible de me le dire ou de me l'écrire sur internet. C'est très asocial comme attitude. Hier sur la brocante d'une paroisse, je viens de trouver Marc Sevin, son bouquin La Bible dit-elle la vérité? Quelle vérité? Intellectuellement j'ai exactement la même satisfaction de pourfendre ses bêtises de ce livre après l'avoir trouvé par hazard comme si j'avais eu une réponse qui m'avertissait verbalement de ce bouquin ou de ces positions. Mais socialement, c'est atroce de couper ainsi mes rencontres humains de mes réponses intellectuelles. Ceci dit, j'ai lu parti de ce bouquin, et suffisemment pour savoir qu'il donne des opinions que son expertise comme Bibliste ne cautionne nullement.
Mais s'il est Bibliste, c'est quand même une expertise? Ça sert quand même à quelque chose? Oui, effectivement. Un Bibliste est un Philologue de la Bible, des Saintes Écritures de l'Ancienne et de la Nouvelle Alliance. Et il y a des choses sur lesquelles un philologue nous pourrait renseigner, précisement comme philologue.
Si quelqu'un prétend que la Version Crampon ait été trouvé écrite par aiguille d'os sur de la peau d'ours, côté non chevelu, dans les grottes des Eyzies de Tayac, ainsi prouvant que l'homme Cro-Magnon parlait déjà français et qu'il était déjà chrétien, alors Marc Sevin a une expertise apte à nous enseigner quelque chose de plus vraie. Pareillement si quelqu'un prétendrait que dans la suite du succès de Shakespear et de Malory un romancier anglais aurait écrit King James Version, de laquelle on aurait de la suite fondé les divers dénominations chrétiennes, à commencer avec l'anglicanisme, et que la foi litérale dans ce roman serait un malentendu récent et américain, alors aussi Marc Sevin nous pourrait corriger.
S'il dit que tel manuscrit grec abrégeait la désinence -os, la désinence de par exemple nominatif singulier masculin ou féminin mais non neutre de la deuxième déclinaison, et celle de génitif singulier de la troisième, après consonante, comme un sigma élargi en spirale qui contient un tout petit omicron à son intérieur, alors je le lui crois. S'il dit que l'alphabet syrien dans lequel est écrite la version Peschitta a deux lettres, proches l'un de l'autre, et que dans telle tradition de manuscrit ceci ait causé un changement de glosse, ou même de sens, alors aussi je le lui crois. S'il me dit que tel manuscrit latin du Moyen Âge tardif pour Genèse 2:17 a la menace qu'après de manger le fruit interdit "eadem hora" l'homme mourrait plutôt que le correcte "eodem die", et s'il m'explique que le scribe pensait au fait que le même instant que le péché est commis l'âme meurt spirituellement, alors aussi je le crois. Je viens de rencontrer à travers Kolbe Institute un Théologien de cette époque qui cite le texte avec "eadem hora" après quoi il l'explique ainsi. Connaître les variantes de lecture, les traditions de texte hébreux, grecques (Septante et Hexapla), syriennes (Peschitta), latines (Vetus Latina, Itala, Vulgata), bien avant de connaître les traductions en langue vernaculaire de nos jours, ceci est le métier d'un Bibliste. Et, comme je viens de constater avec les exemples fictifs qu'il corrigerait aisément, d'une Bible déjà présente aux Eyzies ou d'une Bible écrite après Tolkien, ça sert à éliminer des malentendus. Ça sert même parfois à établir un bon texte. Douai Reims et King James, Louis Second et Crampon, et maintenant la célèbre version appelée Bible de Jérusalem, que j'évite le plus souvent à cause des appendices hérétiques qu'on y trouve, mais qu'on pourrait bien utiliser avec quelque caution, tout ça c'est l'œuvre des Biblistes: deux versions catholiques, deux versions protestantes, une version écuménique. Cinq versions faites par Biblistes. Mieux ils sont dans leur érudition, mieux on espère que soit la version.
Mais quand Marc Sevin se prononce sur la véracité de la Bible et conclut pour la non-factualité de cette véracité, non, ceci n'est pas un fruit légitime de son expertise comme Bibliste.
On sait qu'il y a une école de Biblistes qui pose la rédaction des Évangiles après ou très peu avant la destruction de Jérusalem. On sait que Bultmann était de cette opinion. Il y a même eu qui ont vu dans l'évangile de St Jean "une allégorie, un poëme, un roman religieux". Et un philologue qui, lui-même, n'était pas Bibliste mais Angliste, commentait là-dessus:
À peu près: "Après avoir écrit ça de cet Évangile, il n'est pas à prendre au sérieux quand il se prononce sur un livre quiconque que ce soit. Il ne sait vraiement rien sur la litérature. Son problème est qu'il a étudié la Bible et uniquement la Bible pendant toute sa carrière. Il a totaleemnt perdu de vue les données normales de la litérature s'il peut faire un jugément litéraire tellement insensible sur l'évangile de St Jean. Il ne s'agit pas de la véracité ou fausseté de fait dans l'évangile, il s'agit précisement de la forme litéraire. Soit quelqu'un a inventé dans le premier siècle le roman réaliste comme nous la connaissons depuis Daniel Defoe ou Jane Austen, soit il s'agit d'un compte-rendu des faits par un témoin oculaire. Il n'y a aucune raison litéraire dans les formes de litérature connues à l'époque pourquoi Jésus écrirait dans le sable. Et un tas de cas comme ça."
Ceci est soit de Miracles, soit de l'essai Fernseeds and Elephants par C. S. Lewis. Il étudiait et enseignait la Litérature Anglaise depuis l'époque de Chaucer (son ami Tolkien enseignait les vieilles formes de la langue anglaise et la litérature jusqu'à l'époque de Chaucer). Sa thèse s'appelle The Allegory of Love et il savait fort bien quelle est la structure d'une allégorie, ayant étudié Psychomachie et Roman de la Rose et un tas 'd'œuvres comme ça, rien que pour sa thèse.
Dans Fernseeds and Elephants, C. S. Lewis commente aussi sur la date donnée comme environ la destruction de Jérusalem pour les Synoptiques. En ceci, dit-il, Bultmann ne sait pas mieux que nous autres. Bultmann avec son école raisonne que si le texte était de juste après l'an 33 il contiendrait une prédiction miraculeuse, mais les prédictions miraculeuses n'existent pas, donc le texte est plus tardif, d'une époque ou les mots n'étaient plus une prédiction miraculeuse, mais devenus soit une prognose assez probable (au début de la Guerre de Judée) soit une réalité accomplie (après la destruction de la ville et du temple). Et C. S. Lewis commente: si Bultmann a dépensé toute une carrière d'érudion éminente sur la Bible, néanmoins en ceci il dit une chose qui ne dépend nullement de son érudition, mais de son opinion que les prédictions miraculeuses n'existent pas. La même érudition avec une autre philosophie, par exemple une philosophie qui reconnait en principe la possibilité d'une prédiction miraculeuse, aurait conclu autrement.
Et il y a des choses dans son bouquin, que Marc Sevin aussi dit, sans avoir une caution par son érudition de Philologue Bibliste, uniquement en fonction d'une philosophie qui exclut "le merveilleux" de la factualité. Une philosophie qui en ceci est bien incompatible avec le Christianisme.
Je viens déjà de jeter le bouquin dans la poubelle - sans aucune manque de respect envers l'érudition de bibliste qu'il a sans doute, mais qu'il montre autre part et non pas dans ce bouquin, je me dois de contenter de citer ses bêtises dans le genre bultmannien d'après mémoire avant de les commenter.
1) On sait depuis Galilée que la terre tourne autour du soleil, donc Josué n'a pas pu arrêter celui-là, et le récit "relève du merveilleux".
D'abord, je conteste que Galilée ou même ses continuateurs nous aient donné un savoir là-dessus.
Mais ensuite, abstraction faite de ça, un Chrétien même Copernicien ne peut pas accepter la conclusion de Marc Sevin: pour Dieu tout-puissant arrêter la rotation de la terre si c'est celle qui est la rotation diurne, n'est pas plus difficile que d'arrêter et plus tard recommencer la rotation de l'univers autour de la terre, si telle est la rotation diurne.
Dans le procès de 1616 Galilée et St Robert Bellarmin se sont débattus là-dessus. Galilée expliquait qu'à cette occasion c'était la terre qui cessait de tourner autour d'elle-même et reprenait quand Josué le permettait après avoir totalement gagné la battaille (oui, c'est un peu un choc pour les franc-macs que Galilée était Litéraliste comme les Créationnistes Jeune-Terre, mais c'est un fait, quitte à eux de l'expliquer par hypocrisie et de l'excuser par nécessité devant l'Inquisition, moi je ne le dirais pas, je dirais qu'il était sincère en croyant le livre de Josué exacte) - et St Robert Bellarmin de lui répondre: mais alors, comment ça se fait que non seulement le soleil mais aussi la lune se soit arrêtée? C'est pour ça, et non pas pour préserver le recit manifestement merveilleux contre les principes de Marc Sevin ou de ses semblables, que St Robert Bellarmin a conclu que la thèse de Galilée était en opposition formelle avec la Sainte Écriture.
2) Le Déluge global ne serait plus crédible vu qu'aucune trace aurit été trouvé de ce Déluge de Noé?
Ceci est une ignorance crasse de la position des Créationnistes. On peut refuter ou prétendre de refuter ou essayer de refuter une position qu'on connait, mais on ne peut pas prétendre de refuter ce qu'on ne connait pas.
Le créationniste de paille que nous peint indirectement Marc Sevin raisonnerait ainsi: "il y a des sédiments et des fossiles de sédiments qui manifestent les millions d'années que nous disent les évolutionnistes, mais Dieu les y a placés pour mettre notre foi à l'épreuve; aussi il manque de trace du Déluge, mais Dieu a laissé le Déluge sans trace pour mettre notre foi à l'épreuve".
Le créationniste réel, comme je le suis moi-même depuis l'âge de douze raisonne ainsi: "les sédiments et fossiles que les évolutionnistes prennent pour les traces de millions d'années, nous le prenons pour les traces d'un Déluge très immense et une des preuves en est que pas mal de fossiles doivent avoir été couvert très rapidement et très épaissement et non pas un centimètre par dix ans, car autrement il n'y avait pas eu cette préservation".
C'est une position que Marc Sevin pourrait essayer de refuter s'il voulait, ou qu'il pourrait prétendre refuté par des paléontologues s'il voulait, mais ni lui même ni les paléontologues qu'il a consultés (mais il y a peut-être de mieux informés que ça sur le débat) ne connaissent même cette position, ils préfèrent railler sur le Créationniste de Paille. Sur le Créationniste qui n'est que la phantôme de leurs phantasmes sur une position absurde et aisée pour un homme sensé à refuter.
3) Et la position de Marc Sevin que les Évangiles ont été le produit d'une mémoire collectivement organisée et ainsi déformée dans les faits est très sensiblement à peu près identique ou très apparentée à celle des Bultmanniens qui prennent la prédiction de la chute de Jérusalem comme vaticinium ex eventu, c'est à dire, Marc Sevin n'apporte pas une preuve valable devant un Chrétien que c'est ainsi que les choses se soient passées, ni une preuve qui relève de son érudition comme Bibliste (quoique la position pourrait très bien relever d'un préjugé professionnel parmi les Biblistes de nos jours), il donne juste la position des gens qui n'aiment pas que l'Évangile soit un récit exacte des événements, mais qui préfèrent de penser que le récit soit déformé pour en pouvoir éviter certaines conclusions théologiques (ou déjà philosophiques) qui leur déplaisent. Comme l'existence d'un Dieu parfaitement capable de faire le merveilleux.
Hans-Georg Lundahl
Nanterre Université Paris X (BU)
St Victorin et compagnons
Martyrs en Égypte
25-II-2013
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