Monday, March 11, 2019

Est-ce que Maria Valtorta a vu autre chose?


Les tournevis n'existaient pas, qu'on sache, à l'époque de Notre Seigneur:

42.2 - Jésus travaille à un établi de menuisier. Il est en train de raboter des planches qu'il dresse contre le mur en arrière. Puis il prend une sorte de tabouret serré entre les deux mâchoires d'un étau, le dégage, regarde si le travail est au point, le mesure à l'équerre dans tous les sens. Ensuite il va à la cheminée, prend la marmite, y plonge un bâtonnet ou un pinceau, je ne sais. Je ne vois que la partie qui dépasse et ressemble à un bâtonnet.

Le vêtement de Jésus est couleur noisette foncée. Sa tunique est plutôt courte et les manches sont retroussées au-dessus du coude. Il a, par devant, une sorte de tablier où il se frotte les doigts quand il a touché la marmite. Il est seul. Il travaille activement mais avec calme. Aucun mouvement désordonné, aucune impatience. Il est précis et appliqué à son travail. Il ne s'énerve de rien: ni d'un nœud dans le bois qui ne se laisse pas raboter, ni d'un tournevis (me semble-t-il[1]) qui tombe deux fois de l'établi, ni de la fumée qui doit Lui venir dans les yeux.


http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2001/01-070.htm

Ah, oui : "[1] Effectivement, il ne s’agit pas d’un tournevis qui n’existait pas à l’époque, mais d’une gouge ou d’un bédane."

Selon les enthousiastes de Maria Valtorta.

Bon, la gouge et la bédane étant des ciseaux à bois et ceux-ci existant depuis l'antiquité, si la vision est génuine, ce qui n'est pas à moi d'en juger, il devrait s'agir de ça.

Je viens de vérifier ceci, puisque le jésuite Mich Pacwa vient de dire qu'elle fait utiliser un tournevis à Notre Seigneur à une époque quand cet instrument n'existait pas.

Les vis, dans l'antiquité, on les utilisait pour:

  • élever l'eau de niveau (Archimède, peut-être déjà Sennachérib)
  • éventuellement aussi de mettre de force dans des pressoirs.


Les petits vis en métal qu'on utilise pour attacher des choses, c'est une invention médiévale. Certes, le principe de mécanique derrière a été découvert par Archimède, mais l'application à deux planches de bois ou deux parties d'une armure, cette application est médiévale. Et même médiévale tardive, de 1400 ou encore plus tard.

Donc, si elle avait été sûre que l'outil était un tournevis, alors elle aurait eu tort. Certains ciseaux de bois, on les utiliserait (me semble-t-il) en les tenant en main, pour creuser un trou dans le bois, et l'utilisation pourrait ressembler au retournement d'un vis. On peut aussi les utiliser avec un maillet, dans ce cas, une visionnaire aurait vu la différence de l'application et ne l'aurait pas pris pour un tournevis, malgré la similitude de forme. Les gouges, bédanes et autres ciseaux de bois sont un peu plus épais que les tournevis.

Et si le tournage en bois existait, là aussi la gouge est maniée de manière à ne pas permettre confusion avec un tournevis. Mais, ceci n'est pas pas le seul usage d'un ciseau de bois, et il y a des usages, me semble-t-il, qui auraient permis la confusion.

Ce qui me paraît davantage louche est, que les manches d'une tunique antique étaient "retroussées au-dessus du coude" ... normalement, la tunique romaine avait des manches qui s'arrêtait au-dessus du coude, et la tunique longue des Juifs et des Arabes avait des manches un peu trop épais pour retrousser. Autre détail qui semblait telle à Maria Valtorta mais qui était autre chose? Ou aura-t-elle vu des manches d'une chemise presque moderne (sauf la longueur de tunique) retroussées?

Je ne suis pas convaincu, ni d'un côté, ni d'un autre. Mes connaissances en histoire vestimentaire me laissent plutôt sceptique, mais pourraient être incomplètes.

Mais, Valtorta ou pas Valtorta : il y a des gens qui imaginent l'antiquité classique lumineuse et le Moyen Âge sombre et qui ne savent pas que le moulin a vent, le vis pour attacher des choses, la pompe à piston (meilleur que la "pompe à vis" ou le "vis d'Archimède") sont tous attestés depuis le Moyen âge, après Saint Thomas et non avant la suppression de l'académie de Platon par Justinien, ni avant l'assassinat d'Hypatie.

Hans Georg Lundahl
BU de Nanterre
St Euthymius of Sardis
11.III.2019

Référence pour Mich Pacwa:

IS "THE POEM OF THE MAN-GOD" SIMPLY A BAD NOVEL?
by Father Mitch Pacwa, S.J.
http://www.ewtn.com/library/scriptur/valtorta.txt


Et pour l'histoire du vis:

The Screw | Year of Invention: 235 BC
https://books.google.fr/books?id=0gBwjLTUzEMC&pg=PA6&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false


Du livre

100 Greatest Science Inventions of All Time
De Kendall F. Haven
https://www.amazon.fr/gp/search?index=books&linkCode=qs&keywords=9781591582649


Erratum: des manches qui s'arrêtait au-dessus du coude, doit être des manches qui s'arrêtaient au-dessus du coude

En plus j'ai mis le saint du jour en anglais pour un article en français ... bon, j'ai eu des gens qui m'ont interrompu le sommeil cette nuit. Gardien de sécurité, un homme qui rentre tard./HGL

2 comments:

Patio-né said...

Merci pour cet article qui appelle cependant les précisions suivantes :
1 - Maria Valtorta précise qu'il lui "semble" qu'il s'agit de tournevis. Les outils traditionnels du charpentier existent depuis l'antiquité (voir : http://www.maria-valtorta.org/Memo/Charpentier.htm ). Comme la plupart des personnes, Maria Valtorta ne sait pas ce que signifient exactement les termes de ciseau, bédane, couge, varlope, etc. Elle emploie donc des images tirées du langage courant.
2 - Elle ne décrit que ce qu'elle voit ou entend et non pas des souvenirs de lectures. C'est ainsi qu'elle écrit phonétiquement : Bel Nidrac au lieu de Bet Midrach, ou Sciemanflorasc au lieu de Schem Hammephoras. 99% des lecteurs de ce message auront besoin de recourir à un moteur de recherches pour savoir de quoi il s'agit.
3 - Ces imprécisions ne sont pas volontairement commises pour tromper le lecteur : Maria Valtorta voulait rester anonyme et n'avait donc aucune gloire à retirer de fausses visions.
4 - Quant à la tunique : il ne faut pas oublier qu'on portait DEUX tuniques : une épaisse, sur le dessus et une légère et plus courte sur le dessous. Le récit de Jean 19, 23-24, l'évoque. Maria Valtorta précise qu'il s'agit de la tunique courte (et donc légère).
5 - Il semble logique à tous que, pour travailler manuellement, on devait ôter son lourd vêtement, retrousser ses manches (de la tunique légère) et mettre un tablier : ce que décrit Maria Valtorta.
6 - Plutôt que l'avis du Père Mitch Pacwa contraint d'éditer par lui-même ses ouvrages, il convient de se reporte à l'avis d'un autre jésuite, autrement compétent : le Père Agustin Bea. Il était confesseur de Pie XII, Directeur de l'Institut biblique pontifical et futur cardinal. Il atteste n'avoir trouvé aucune erreur dans les domaines de sa spécialité : exégétique, historique, archéologique et topographique. Il avait donc parfaitement compris la scène et l'intention de Maria Valtorta, narratrice scrupuleuse des visions qu'apprécièrent : Pie XII, Paul VI, Jean-Paul II, Padre Pio, Mère Teresa et d'autres.
Bien cordialement.
François-Michel Debroise
www.maria-valtorta.org

Hans Georg Lundahl said...

Merci pour les précisions.

"Il semble logique à tous que, pour travailler manuellement, on devait ôter son lourd vêtement, retrousser ses manches (de la tunique légère) et mettre un tablier : ce que décrit Maria Valtorta."

Si la tunique légère avait des manches trop courtes pour le besoin de les retrousser?

"l'avis d'un autre jésuite, autrement compétent : le Père Agustin Bea."

Un peu suspect, tout comme Montini ("Paul VI"), Wojtyla ("Jean-Paul II") et Mère Térésa. De modernisme.

Par contre, intéressant qu'il n'ait pas vu d'erreur historique et archéologique dans les manches retroussés. J'aimerais savoir un peu plus sur les tuniques en usage en terres orientales, une tunique romaine (si la tunique légère était telle) n'aurait pas eu besoin de retrousser les manches qui s'arrêtaient déjà au-dessus des coudes.