Wednesday, May 15, 2019

Vin et hypocras au Moyen Âge


Pour contrer à quelques malentendus et pour qualifier en détail quelques bonnes repères:

  • 1) La première raison des boissons alcoolisés n'était pas d'avoir une boisson sans microbes. On était dans la logique de chercher des endroits avec de la bonne eau:

    Le nom actuel de la ville apparaît pour la première fois dans l'histoire dans une charte du roi Dagobert en 635


    Aqua bona ou Eaubonne.

    Donc, non, pour avoir de l'eau pure, on n'était pas obligé de prendre une boisson alcoolisée. L'homme qui m'avait cité ceci comme première raison d'être m'avait aussi utilisé le mot anxiolytique ... donc, ça a presque l'air d'être un médecin, ce qui m'inquiète un peu. Ils ont des préjugés et sont souvent assez nuls ou au mieux inégalement cultivés en histoire.

  • 2) L'hypocras n'a pas précédé le vin pur. Les vins sont inégaux en acidité, et un vin à forte acidité se boît peut-être mieux en apéritif à des sucres ou d'épices ou les deux ajoutés. C'est toujours le cas. Pour le livre Guldet i flaskan - un livre-souvenir de la compagnie étatique suédoise pour importation et production d'alcools plus forts que la bière, on avait fait des recherches sur l'histoire d'un boisson qu'on appelle chez nous punsch. La recette à l'époque qu'on la faisait chez soi comportait arrack, sucre, eau et citron, mais la recette industrielle a remplacé le citron avec du vin blanc assez acide.

    Sans arrack, on prendrait plutôt sucre ou miel - comme c'est le cas pour l'hypocras - avec des épices dans le vin. Avec celui-ci comme base du boisson.

    L'accès à l'hypocras a bien-sûr varié avec l'accès aux épices.

    Les vins à l'antiquité ont varié entre vins purs et vins à goût ajoutés, mais alors avant l'amphore : l'héritier de ces derniers, c'est la retzina. Pour les vins à miel ajouté avant l'amphore, la méthode actuelle de produire un vin très sucré est soit d'attendre des raisins avec plus de sucre (Spähtlese en Alsace, pourriture noble comme dans les vins Sauternes de France ou Tokaj de la Hongrie), soit d'ajouter de l'alcool destillé du vin avant la fin de la fermentation (Porto et - moins sucré - Xérès). Exit donc le miel avant l'amphore - sauf pour notre cher punsch (très cher à nous les Suédois : même ceux qui ne l'aiment pas le reconnaissent comme une référence).

    Comme de nos jours, ça a toujours coexisté avec les vins purs, au moins en régions où les raisins avaient un bon sucre avant la recolte.

  • 3) Une raison apparentée mais différente que celle premièrement évoquée (et rejetée) est, le jus de raisins est un bon calorique (et vitaminique aussi), mais avant Pasteur il ne tient pas très bien tel quel. S'il va de toute manière fermenter, alors autant le faire de manière contrôlé.

    (Certains "évangélistes" soutiennent que la Cène aurait figuré du jus de raisins, mais il me semble que la saison exclut cette hypthèse très nettement : une recolte en Octobre en Terre Sainte ne va pas rester jus non fermenté jusqu'en fin Mars sans les arts de Louis Pasteur).

  • 4) Pour rester sur le physique, l'alcool (et donc vin, bière et cidre) est comme le sucre un bon laxatif. Avant le café, davantage nécessaire que de nos jours, même de nos jours je trouve préférable d'alterner entre les deux.

  • 5) La cause majeur (licite) serait:

    Wine was created from the beginning to make men joyful, and not to make them drunk.

    Vinum in jucunditatem creatum est, et non in ebrietatem ab initio.

    Livre du Siracide, 31:35 (semble manquer dans la Bible Crampon sur wikisource, et un autre site avec la Bible Crampon en ligne semble être fermé). Les versets qui précèdent et suivent indiquent que l'ivresse (aller au-delà de l'euphorie) n'est pas licite.


Et vin comme luxe en Gaules? Effectivement, avant César, c'était une importation étrangère et donc un luxe. Sauf bien entendu en Provincia Narbonensis. Mais ceci ne concerne pas le Moyen Âge, ni sa relation au vin.

Ayant évoqué ses cousins bière et cidre, faut pas oublier l'hydromel. Un roi suédois dont le père se faisait adorer comme un faux dieu a débarassé la dynastie Yngling de la superstition de divinité continuée par le fait de se noyer dans un vat d'hydromel. In hydromelle veritas ou quelque chose ...

Hans Georg Lundahl
Bibl. Crimée
St. Jean-Baptiste de la Salle
15.V.2019

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