Monday, June 6, 2022

Les ecclésiologies protestantes


Φιλολoγικά/Philologica : Les ecclésiologies protestantes · New blog on the kid : Henri de Fersan et Jean Terrien n'ont pas corrigé

Je ne vais pas entrer dans les ecclésiologies à propos la pastorale, mais à propos la connexion (ou prétendument telle) entre l'église d'une ou autre confession et celle des apôtres.

Amateurisme des réformateurs

Il paraît que Genève cherchait de la connexion avec Byzance. Il y a jusqu'à présent encore des gens qui s'en reclament. Jusqu'à ce que des Byzantins actuels aient à dénoncer la réaction protestante à Cyrille Loucaris. Non, il a juste encouragé la prise de distance vis-à-vis l'ancienne Rome. Il n'a pas abandonné les sept sacraments, la présence réelle, la messe (ou liturgie divine) comme sacrifice du Calvaire présent sous l'acte présente. Mais à Genève, on a cru autrement et ça a été repris à Cantorbéry.

Genève n'a pas juste idéalisé mais aussi coopté les Vaudois - depuis au moins 1559:

L'influence de Calvin à Genève s'exerce aussi dans des domaines plus positifs. L'initiation du peuple à la bonne doctrine nécessite un enseignement soigneux : en 1559, Calvin convainc le Conseil de créer une académie, dont il confiera la direction au Vaudois Pierre Viret. Cette académie deviendra bientôt un centre intellectuel de premier rang et recevra des étudiants de toute l'Europe, séminaire actif de diffusion de la doctrine genevoise au moment où la Contre-Réforme catholique, issue du Concile de Trente, menacera dans ses racines la nouvelle foi.


Calvin et le calvinisme - Clio.fr
https://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/pdf/pdf_calvin_et_le_calvinisme.pdf


Il va aussi essayer de coopter, très tardivement, Pape St. Grégoire I. Pour lui, le premier pape d'être Antéchrist était son successeur assez proche Boniface III.

Luther de son côté coopte les Hussites (qu'on appelle plus tard Moraviens), tout en leur déconseillant de prendre d'ordinations d'évêques catholiques en tant que calixtins et (tardivement) le moine St. Bernard de Clairvaux.

Si les Hussites et les Vaudois restent attachés à la Réforme (ou à deux Réformes différentes), ils ne mènent pas très loin en arrière, et on sera assez tôt obligé d'admettre que Grégoire I et Bernard de Clairvaux n'auraient pas accepté la Réforme. Ce qui nous mène à la deuxième (pas dernière) ecclésiologie protestante. Le réformisme.

Réformisme

Quelque part, on le voit déjà chez Luther et, sinon Calvin, au moins son successeur Bèze. On admet que, tout en affirmant que la Réforme produit une église purifiée et donc meilleure pour le salut, l'Église catholique aurait été un endroit possible pour se sauver, au moins avant cette Réforme, et ce n'est qu'après l'œuvre des réformateurs qu'on ait un devoir de se démarquer du Catholicisme romain, du Papisme, de manière, non orthodoxe mais protestante.

Comme si un léfévriste avait dit "le Novus Ordo était bon, tant que Monseigneur n'avait pas restauré l'accès au Vetus Ordo" - ce qui est un contresens, vu que Monseigneur avait continué la Messe de son ordination - et ceci valable pour des siècles en arrière, vu que les Protestants (tous, par définition, sauf ceux qui se défendent de ce sobriquet en tant que "Catholiques" - genre Anglo-Catholiques et leurs homologues suédois et luthériens) prétendent que le sacrifice de la messe était un "Novus Ordo" venu plus tard que les Apôtres.

Luther aime imaginer que son ami Érasme ait pu se sauver, malgré de continuer la Messe, en tant que sacrifice, et Bèze admet devant St. François de Sales (ce qui les Calvinistes nieraient peut-être comme mensonge propagandiste) que l'Église catholique est l'Église mère, et on a pu et peut encore s'y sauver. À quoi St. François répond avec la question, "pourquoi donc la Réforme avec les désordres qui se sont ajoutées dans la vie civile et paroissiale?" et Bèze "pour mieux se sauver."

Ceci est donc l'ecclésiologie des Luthériens, Anglicanes, Calvinistes, peut-être pas mal d'autres. Pour répondre à la question de St. François de Sales des historiens protestants ont prétendu que le Catholicisme produisait des pires désordres que les Réformes, ce que j'ai cru et ne crois plus (mes exemples étaient l'Inquisition et les Indulgences, prétendument vendues). À l'époque, ce n'était pas juste une pseudo-histoire, on a aussi attaqué:

  • les ordres mendiants comme otieux
  • l'encouragement à l'aumône comme encourageant une mendicité d'otieux
  • le célibat (de plus en plus on va viser des prétendus débordements comme typiques et inévitables, là ça devient de la pseudo-histoire)
  • la désobéisance aux parents (Sts François et Claire avaient choisi la vie religieuse sans que les pères avaient consenti, et St. Thomas s'était entêté de prendre un ordre mendiant plutôt que les bénédictins, comme le père aurait à la limite trouvé davantage acceptable)
  • la désobéissance aux maris (les mères de Sts François et Thomas prennent leur parti contre le mari)
  • l'insolence des dépendants (p. ex. droits des apprentis et des compagnons de devoir en fonction des règles des jurandes, qui étaient indirectement quasi-syndicales)
  • la désobéissance aux rois (Romains ch. 13 figure longtemps sur la liste des reproches aux Catholiques, c'est moins à la mode à partir de 1945), par exemple le cas historique de Henri IV humilié par son sujet civil le pape à Canossa, ou le cas d'actualité, à l'époque, quand les Catholiques refusent d'obéir aux dispositifs de leurs rois à propos sacrements ou prèches.


Une autre solution était de dire qu'on se sauve par appartenance à l'Église invisible, et non pas par appartenance à l'Église visible, d'où la possibilité pour les Catholiques d'antan ou en Espagne de se sauver. Ainsi par exemple Luther.

Mais essentiellement, ça revient à dire "en 1400, on pouvait se sauver en affirmant que Jésus avait institué 7 sacrements et l'eucharistie comme un sacrifice, mais en 1550 on est obligé que croire les sacrements 2 ou 3* et l'eucharistie comme non-sacrifice" ce qui est assez peu logique et en dépit d'un matracage intense de gouvernements, académies, sociétés protestantes conduit pas mal de Protestants à retourner à l'Église catholique.

Vu que le Calvinisme commence une surenchère pour se débarasser des trucs catholiques ("abus papistes") et que ce-ci relativise la nécessité de cette surenchère, on va tôt ou tard arriver à une autre ecclésiologie protestante. Elle va faire fortune dans des petites sectes. Et on vient au Restaurationnisme, que j'ai tenu à expliquer, puisque Henri de Fersan (? - non, voir mise à jour n bas) dans les pages de Rivarol avait attribué le Restaurationnisme à un "Messianisme juif."

Restaurationnisme

Alors, les Restaurationnistes sont, parfois, des sectes honnis par les autres Protestants, telles les T. de J. et les Mormons, parfois des sectes à peu près comme les autres, telles les Churches of God. D'abord "homonymie" :

Restorationism or Christian primitivism is the belief that a purer form of Christianity should be restored by believers using the early church as a model.

Restorationism can also refer to:


Alors, ça veut dire, "restaurationnisme ou primitivisme chrétien est la pensée que les Croyants devraient restaurer une plus pure forme du Christianisme par biais de l'Église primitive. Restaurationnisme peut aussi se référer à :"

[Je vais ajouter des nombres:]

1) the Stone–Campbell Restoration Movement, Christian primitivism from the 1840s onward in North America and Britain


Un exemple spécifique du sens général.

2) the British New Church Movement, British Christian primitivism of the 1960s onward


Un autre exemple spécifique du sens général.

3) Christian restorationism, a 19th-century movement promoting restoration of Jews to the Holy land, which later became known as Christian Zionism


Ici on a effectivement affaire à quelque chose qui a un rapport étroit avec le Sionisme : "restaurationnisme chrétien, une mouvance du XIXe S. qui promeut la 'restauration' des Juifs à la Terre Sainte, ce qu'on appelle plus tard le Sionisme chrétien."

4) Universal restoration, Greek apocatastasis, the "restoration of all things" mentioned in Acts, and most closely associated with Origen of Alexandria (184/185 – 253/254) and Gregory of Nyssa (c. 335 – c. 395)


Ni ni, populaire chez le pasteur et écrivain George McDonald et chez pas mal de modernistes, aussi (de manière modifiée?) chez Hans Urs von Balthasar et Robert Barron : "restauration universelle, en grec apocastasis, la 'restauration de toutes les choses' mentionnée dans les Actes des Apôtres ..." (chapitre 3, verset 21) "... et le plus proche associé avec Origène d'Alexandrie (184/185 - 253/254) et Grégoire de Nysse (c. 335 - c. 395)"

5) The formative Universalist Church of America's Restorationist faction of the 1820s, which insisted on a period of purgatory for some souls


L'église universaliste d'Amérique, en train de se former dans les années 1820's avait une faction restaurationniste qui insista que certains âmes doivent avoir une période du purgatoire (et George McDonald était d'accord, largément, c'est grâce à son disciple - partiel, avec réserves, mais autoproclamé avec enthousiasme - C. S. Lewis que j'arrive à accepter le Purgatoire environ un an avant ma décision de me convertir).

6) Restoration (Latter Day Saints), the process in the 1820s with which the Latter-day Saint movement started; also at times used as a synonym for the movement itself
7) Restoration Branches, are Latter Day Saint independent organizations separate from the Community of Christ (at the time of separation in the 1980s known as the Reorganized Church of Jesus Christ of Latter Day Saints) over rejected changes made in 1984 church's conference


Les deux sens se réfère au Mormonisme, a, 6) le processus selon lequel Joseph Smith aurait été le Moyen choisi de Dieu de restaurer l'Église primitive, b, 7) des "branches" de cette restauration, qui rejettent le Mormonisme "normal" au propos d'un "aggiornamento" en 1984.

Le sens principal est apparenté aux sens 1, 2, 6 et 7 dans la page d'homonymie. Et le lien vers ce sens principal donne une liste impressionnante de sectes protestantes qui au lieu d'être réformistes sont restaurationnistes.**

Il convient de dire que ma mère ayant été de l'Armée du Salut avait une ecclésiologie réformiste : "William Booth avait succession apostolique depuis John Wesley, John Wesley depuis Martin Luther, et Martin Luther de l'Église catholique" tandis que mon père ayant été Adventiste de 7e jour en avait une restaurationniste - ma grand-mère maternelle (chez qui on vivait, ma mère et encore un peu plus tard moi) m'a même demandé de ne pas notifier la grand-mère paternelle de ma conversion à cause de ça.

Et le grand hic avec cette théorie est, comment est-ce qu'elle carre avec Mathieu 28:20, avec une promesse pour "tous les jours jusqu’à la fin du monde"? On ne restaure que le perdu, et ceci implique que la vérité ne peut se perdre davantage que moins que 48 h (si on prend les dates comme référence on peut imaginer la vérité perdue après 0:01 ce matin et elle doit alors être restauré avant 23:59 demain matin, pour être présente les deux jours, qui sont, bien évidemment, parmi ces "tous les jours" qu'évoque Notre Seigneur. Ici, pas mal laisseraient tomber le Protestantisme, mais voici quelques die-hards:

Continuité baptiste

Ceci est un retour à l'historiographie très amateuriste et approximative (mais au carré) des Réformateurs.

On résume (contrairement à Luther et Calvin) la vérité que le Papisme avait caché pas mal comme "baptême des adultes" et mélange pèle-mèle des sectes ayant recusé le baptême des enfants (avec ou sans baptême des adultes), l'ayant différé (Donatistes, pour motif de diffidence vis-à-vis l'absolution), et des époques missionnaires quand bien entendu pas mal d'adultes prennent la foi et se font baptiser, et encore d'autres dissidences vis-à-vis le Catholicisme romain (les moines irlandais, les Culdees, qui en abnégation se mettaient des tierces de nuits, quatre heures, en eau froide de fleuves, et qui n'acceptaient pas le calendrier du Pape de leur époque). Et comme Hitler et Lénine et Marx et Billy Graham pour certains sont "tous illuministes" - ainsi, pour eux, tous ces exemples relève de la vraie continuité chrétienne à partir des apôtres.

Irréprochable vis-à-vis Mt 28:20, si historiquement vrai. Seulement, historiquement simplement très clairement pas vrai.

Hans Georg Lundahl
Paris
Lundi de Pentecôte
6.VI.2022

Mise à jour : non, ce n'était pas Henri de Fersan, c'était Jean Terrien.

* Luther ajoute la confession à baptême et eucharistie, Calvin ne retient que ces deux.
** L'article français sur Sionisme chrétien fait, hélas, un faux raccourci entre le sens 3 et le sens "général" dans ce paragraphe qui est une contrevérité:

Aux xviiie et xixe siècles, un courant chrétien proto-sioniste s'installa progressivement au cœur de l'Angleterre : le restaurationnisme3. Un certain nombre de théologiens et de penseurs s'en sont faits les hérauts, à l'image de Thomas Newton (1704-1782), évêque de Bristol, ou de Anthony Ashley Cooper (1801-1885), comte de Shaftesbury.


Parce que, si ce proto-sionisme s'appelle "restaurationnisme" aussi, le lien est vers la liste des ecclésiologies du primitivisme chrétien. Celui-ci étant beaucoup plus important que le proto-sionisme, ceci donne une fausse impression que la chrétienté anglo-saxonne et protestante serait essentiellement surtout sioniste.

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