Friday, March 2, 2012

L'Inquisition Anglaise n'était pas celle de Rome

Parfois quand on parle de l'intolérance, on entend par là la persécution injuste, et ensuite dans ce contexte on parle de l'Inquisition comme un malfait plus ou moins papal. Presque jamais, qu'on cite l'Angleterre. Pourtant, quand les T. de J. publient un article sur John Foxe, faire l'approche devient inévitable.

La ballade Les Neiges Dantan par François Villon contient les lignes:

Et Jehanne la bonne Lorraine
Qu'anglois brulèrent à Rouen


Les Anglais? Mais l'évêque de Beauvais était quand même Français, non? Pas tout à fait comme on pense. Il était dans la partie de France qui était alors occupée par les Anglais et il se considérait sujet légitime du roi d'Angleterre. Est-ce rélévant? Très. [édito: voir ici aussi ma brève correction]Je cite l'article béatement laudateur sur John Foxe:

Comment ces martyrs [lesquels? j'y reviens] ont-ils eu accès à des extrait de la Bible en anglais? Environs 150 and plus tôt, bravant l'opposition de l'Église, John Wycliffe l'a traduite à partir du latin? Il a également formé des prédicateurs itinérants, appelés lollards, qui transportaient avec eux des parties manuscrites des Écritures pour les lire aux gens. Mais le Parlement a voulu mettre un terme à leur activité: en 1401, il a émis une loi donnant aux évêques le pouvoir d'emprisonner, de torturer et de brûler les hérétiques.


Sainte Jehanne d'Arc est brûlée sous jurisdiction anglaise moins de trente ans après cette législation anglaise. Les tourments qu'elle a subi qui l'ont forcée à une confession et rétractation fausse n'étaient donc pas selon les règles romaines pour les inquisiteurs, mais selon les règles anglaises. Merci, Réveillez-Vous!

J'avais avant pendant mes jours parmi les orthodoxes, écrit que les malfaits de la psychiatrie ont leur racine dans des dérives de l'Inquisition Espagnole. J'aurais du dire: dans l'Inquisition Anglaise.

Aussi, quand Cardinal Pole déconseille la persécution de Tyndale et ses compagnons - chose qu'on ne lira peut-être pas très tôt dans les Réveillez-Vous - parce qu'avec la mentalité anglaise ça serait contreproductif, Marie Ière Tudor s'obstine. Pourquoi? Elle voulait renouer avec Rome, non, pourquoi donc ne pas suivre les indications de Rome? Quand Vatican II proclame Dignitatis Humanae, Franco fait le contraire, et aussitôt sont autorisés les Juifs et les Musulman, les Protestants et les Orthodoxes ainsi que des manifestations schismatiques ou sémi-schismatiques ou schismatiques aux yeux de Rome de la piété catholique. J'ai été Palmarien pendant 14 mois (à distance, et je connaissais pas les pires détailles sur les dérives personnelles de Gregorio XVII, j'avais déjà fait un constat décisif pour ma rupture d'avec eux dans le domaine doctrinal quelques vingt sécondes avant d'en découvrir la nouvelle: il est décédé et son successeur - Pedro II, tout un programme - paraît normal et moral dans sa conduite personnelle) et je sais que Franco était plus libéral avec eux que Miviludes avec Les Béatitudes. Tout ça, parce qu'il obéit au Vatican, à propos Dignitatis Humanae.

Pourquoi donc, Marie d'Angleterre n'obéit-elle pas à Cardinal Pole? Pourquoi s'acharne-t-elle contre 300 hommes et femmes protestants? On a spéculé dans des motifs personnels, sa mère était la rejetée dans le divorce d'Henri VIII, mais ça ne suffit pas, si le motif personnel ne trouvait aucun appuis dans les fait ou les lois, ça aurait été caprice et tyrannie? Pourquoi, institutionnellement parlé, s'acharne-t-elle? Parce qu'elle obéit à la loi du Parlement Anglais de 1401.

Bon, revenons: quelle était l'expérience directe qui avait poussée John Foxe à rechercher sur la persécution des hérétiques? Sa femme - il avait rejeté la prêtrise après des études par le fait de ne pas être d'accord avec le célibat selon l'article et ensuite il s'est marié dans la ville même de Shakespear, Stratford on Avon - sa femme Agnes Randall donc lui a raconté l'histoire de madame Smythe et six autres - brûlés selon la loi anglaise par leur évêque, celui de Coventry.

L'arrière-histoire n'est pas sans être instructif: en 1511 74 Lollards apparaissent devant l'évêque, ils abjurent et font pénitence. L'année suivante 9, majoritairement de parmi les pénitents insincères, sont brûlés: Joan Ward qui avait abjuré en la siècle avant, et dont il y a divergences sur la date exacte de l'exécution, 1510, 1511 ou 12 mars 1512, M. Archer, Thomas Bond, M. Hawkins, Robert Hocket/Hachets, Thomas Lansdail, M. Wrigsham, les six brûlés 1519 ou 4 mars 1520, ensuite la veuve allait être déchargée sans suite, mais on découvre dans sa manche en anglais le Notre Père, les Dix Commandements, le crédo Apostolique et pour ça elle est immédiatement saisie et brûlée.

On l'appelle normalement Smith mais le document précise Smith ou Lansdail. Aimante d'un des autres hérétiques, de Thomas Lansdail? Rumeur là-dessus? Ou Smith selon le mariage avec le défunt et Lansdail parent et son nom de jeune fille? Ne le sais-je pas. Par contre, si le fait de posséder ces choses là en anglais était suspect d'hérésie, soit on avait en Angleterre très peu d'instruction catholique, soit on était bien accoutumé à les lire et apprendre en latin, avec les seuls explications en anglais. Donc, ce qu'on raconte en faveur de Tyndale et sa traduction illégale, que sans l'anglais on était coupé de la Bible, est très obviement faux.

Et donc c'est également faux que la Bible de Wycliff était la source pour les traductions anglaises possédées par Madame Smith, comme le prétend Réveillez-Vous. Probablement d'après John Foxe, qui était mieux placé de savoir la vérité et donc plus suspect que les T. de J. de mentir bien à propos. Y a-t-il d'autres indications qu'il l'ait fait? A-t-il eu un mobile? Et sans mentir, a-t-il été mieux posé pour se tromper que d'autres?

Son mariage avec Agnes Randall a lieu en 1547, après l'accès au throne du très jeune Edward VI, mis sous la tutelle desPprotestants du Privy Council. Quelques mois après le mariage il déménage à Londres, il aide à supprimer le culte de la Madone miraculeuse de Ouldsworth - un comportement de sa part qui n'est en rien justifié par la Bible, mais par la théorie purement protestante que le temps des miracles serait fini avec le décès du dernier apôtre. Théorie avec laquelle ils justifient la prétention d'avoir une mission réformatrice de Dieu sans la vérifier avec des miracles. Donc purement une chimère d'intellectuel, pour laquelle il se rend plus ou moins persécuteur, quoique non de manière sanglante. Par contre, selon Mozley, J. F. John Foxe and His Book (Londres, 1940: SPCK), il aurait essayé en vain d'arrêter deux bûchers sous le reigne d'Edward VI. Si c'est vrai, Marie la sanglante - dont il s'enfuit - a continué simplement une tradition légale de l'administration anglaise depuis 1401, ni arrêtée sous Henri VIII, ni sous Edward VI - ce qui n'est pas forcément une bonne raison, mais qui prouve que la mauvaise raison n'était pas du tout romaine. Par contre, de la suite, Foxe va essayer de coller la faute à Rome.

À Londres il aura été le tuteur des enfants et d'un petit-fils de Thomas Howard, 3ème duc de Norfolk, oncle d'à la fois Anne Boleyn et Catherine Howard, deux femmes d'Henri VIII. Après sa première femme. Celui-ci avait dispersé une première Pélérinage de la Grace contre le schisme en 1536, ensuite très brutalement supprimé le prochain en 1537. Mais il était autrement plutôt catholique, étant derrière les Six Articles adoptés par Henri VIII, il avait contribué à exécuter le ministre radicalement Protestant et anticlérical qu'était Cromwell (proche du futur pire dictateur d'Angleterre), ensuite, après l'exécution de sa nièce il fut brèvement discrédité, revenu en grace il essaie de s'ingracier avec les Seymour (proche de Catherine Parr), à suite de quoi il avait été discrédité encore une fois et forcé (dans une procédure de justice anglaise bien séculière, sans Inquisition mais avec de la torture) d'admettre haute trahison et il allait suivre Surrey sur l'échafaud (quel Caliphat d'Iznogoud, Angeleterre sous Henri VIII), mais fut gracié en partie suivant la mort d'Henri VIII. Néanmoins il restait en prison, situation dans laquelle ses enfants étaient confiés à - notre très cher John Foxe. Quand Marie I accède, elle restaure les VI articles et libère Thomas Howard, le père des élèves de celui-ci. Il ne veut pas de leur tuteur, qui est trop protestant pour lui, et le docte quitte bientôt Angleterre. Entretemps, c'est sage, car Marie I applique la loi de 1401 et Tyndale se retrouve sur le bûcher.

C'est en exile qu'il fait la première édition de son livre sur les Lollards Martyrs. Avant d'en raconter avantage faisons une excursion sur la doctrine lollarde.

Précisons, quand on parle de martyrs, ils ne croyaient pas l'eucharistie selon la foi catholique, certains le croyaient comme consubstantiation, notion acceptable selon les Orthodoxes (sauf les plus catholiques), certains étaient sacramentaires, c'est à dire niaient la réalité surnaturelle du Sacrement tout court. Et ils niaient, ce que ne feront pas les Orthodoxes, que ce Sacrement dépend de la Succession Apostolique. Même ceux dont la doctrine sacramentaire n'était pas vers le Huguenot, commettaient des abus. Ça a pu ressembler à des pires dérives de Novus Ordo. Dans ces siècles quand les nations étaient encore les disciples de Notre Seigneur, comme il avait ordonné à ses apôtres de les rendre, ceci donnait une forte indignation. Comme encore 1792 sous les Feuillantes un Huguenot qui refusait de s'agénouillir devant une procession du Saint Sacrement reçut, selon Carlyle, un coup du bout rond de la pique d'un gardien. D'où l'indignation soulevé contre les Lollards.

En plus ils étaient laïcistes en domaine de la propriété de l'église: elle n'aurait pas le droit d'acquérir des possessions temporelles à tître collectif ou parmi le clergé non astreint à pauvreté non plus qu'un franciscain l'aurait à tître personnel. En plus ils étaient très durs envers les franciscains qui comprenaient très bien la distinction qu'ils niaient. Et en plus ils prétendaient que le Parlement aurait le droit de réformer l'église (problématique pour les T de J, non, avec leur opposition à la politique religieuse de Hitler sous la II G. M.?) mais l'église devait se tenir strictement dehors de la politique comme des possessions temporels. Ils abaissaient la dignité des prêtres - contrairement à l'Église Orthodoxe. Ils attaquaient les Messes ou les Aumônes donnés pour tel ou tel défunt - contrairement à l'Église Orthodoxe. Ils rêvent au début d'une société dans laquelle les seuls artisanats sont ceux utiles, comme bâtisseur ou boucher, sans ceux plus raffinés comme orfèvre (explicitement nommé, très controversiel dans une société dans laquelle St Dunstan, un des peu de saints qui a ressuscité un mort - en son cas un payen décédé sans baptême, pour qu'il soit baptisé - est patron précisement des orfèvres) etc. Aussi très contre les coutumes des coupoles en oignon autant que les coutumes des églises Jésuites. L'Église n'étant pas une église pour les seuls parfaits (mais les Lollards disaient qu'elle l'était, contrairement aux Orthodoxes, très comme les erreurs des réformateurs et aussi celles de Baius, Jansenius et Quesnellus - de Bai, Jaansen, Quesnel), il convient que la salle de prière et de la sainte messe ne ressemble ni à une hutte de démuni, ni à un hôpital aseptique.

Si l'Église Russe réformée par Nikon en 1666 et 1667 a pu brûler Avvakoum, pour traditionnalisme liturgique un peu provincial et pour la foi continuée dans la Conception Immaculée de la Sainte Vierge, qu'est-ce qu'ils auraient fait avec quelque chose de vraiment hétérodoxe comme les Lollards? Pourtant, ni l'église de Moscou, ni celle de Rome, mais celle appliquant une loi du Parlement anglais les a brûlés de temps en temps. Comme aussi Sainte Jeanne d'Arc, qui elle n'était pas une Lollarde. Pas du tout. On a dit que les Anglais devaient être mis dehors de la France pour qu'elle ne devienne pas Lollarde, mais on peut ajouter: pour qu'elle ne devienne pas paranoïaque dans la persécution des supposés Lollards qui n'en sont pas.

Il y a une thèse des Lollards qui a pu faire soupçonner à un évêque jugeant par association qu'elle était: la dixième conclusion de 1396 ou 97 disait que toute guerre dans le Nouveau Testament était illicite "sauf par révélation spéciale" - et Sainte Jeanne avait eu une révélation spéciale. Ça prouve qu'elle était Lollarde? Non. Elle n'a jamais déclaré que telle révélation privée était la seule occasion licite de faire la guerre. Mais ça prouve qu'un évêque qui n'avait pas un bon sens de logique et de fines distinctions l'a soupçonné faussement, précisemment parce qu'il n'était pas fort en distinctions, parce qu'il voyait des Lollards où il n'y avait pas.

Je ne sais pas si Sainte Jeanne d'Arc se trouve dans le Livre des Martyrs par Foxe, auquel je reviens, mais je sais que ce livre a été complété dans l'exile, donc en absence géographique des sources anglaises - qui pour la plupart étaient en manuscrits non imprimés, et l'internet n'existait pas encore. À l'époque, Francfort sur la Meine ou Strasbourg ne sont pas des villes idéales pour poursuivre et finir une récherche sur l'histoire anglaise. Ils ne sont peut-être toujours pas idéaux, mais le désavantage est beaucoup pallié déjà par les contacts culturels à travers une imprimérie beaucoup moins chère qu'à l'époque, et encore par l'internet. Même en supposant qu'il était honnête, il n'avait pas les moyens de faire une recherche correcte. Il se trouve dans un milieu protestant où chaque opposition au catholicisme depuis l'an mil, que ça soit du passé ou de lointain, se connaît par rumeurs. Et là il édite en Latin (malgré un apologète de Tyndale donc une langue bien connue à l'époque) une première édition en 212 pages. L'an est 1554.

Au décès de Marie, il prend caution, ensuite il s'ose à retourner, il est pauvrissime, il vit sous le patronage de son ex-élève le 4e Duc de Norfolk, et la nouvelle édition est augmentée en 750 pages in folio (un format plus grand, en plus d'avoir d'avantage de pages). Je ne pense pas qu'on puisse nier qu'il ait fait le scandalisme, tout simplement pour vendre mieux, mais aussi par hargne envers les catholiques (rappelons que sa femme avait une mémoire pieuse des "Martyrs de Coventry" - ceux de 1519 ou 1520). L'édition anglaise - je suis les renseignements de Réveillez-Vous - viendra en 1563 et la prochaine en anglais en 1570. Les pages sont 1800 et ensuite 2300, avec 153 illustrations. L'édition de 2300 pages serait toute aussi fiable que même celle de 212 pages? Quelque part, je ne pense pas. Quoique, les droits-d'auteur n'existant pas, l'auteur va demeurer pauvre - mais sous un patronat fidèle.

Ironiquement en pensant de l'attitude des Lollards envers les arts et de l'attitude qu'il aura lui-même comme Puritain envers les fenêtres des églises en vitrail pigmenté, l'article dit à propos de cette dernière édition:

L'année suivante, l'Église anglicane décrète qu'on placera un exemplaire aux côtés de la Bible dans toutes les cathédrales du pays et dans les foyers des dignitaires anglicans, pour que domestiques et visiteurs puissent en bénéficier. Les églises paroissiales ne tardent pas de suivre ce modèle. Grâce aux illustrations, qui marquent profondement les esprits, même les analphabètes en tirent profit.


Les scènes de la Bible ou de Legenda Aurea, même les analphabètes en tirent profit dans les églises catholiques. Mais le Puritain John Foxe, en tant qu'homme du clergé anglican, va détruire les fenêtres d'églises. Non, ça c'était trop idolâtre pour lui! Un martyr bien connu comme St Sébastien avec une figure sereine serait idolâtrie, si on voit son martyre par les payens romains, mais un martyr inconnu jusqu'au livre de John Foxe, ou même - s'il était anglais, et localement - connu pour des choses peut-être pas si flattantes, illustrer son martyre avec des images qui mettent en valeur la brutalité des bourreaux, tous catholiques, et les moines pires que les soldats, ça ne serait ni idolâtre, ni calomniant envers les catholiques? Les scènes de crucifixion étaient les seuls qui mettaient en avant la brutalité des bourreaux et des spectateurs, et ceux étaient des deux souches ethniques et religieuses bien différentes, dont l'une, non même les deux, parmi les ancêtres des gens qui regardaient ces scènes.

Soyons précis: j'ai mon règlement des comptes à faire. Ma mère et ma soeur ont été maltraitées profondement par la psychiatrie suédoise, des années durant. Elle sont encore maltraités. Ma conversion au catholicisme a été mal vu par famille (sauf ma mère, finalement) et autres entourages, et ceci parce qu'une culture qui glorifie le Parlement d'Angleterre et maudit l'Église de Rome est préjugé. Un préjugé qui, que ça soit en Angleterre ou les États-Unis, en France de Voltaire (avec l'ajout des Huguenots) ou en Suède de pas mal de Voltairiens, est très indetté au livre de John Foxe. Mais ayant fui ce pays, on m'a en plus fait l'objet des malentendus très graves pour mes interêts en me faisant passer pour un idéaliste à la Lollarde ou à la pseudo-franciscaine, en plus de me faire passer pour ayant encore une vocation religieuse. Ça a gâché mes interêts devant les Catholiques Tradis, auxquels j'appartiens le plus étroitement par doctrine. Et pas forcément à la Communauté des Béatitudes par les moeurs, c'était par une conviction qui passait par une certaine vue de l'indéfectibilité de l'Église, et non par similitude absolu des goûts que j'étais Palmarien.

Hans-Georg Lundahl
La Clairière (asso protestante)
le 2 - III - 2012.