Thursday, September 12, 2024

L'Italie ne pratiqua pas l'eugénisme national-socialiste (documenté)


Un article :

CAIRN : Construire l’« homme nouveau » : le fascisme et l’eugénique « latine »
Par Francesco Cassata, Traduit de l’italien par Léa Drouet
https://shs.cairn.info/revue-d-histoire-de-la-shoah-2016-1-page-63?lang=fr


Deux extraits :

À la même période, une autre série d’événements contribue à préciser la position italienne en matière d’eugénique et de politique de la population. En décembre 1930, Pie XI, dans l’encyclique Casti Connubii, condamne radicalement le contrôle des naissances, le certificat prénuptial, l’avortement et la stérilisation. Au cours des mois qui suivent, Agostino Gemelli, fondateur et recteur de l’université catholique du Sacré-Cœur de Milan et vice-président de la SIGE, défend et promeut activement les arguments avancés dans l’encyclique papale [17]. Entre mars et octobre 1931, Gemelli, répondant dans les pages de la revue Vita e Pensiero aux accusations de « médiévalisme » lancées par la revue britannique Eugenics Review, exalte la « valeur eugénique incalculable » de la morale sexuelle catholique : la chasteté comme mode de contrôle des naissances ; la tempérance comme rempart contre les méfaits de l’alcoolisme ; le sacrement du mariage comme remède aux risques anti-eugéniques de la consanguinité et des naissances illégitimes [18]. Un an plus tard, en octobre 1932, au congrès des Médecins catholiques de Florence, les principes de l’eugénique catholique sont à nouveau revendiqués non seulement par Gemelli, mais aussi par Francesco Leoncini, professeur de médecine légale à l’université de Florence, et par Giuseppina Pastori, professeur de biologie générale à l’université catholique de Milan [19]. À la fin de ses travaux, le congrès des Médecins catholiques de Florence approuve une résolution sur l’eugénique qui rejette durement la « propagation des normes eugéniques […] qui sont en contradiction avec les lois divines et contraires à la dignité humaine [20] ». Indubitablement, le compromis institutionnel, idéologique et politique entre le régime fasciste et l’Église catholique (consacré en 1929 par la signature des accords de Latran) sera décisif dans l’affirmation, en Italie comme sur la scène internationale, d’une eugénique « latine », nataliste et populationniste.

En septembre 1933, le journal Popolo d’Italia critique ouvertement la législation nazie, à laquelle elle oppose la « méthode » fasciste [56]. Cette fois, la communauté scientifique n’a pas de difficultés à suivre les indications du régime, stigmatisant l’extrémisme eugénique nazi comme « barbare » et « antiscientifique » et opposant l’équilibre « méditerranéen » et « latin » au mysticisme « aryen » des Allemands [57]. À l’occasion de la IIe Réunion européenne pour l’hygiène mentale, en septembre 1933, Sante De Sanctis, éminent représentant de la psychologie expérimentale italienne, juge « catastrophique » la stérilisation coercitive [58]. Le congrès de Rome de la Société de médecine légale approuve les conclusions du rapport de Salvatore Ottolenghi, Stérilisation du délinquant et médecine légale, qui condamne la stérilisation comme contraire à l’esprit du nouveau Code pénal [59].

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